Le 20 mars 2025, le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) a lancé l’inventaire des ressources minérales en Guyane. En présence de responsables politiques et d’acteurs locaux, ce projet de cinq ans vise à identifier des métaux stratégiques cruciaux pour la France et l’Europe : or, lithium, tantale, niobium.
Avec un budget de 53 millions d’euros, ce programme national s’inscrit dans la stratégie de souveraineté minérale de la France. En Guyane, l’objectif est double : sécuriser les approvisionnements tout en valorisant les ressources locales. Ce territoire, riche en métaux stratégiques, devient un enjeu clé pour la résilience économique nationale.
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Pourquoi la France mise sur les ressources minérales de la Guyane ?
L’Europe dépend fortement des importations de métaux stratégiques, notamment en provenance de la Chine, un monopole qui expose l’industrie européenne à de graves vulnérabilités. Pour s’en affranchir, l’Union européenne a adopté en 2023 le Critical Raw Materials Act (CRM Act), un texte ambitieux visant à renforcer l’autonomie européenne en ressources critiques. L’objectif fixé : atteindre 10 % d’autonomie d’ici 2050, contre seulement 3 % aujourd’hui. Cette dépendance n’est pas seulement économique ; elle représente une faiblesse stratégique face aux tensions internationales.
Dans ce contexte, la France a décidé de lancer un vaste programme d’inventaire des ressources minérales sur son territoire, incluant la Guyane. Ce choix n’est pas anodin.
Située au cœur de l’Amazonie, la Guyane possède une géologie unique, riche en métaux précieux et stratégiques. Depuis les années 1950, les prospections menées par le BRGM ont déjà révélé un potentiel considérable en or, en tantale-niobium, en bauxite, en kaolin et en sables à minéraux lourds. Mais ce potentiel reste encore largement sous-exploité.
Le programme d’inventaire 2025 vise à combler cette lacune en s’appuyant sur des méthodes d’exploration modernes, tout en respectant les impératifs environnementaux. Pour les autorités françaises, il s’agit non seulement de sécuriser les approvisionnements en métaux critiques, mais aussi de valoriser les ressources locales, en créant des opportunités économiques pour la Guyane et en renforçant la souveraineté nationale.
Une exploration high-tech sous la canopée guyanaise
Dans les vastes forêts de la Guyane, le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) déploie des technologies de pointe pour explorer le sous-sol sans perturber l’environnement. Loin des méthodes traditionnelles d’exploration minière, cette initiative repose sur des techniques non invasives :
- la géophysique aéroportée
- les analyses géochimiques.
Une cartographie géologique par les airs
Le BRGM mise sur des campagnes de survol en hélicoptère et en avion pour cartographier les structures géologiques. Grâce à des capteurs électromagnétiques et des détecteurs gravimétriques, cette méthode permet de détecter les anomalies géologiques jusqu’à 1 000 mètres de profondeur, sans toucher le sol.
Chaque survol produit des données précises sur les formations souterraines, qu’il s’agisse de failles, de dépôts minéralisés ou de structures géologiques complexes.
« C’est comme une IRM géante appliquée à la terre », explique Karim Ben Slimane, directeur du projet d’inventaire national des ressources minérales au BRGM et président de BRGM Explore, interviewé lors de l’émission « L’invité du 7h » sur Radio Peyi le 20 mars 2025.
Cette technologie est essentielle dans une région où la densité de la forêt rend impossible une exploration au sol classique.
Des analyses géochimiques pour affiner la recherche
Mais les images aériennes ne suffisent pas. Pour affiner les résultats, le BRGM procède à des prélèvements de sédiments dans les cours d’eau de la région. Ces échantillons, collectés avec précision par des équipes de terrain, sont ensuite analysés pour détecter les traces de métaux critiques, comme le lithium, le tantale ou le niobium.
Ces analyses permettent de cartographier la dispersion naturelle de ces métaux dans les sédiments, révélant les zones les plus favorables à une exploration plus poussée. En croisant ces données avec les relevés géophysiques, les géologues peuvent dresser une carte des anomalies minérales, identifiant les secteurs à fort potentiel.
