GUYANE. Le climat met à l’épreuve les infrastructures et le BTP

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La Guyane fait aujourd’hui face à une pression climatique croissante qui bouleverse directement ses infrastructures et son secteur du BTP. Dans un récent état des lieux publié par l’Agence d’Urbanisme et de Développement de la Guyane (AUDeG, 2025), les experts dressent un constat sans équivoque : les effets du réchauffement planétaire ne sont plus une perspective future mais une réalité quotidienne. Températures record, précipitations extrêmes, montée du niveau marin : les aléas climatiques fragilisent progressivement les réseaux, les bâtiments et les capacités de développement du territoire.

Des infrastructures de plus en plus vulnérables aux aléas climatiques

Depuis les années 1970, la Guyane enregistre une hausse moyenne des températures de +1,5°C, soit 0,28°C par décennie. Parallèlement, le niveau marin s’élève de 2,5 à 3,2 mm par an. Ces évolutions cumulent leurs effets et pèsent lourdement sur les infrastructures.

Ainsi, les réseaux routiers, en particulier les axes littoraux, deviennent de plus en plus vulnérables face aux phénomènes de submersion chronique qui pourraient, d’ici 2100, s’étendre de 50% à 100% à Cayenne et Kourou selon les projections de l’étude GuyaClimat.

La hausse du niveau de la mer, conjuguée aux épisodes de marées hautes et de tempêtes, entraîne des dégradations rapides et récurrentes des ouvrages côtiers.

En parallèle, les glissements de terrain représentent un risque non négligeable, notamment sur les pentes argileuses de l’île de Cayenne. Déclenchés par les précipitations intenses, ces mouvements déstabilisent les infrastructures routières ainsi que les habitations implantées sur ces terrains sensibles.

Les voies fluviales, elles aussi, subissent des perturbations importantes. Sur les fleuves Maroni et Oyapock, essentiels aux déplacements et aux échanges économiques, les sécheresses prolongées rendent parfois la navigation impraticable, isolant temporairement certaines communes de l’intérieur. Inversement, lors des épisodes pluvieux extrêmes, les crues soudaines compliquent la navigation et fragilisent les berges.

De surcroît, les variations de pluviométrie impactent directement le fonctionnement des centrales hydroélectriques, telles que le barrage de Petit Saut, qui assure une part importante de l’alimentation électrique du territoire. D’un côté, les périodes de sécheresse prolongées peuvent réduire les capacités de production. De l’autre, les crues violentes menacent la sécurité des infrastructures de production et de distribution, accentuant ainsi la vulnérabilité énergétique de la Guyane.

Enfin, les réseaux de télécommunication et d’électricité, majoritairement aériens, restent très exposés aux aléas météorologiques. Les vents violents et les chutes d’arbres provoquent régulièrement des coupures prolongées sur l’ensemble du territoire.

Le secteur du bâtiment sous forte pression climatique

Les infrastructures existantes ne sont pas toujours dimensionnées pour résister durablement aux nouvelles conditions climatiques. Par exemple, la dilatation thermique des matériaux entraîne fissures et déformations des revêtements routiers sous l’effet des fortes chaleurs. De nombreux bâtiments, édifiés dans des zones exposées aux inondations ou à la submersion, voient désormais leur pérennité menacée.

L’élévation du niveau marin et les glissements de terrain mettent progressivement en danger une part croissante du parc bâti guyanais, rendant indispensables des stratégies de relocalisation ou de renforcement des structures.

Face à ces vulnérabilités structurelles, une révision des normes de conception s’impose. Les systèmes constructifs doivent désormais intégrer plusieurs paramètres : l’élévation du niveau marin, l’érosion côtière, les surcharges hydriques sur les toitures et les fondations, ainsi que la résistance des matériaux aux alternances extrêmes de sécheresse et d’humidité.

