GUYANE. Conjoncture économique 2024 : un redressement fragile face aux tensions de 2025

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Vue aérienne de Saint-Laurent du Maroni © JODY AMIET / AFP

Après une année 2023 marquée par une récession, l’économie guyanaise a repris de la vigueur en 2024. C’est le principal enseignement du rapport annuel publié par l’IEDOM. Mais derrière ce rebond apparent, les équilibres restent précaires. Dès le début de 2025, plusieurs signaux d’alerte émergent : tensions commerciales mondiales, retards d’infrastructures, incertitudes politiques. Dans ce contexte, la Guyane cherche encore la voie d’un développement stable et durable.

Un climat des affaires apaisé… pour un temps

Après une année 2023 morose, l’indicateur du climat des affaires (ICA) progresse durant trois trimestres consécutifs en 2024, pour atteindre 98,8 points en moyenne annuelle, soit un retour à sa moyenne de longue période. « Ce regain d’optimisme s’accompagne de prévisions d’investissement globalement positives et d’effectifs salariés en hausse », souligne l’IEDOM.

Dans le même temps, les défaillances d’entreprises reculent de 12,7 %, et les créations poursuivent leur tendance haussière (+5,8 %), totalisant 3 537 entreprises, dont la moitié en micro-entreprise.

Mais cet élan est stoppé net au 1er trimestre 2025. L’enquête de conjoncture de l’IEDOM révèle une dégradation soudaine de l’ICA, liée à plusieurs facteurs exogènes : nouvelle politique douanière des États-Unis, mouvements sociaux dans les ports, retards de raccordement électrique pour des bâtiments neufs, et lenteur persistante des paiements publics.

« Plusieurs acteurs économiques du territoire signalent également des délais importants quant au raccordement de bâtiments nouvellement créés au réseau électrique, fragilisant ainsi l’équilibre financier de certains projets », prévient le rapport.

Une consommation bien orientée, mais minée par l’inflation

Portée par la progression de la masse salariale du secteur privé (+4,2 %), la consommation des ménages se redresse en 2024. Les importations de biens de consommation progressent de +4,5 % en valeur et +4,2 % en volume, notamment les biens non durables (+5 % en valeur).

En revanche, les biens durables stagnent (+1,1 %), traduisant un report d’achats face à une inflation encore présente.

Les arbitrages sont nets sur le marché automobile : les importations de véhicules de tourisme baissent de –3,9 % en valeur et de –9,7 % en volume, tandis que les immatriculations chutent de –6,4 %.

L’IEDOM alerte également sur une vulnérabilité accrue des ménages : le nombre de dossiers de surendettement bondit de +24,9 %, atteignant 291 cas, un record depuis dix ans.

Une inflation encore au-dessus de la cible, mais des signes d’inflexion

L’inflation reste élevée en 2024 : +3 % en moyenne annuelle, soit un niveau identique à 2023 mais supérieur à la cible de la Banque centrale européenne. Le rapport indique que « cette hausse est principalement tirée par les prix de l’énergie (+7,2 %) et de l’alimentation (+4,9 %) ». Les prix des services ralentissent (+2,8 %) et ceux des produits manufacturés restent stables (+0,7 %).

Une inflexion est toutefois observée au second semestre, avec un ralentissement de la hausse des prix.

L’IEDOM l’explique par un effet retard lié à la logistique et aux stocks. L’évolution des prix devrait progressivement converger vers celle de l’Hexagone, où l’inflation est tombée à 2 %. La Banque de France prévoit d’ailleurs une inflation nationale à 1,3 % en 2025.

Un investissement privé soutenu, moteur d’une relance partielle

Les indicateurs d’investissement confirment la reprise : +13,3 % d’encours de crédits à l’investissement, et des importations de biens d’équipement en hausse de +9,6 % en volume.

Cette dynamique est renforcée par les grands projets d’infrastructure en cours : centrale et pont du Larivot, cité judiciaire de l’Ouest, nouvel hôtel de police de Cayenne. « Ces investissements de plusieurs centaines de millions d’euros sont de nature à soutenir l’activité », souligne l’IEDOM.