Guyane : un potentiel minier stratégique à redécouvrir
Riche en métaux précieux et stratégiques, la Guyane est une terre de promesses. Dès les années 1950, les premières prospections ont révélé des gisements d’or, de bauxite, de kaolin et de tantale-niobium. En 2013, une mise à jour de l’inventaire a confirmé ce potentiel, mais de vastes zones restent encore inexplorées.
Le Sillon Nord de la Guyane, une région couvrant le nord du territoire entre Cayenne et la frontière avec le Suriname, est au cœur de ce nouveau programme. Cette zone, définie par ses formations géologiques complexes, est considérée comme l’une des plus prometteuses. Or, cuivre, lithium, zinc… Ces métaux, cruciaux pour les technologies modernes (batteries, panneaux solaires, électronique), pourraient se cacher sous la canopée.
Pour directeur du projet , « la Guyane partage une géologie similaire à l’Afrique de l’Ouest, ce qui renforce son potentiel. »
En effet, les formations géologiques de la Guyane sont les sœurs jumelles de celles de l’Afrique de l’Ouest, séparées il y a des millions d’années par l’ouverture de l’Atlantique. Cette parenté géologique laisse espérer des découvertes comparables à celles de l’Afrique, où de riches gisements de métaux critiques ont déjà été identifiés.
Le BRGM espère ainsi découvrir de nouvelles ressources, tout en s’appuyant sur des technologies de pointe pour éviter les impacts environnementaux. Le choix des méthodes non invasives est essentiel pour protéger la biodiversité exceptionnelle de la Guyane, tout en permettant une exploration efficace.
Transparence et acceptabilité sociale : un enjeu clé pour le projet
L’exploration des ressources minérales en Guyane repose sur une exigence de transparence. Conscient des enjeux environnementaux et sociaux liés à ce projet, le BRGM a adopté une politique de communication active pour rassurer les populations locales et les acteurs économiques.
M. Karim Ben Slimane, directeur du projet, l’a affirmé lors du lancement : « Les données géophysiques seront rapidement accessibles au public, mais les données géochimiques seront limitées aux professionnels déclarés. »
Cette distinction vise à protéger les informations sensibles tout en garantissant une transparence suffisante pour éviter les malentendus. Les autorités locales, les collectivités et les associations de protection de l’environnement, comme Guyane Nature Environnement, sont régulièrement informées de l’avancement du projet.
Une médiation scientifique est également prévue pour expliquer les méthodes utilisées, les objectifs de l’inventaire et les mesures de protection de la biodiversité.
Cependant, la question de l’acceptabilité sociale reste un défi. En Guyane, les activités minières suscitent souvent des débats, notamment en raison des impacts environnementaux potentiels et des conflits avec les populations locales. Le BRGM doit donc concilier les attentes économiques et les préoccupations écologiques, en veillant à une gestion responsable des ressources.
Enjeux économiques : quelles retombées pour la Guyane ?
Pour la Guyane, cet inventaire des ressources minérales pourrait représenter une opportunité économique majeure. En identifiant de nouvelles ressources stratégiques, la région pourrait attirer des investissements dans l’exploration et l’exploitation minière, créant ainsi des emplois directs et indirects.
Mais les retombées économiques ne se limiteront pas aux seules mines. Le BRGM envisage également de développer une filière locale de transformation des métaux. Cette stratégie permettrait de créer de la valeur ajoutée sur place, tout en réduisant l’empreinte carbone liée à l’exportation des matières premières.
Le directeur du projet insiste sur cette vision d’une exploitation durable : « Nous ne cherchons pas seulement à identifier des ressources. Nous voulons qu’elles profitent au territoire, tout en garantissant une gestion respectueuse de l’environnement. »
Pour cela, des partenariats pourraient être développés avec l’Université de Guyane pour former des techniciens locaux, et des entreprises locales pourraient être impliquées dans les campagnes de prélèvement et d’analyse.
Télécharger la plaquette sur l’inventaire des ressources minérales en Guyane
En Guyane, la quête de métaux stratégiques prend une nouvelle dimension avec cet inventaire piloté par le BRGM. Au-delà de la simple exploration géologique, il s’agit d’un pari sur l’avenir du territoire, entre développement économique et protection de la biodiversité. Si les premiers résultats sont attendus d’ici 3 ans, les impacts pourraient redéfinir le rôle de la Guyane dans l’approvisionnement en ressources critiques, tout en ouvrant des perspectives pour les acteurs locaux.