Au deuxième trimestre 2025, l’économie guyanaise montre des signes d’amélioration, mais reste marquée par des contrastes. Entre un climat des affaires en léger redressement, une consommation des ménages qui repart et des exportations record en valeur, les fragilités structurelles persistent : délais de paiement, dépendance à l’or, tensions dans le BTP et vulnérabilité de l’emploi de longue durée.
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Un climat des affaires en hausse, mais encore en retrait
L’indicateur du climat des affaires (ICA) gagne 1,7 point et atteint 97,8, sans pour autant retrouver sa moyenne de longue période.
Derrière cette progression se cachent des réalités contrastées. La trésorerie des entreprises s’améliore et les effectifs repartent à la hausse, mais les délais de paiement dégradés et la baisse des prévisions d’investissement pèsent lourdement sur la confiance des chefs d’entreprise.
La fragilité du tissu économique s’illustre surtout par la flambée des défaillances d’entreprises : +90,8 % sur le trimestre, soit 124 défaillances en cumul annuel. Comme le souligne le rapport, « ce rebond des défaillances est lié aux entreprises qui avaient été maintenues actives pendant la pandémie grâce aux différents dispositifs de soutiens financiers publics ».
En parallèle, la création d’entreprises reste dynamique (+11,8 % sur un an), portée notamment par les microentreprises.
Inflation modérée, ménages fragilisés
L’inflation ralentit, tombant à +0,8 % sur un an contre 1,5 % au trimestre précédent, un niveau inférieur à la métropole. Cette décélération tient surtout à la chute des prix de l’énergie (–8,5 %), tandis que les prix de l’alimentation (+2,7 %) et des services (+2,4 %) continuent de progresser.
Mais derrière ces chiffres rassurants, les ménages restent fragiles. Les dossiers de surendettement bondissent de 42,1 % en trois mois, retrouvant le niveau observé fin 2024. Si les interdits bancaires reculent légèrement (–1,1 %), la hausse du surendettement rappelle la vulnérabilité persistante du pouvoir d’achat.
Consommation et investissement : des moteurs contrastés
La consommation des ménages connaît un fort regain, tirée par une envolée des importations de biens de consommation (+46,1 % en valeur). Les biens non durables explosent (+55,7 %), traduisant une demande vive, tandis que les biens durables progressent plus modérément.
Cependant, le marché automobile reste en crise : les immatriculations de véhicules de tourisme chutent de 24,7 % sur un an. L’investissement, lui, se maintient : les importations de biens d’équipement bondissent de 70 % sur le trimestre. Les véhicules utilitaires confirment la tendance, avec +73,2 % d’immatriculations. Pourtant, les prévisions des chefs d’entreprise restent prudentes, en deçà de leur moyenne de long terme.
Commerce extérieur : rebond spectaculaire mais fragile
Après un trimestre marqué par les grèves portuaires, le commerce extérieur repart vivement. Les importations augmentent de 46,3 % en valeur, et les exportations s’envolent de 86,9 %, atteignant un niveau record.
L’or demeure central, représentant 40 % des exportations de biens, avec une hausse de 44,6 % en valeur. Les produits agricoles et de la pêche (+32,4 %) et le bois (+33,4 %) participent à ce dynamisme.
Mais derrière la performance en valeur, les volumes reculent : –10,1 % au total, dont –4,5 % pour l’or et –14,9 % pour les biens de consommation. Le rapport avertit ainsi que « les évolutions en volume sont plus mitigées », soulignant la fragilité de cette reprise.
Commerce et BTP sous pression
Le commerce souffre toujours des perturbations logistiques liées aux grèves portuaires du premier trimestre, mais c’est surtout le BTP qui envoie un signal d’alerte. Après plusieurs années de croissance soutenue par la commande publique, le secteur connaît un net ralentissement.
L’IEDOM souligne que « la contraction de l’activité du BTP contraste avec la vigueur dont il jouissait jusqu’à présent, soutenu par la commande publique ».
Les délais de paiement dégradés touchent particulièrement ce secteur, accentuant la fragilité des entreprises. Dans le même temps, les perspectives d’activité restent moroses et les prévisions d’investissement reculent, révélant une baisse de confiance des acteurs pour les mois à venir.
Industries et tourisme en demi-teinte
À l’inverse, l’industrie apparaît comme l’exception positive du trimestre. La trésorerie se redresse, les effectifs progressent et les perspectives d’activité restent favorables. Le secteur bénéficie directement du dynamisme des exportations aurifères.
Le tourisme, en revanche, reste atone. Les nuitées hôtelières reculent de 0,2 % ce trimestre, mais restent en hausse de 5,2 % sur un an. Le trafic aérien confirme ce léger frémissement, avec +6,7 % de mouvements de vols.
Des perspectives redessinées par l’international
Le contexte international influence directement la trajectoire guyanaise. Le FMI prévoit une inflation mondiale de 4,2 % en 2025, mais révise à la hausse la croissance américaine (+1,9 %) et européenne (+1 %).
En Amérique latine, les perspectives sont contrastées : +2,2 % de croissance régionale, mais des rythmes beaucoup plus soutenus chez les voisins, avec +10,3 % attendus pour le Guyana en 2025 grâce à l’essor pétrolier.
Cette dynamique régionale ouvre des perspectives, mais rappelle aussi le décalage structurel entre la Guyane et ses voisins, qui s’appuient sur d’autres moteurs de croissance.
Source : IEDOM – TENDANCES CONJONCTURELLES 2E TRIMESTRE 2025 – GUYANE
Le T2 2025 illustre les paradoxes de l’économie guyanaise : consommation et exportations soutiennent le redressement, mais les défaillances explosent, l’emploi de longue durée se fragilise et des secteurs structurants comme le BTP et le commerce se replient. La dépendance à l’or demeure une force mais aussi une faiblesse, soulignant l’urgence de diversifier les leviers de croissance.