Des chantiers fragilisés et des coûts en hausse

Sur le terrain, les professionnels du BTP se heurtent à une instabilité croissante des plannings de chantier. Les précipitations torrentielles interrompent fréquemment les travaux, tandis que les sécheresses prolongées compliquent l’approvisionnement en eau nécessaire aux activités de construction.

En parallèle, les fortes chaleurs accentuent la pénibilité des tâches, exposant les ouvriers à des risques accrus de stress thermique, de déshydratation et d’épuisement.

En outre, les difficultés logistiques s’accumulent. Les aléas climatiques perturbent les circuits d’approvisionnement, provoquant des retards de livraison de matériaux essentiels. Conséquence directe : les interruptions de chantier, les surcoûts d’adaptation et les imprévus climatiques entraînent une inflation progressive des budgets de construction. Pour les entreprises du BTP, déjà fragilisées économiquement, cette instabilité constitue un facteur de risque supplémentaire.

Des matières premières plus rares et plus chères

Par ailleurs, le changement climatique impacte sensiblement la disponibilité des ressources locales utilisées dans le secteur. Les forêts guyanaises, soumises à des sécheresses croissantes et à la prolifération de parasites, voient leur capacité de production diminuer.

Selon les scénarios les plus pessimistes, la croissance forestière pourrait chuter de 40%, réduisant ainsi l’offre d’essences majeures comme l’Angélique et le Gonfolo rose, pourtant essentielles à la filière bois locale. Cette raréfaction entraîne mécaniquement une hausse des prix et menace la pérennité de certaines exploitations.

Simultanément, l’érosion des sols et la salinisation progressive des terres côtières limitent l’utilisation des ressources locales pour la fabrication de matériaux de construction. Cette contrainte renforce la dépendance du secteur aux importations, avec des coûts logistiques accrus et une exposition supplémentaire aux aléas d’approvisionnement.

Comment préparer la résilience des infrastructures guyanaises ?

Face à cette accumulation de vulnérabilités, l’adaptation devient un impératif. L’étude de l’AUDeG souligne notamment l’importance de réaliser des diagnostics de vulnérabilité territoriale. Ces travaux combinent observations scientifiques, données historiques et retours d’expérience issus du terrain.

Concrètement, le diagnostic s’appuie sur des indicateurs variés : antécédents de crues et de sécheresses, températures records, projections climatiques fournies par l’étude GuyaClimat, ainsi que l’évaluation des vulnérabilités propres à chaque secteur — qu’il s’agisse des infrastructures routières, du bâti, des réseaux ou de l’approvisionnement en eau. Une telle approche permet d’identifier les infrastructures les plus exposées et de planifier des priorités d’intervention claires.

En parallèle, l’évolution des pratiques constructives constitue un levier central. Il s’agit notamment :

  • intégrer l’élévation du niveau de la mer dans les choix d’implantation,
  • de développer des matériaux et des structures capables de supporter des cycles climatiques extrêmes
  • d’augmenter la perméabilité des espaces urbains afin de limiter les ruissellements et les inondations.

Cependant, l’adaptation technique ne saurait suffire à elle seule. Une gouvernance participative, associant collectivités, entreprises du BTP, chercheurs et citoyens, est indispensable pour bâtir des stratégies robustes et largement acceptées.

De plus, face aux incertitudes inhérentes à l’évolution climatique, ces plans doivent rester flexibles. Les connaissances scientifiques progressant continuellement, les dispositifs d’adaptation devront être périodiquement réévalués pour rester pleinement efficaces.


Consulter ici la dernière publication de l’AUDeG. 2025, LE CHANGEMENT CLIMATIQUE EN GUYANE – Mieux comprendre pour agir


En Guyane, les infrastructures et le secteur du BTP sont désormais confrontés à un climat devenu instable et plus contraignant. Les choix d’adaptation pris dès aujourd’hui façonneront la capacité du territoire à préserver ses réseaux, son habitat et son développement face aux effets du changement climatique dans les décennies à venir.

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