Malgré ces signaux positifs, la visibilité reste incertaine. Les chefs d’entreprise interrogés par l’IEDOM évoquent une baisse de confiance, notamment dans le secteur de la construction, où l’encours de crédits se contracte de –8,1 %. Les inquiétudes portent sur une possible réduction des commandes publiques en 2025, dans un contexte budgétaire tendu.


Le BTP, entre reprise technique et fragilités persistantes

Le secteur du BTP affiche une activité en croissance. Les carnets de commandes sont remplis, les effectifs repartent à la hausse, et les trésoreries s’améliorent en fin d’année. Les délais de paiement sont mieux maîtrisés qu’en 2023.

Ce regain se traduit dans les chiffres : le BTP capte une part importante de la hausse des crédits à l’investissement.

Mais les chefs d’entreprise restent prudents. « Les prévisions d’investissement se dégradent fin 2024, après un pic en début d’année », indique l’IEDOM.

La baisse des crédits à la construction en fin d’année reflète un manque de visibilité, notamment sur les appels d’offres publics. Pour soutenir la dynamique, les professionnels plaident pour un pilotage plus fluide des grands chantiers, et une simplification de la commande publique.


Des secteurs à la peine malgré la reprise globale

Le commerce, qui montrait des signes de redressement début 2024, retombe en dessous de sa moyenne de long terme au 4e trimestre. « Les acteurs signalent une baisse continue des prix tout au long de l’année », indique le rapport, ce qui traduit une compression des marges. Les prévisions d’investissement, elles, restent bien orientées.

Les services marchands, de leur côté, peinent à sortir de la stagnation. Le solde d’opinion reste négatif, les carnets de commandes irréguliers, et les trésoreries contraintes. Seule l’amélioration des intentions d’investissement fin 2024 apporte un peu de répit.

Dans le tourisme, les signaux sont ambigus : le trafic aérien augmente (+3 %), mais les nuitées hôtelières reculent légèrement (–1,2 %). L’IEDOM note une activité « en berne » malgré le retour progressif des liaisons régionales.

Une activité bancaire robuste, mais sous surveillance

La sphère bancaire guyanaise reste dynamique. L’encours sain de crédits progresse de +6,7 %, tiré par les crédits aux entreprises (+9,3 %) et aux ménages (+4,4 %). Les crédits à la consommation ralentissent (+6,6 %, contre +8,2 % en 2023), impactés par le marché automobile. Le financement immobilier progresse à un rythme modéré (+3,5 %).

Les taux de crédit restent plus élevés qu’en métropole : +70 points de base pour l’immobilier (4,16 % en moyenne annuelle), +15 pdb pour la consommation. La sinistralité reste globalement stable, avec un taux de créances douteuses de 3,6 %, mais l’IEDOM appelle à la vigilance sur les profils les plus fragiles.

Côté épargne, les dépôts progressent de +3,3 %, tirés par les placements liquides (+7,5 %) et de long terme (+4,4 %). Les ménages, comme les entreprises, continuent de renforcer leur trésorerie dans un contexte incertain.

Une trajectoire 2025 encore indéterminée

Les perspectives pour 2025 oscillent entre prudence et espoir. L’environnement mondial reste instable, et les effets indirects des tensions commerciales ou des blocages logistiques continuent d’impacter la GUYANE. Plusieurs retards dans les infrastructures, notamment dans l’énergie, posent problème à court terme.

Mais des moteurs existent. L’IEDOM souligne que « l’activité spatiale devrait s’intensifier, avec huit lancements prévus en 2025 », contre trois en 2024. Le secteur spatial représente toujours un levier majeur pour l’économie locale, avec un poids direct et indirect conséquent. Les grands chantiers en cours, s’ils se poursuivent au rythme prévu, pourraient consolider la reprise.

Enfin, la Guyane est concernée au premier plan par le Plan national d’adaptation au changement climatique 2025, qui cible les DROM comme zones prioritaires. Biodiversité, gestion de l’eau, aménagement du littoral et résilience foncière sont autant de fronts où l’action publique pourrait catalyser un nouveau cycle de développement – à condition de lever les freins structurels persistants.

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