En 2023, la Guyane comptait plus de 13 000 ménages en attente d’un logement social, selon les données publiées par l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) dans un livret spécifique. Ce document, publié le 20 septembre 2024 par Moveda Abbed, Brayen Sooranna, Chourouk Karker et Sarah Lopez, s’appuie sur les chiffres du Système national d’enregistrement (SNE) extraits en mars 2024. Il dresse un état des lieux complet de la demande de logement social en Guyane, mettant en lumière l’évolution de cette demande, le profil des ménages concernés, et les défis posés par l’accès à un logement adapté.
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Les chiffres clés de la demande de logement social en Guyane
La demande de logement social en Guyane atteint un niveau préoccupant. En 2023, plus de 13 113 ménages étaient en attente d’un logement social, représentant 36 747 personnes. Ce chiffre marque une augmentation de 50 % depuis 2018, une progression rapide qui contraste avec une croissance démographique de seulement 9 % sur la même période.
Ce dynamisme de la demande s’est accentué récemment : +5 % en 2022 et +10 % en 2023. La crise sanitaire de 2021 a temporairement freiné cette hausse, mais la tendance à la hausse a rapidement repris.
Comparée aux autres DROM, la Guyane affiche une situation particulièrement tendue. Elle compte 26 % de ménages demandeurs par rapport à l’ensemble des ménages non-propriétaires, une proportion bien supérieure à la moyenne nationale (20 %). Cette pression s’explique par une forte proportion de ménages précaires et par une offre de logements sociaux souvent insuffisante.
Qui sont les demandeurs de logement social en Guyane ?
Les demandeurs de logement social en Guyane se caractérisent par une grande diversité, mais plusieurs profils dominent. Les familles monoparentales représentent 55 % des ménages demandeurs, une proportion bien plus élevée que dans l’ensemble des DROM (42 %) et au niveau national (24 %). Ces familles sont souvent dirigées par des femmes, et beaucoup vivent dans une situation économique fragile.
Les personnes seules forment également une part importante des demandeurs (32 %). Cette proportion reste cependant inférieure à la moyenne des DROM (42 %) et à celle de la France entière (48 %). Les couples avec enfants ne représentent que 8 % des demandes, un chiffre qui illustre la précarité de nombreux jeunes adultes et parents isolés.
Sur le plan économique, 84 % des ménages demandeurs ont des revenus en dessous des plafonds de ressources LLTS, et près de la moitié ont un revenu fiscal de référence (RFR) à zéro.
Les demandeurs en situation de chômage représentent 26 %, tandis que 43 % sont salariés, principalement dans le secteur privé ou la fonction publique. Cette précarité économique est un facteur clé de la forte demande de logements sociaux.
Une offre de logements sociaux insuffisante
En Guyane, l’écart entre la demande de logements sociaux et le parc disponible est une réalité bien visible. Le territoire compte 21 055 logements sociaux, un chiffre qui pourrait sembler suffisant, mais qui masque une inadéquation entre l’offre et la demande.
Les logements les plus demandés sont les T3, qui représentent 33 % des demandes, alors qu’ils constituent 36 % du parc. Les T2 sont également très demandés (26 %), mais ils ne composent que 19 % de l’offre.
La situation est encore plus critique pour les T1, avec 10 % des demandes pour seulement 2 % des logements disponibles. Cette tension entre demande et offre s’explique par les caractéristiques des ménages demandeurs, majoritairement composés de familles monoparentales et de personnes seules.
Le parc de logements sociaux en Guyane se caractérise principalement par des logements LLS post-1986 (67 %), avec des loyers moyens de 6,59 €/m².
Les logements très sociaux (LLTS) représentent 11 % du parc, tandis que les logements à loyers intermédiaires (PLS) forment 7 % de l’offre. Malgré cette diversité, les besoins des ménages les plus précaires restent insuffisamment couverts.
Obtenir un logement social : un parcours semé d’embûches
Obtenir un logement social en Guyane relève souvent d’un parcours difficile. Le taux de succès, qui mesure les chances de se voir attribuer un logement, est de 14 %, un chiffre légèrement inférieur à la moyenne nationale de 15 %.
Les ménages aux revenus les plus faibles, notamment ceux déclarant moins de 500 € par mois, affichent le taux de succès le plus bas, seulement 6 %.
En revanche, les demandeurs aux revenus plus élevés (1 500 € – 1 999 €) ont un taux de succès plus élevé, atteignant 18 %. Ce paradoxe révèle une situation complexe où les ménages les plus vulnérables peinent à accéder à un logement social.
Les conditions de logement des demandeurs influencent également leur taux de succès. Les ménages hébergés chez un tiers, bien qu’étant nombreux, affichent un taux de succès de 16 %, tandis que ceux sans hébergement peinent à obtenir un logement (12 %). Cette inégalité souligne les difficultés pour les ménages les plus précaires.
Répondre aux défis : quelles solutions pour la Guyane ?
Face à la pression croissante de la demande de logement social en Guyane, plusieurs défis se dessinent. La forte proportion de ménages précaires, en particulier les familles monoparentales, souligne l’urgence de renforcer l’offre de logements adaptés. Les logements T1 et T2, particulièrement demandés, restent en nombre insuffisant.
Pour répondre à cette situation, une augmentation de la production de logements très sociaux (LLTS) s’impose, afin de mieux cibler les ménages les plus modestes. La diversification du parc locatif social, avec davantage de logements adaptés aux personnes seules et aux familles monoparentales, est également une priorité.
Sur le plan des attributions, il est essentiel de revoir les critères de sélection pour favoriser les ménages les plus vulnérables, dont le taux de succès reste particulièrement faible. Une politique plus proactive pourrait permettre de mieux orienter les logements disponibles vers ceux qui en ont le plus besoin.
LA DEMANDE DE LOGEMENT SOCIAL EN GUYANE ÉVOLUTION DE LA DEMANDE ET PROFIL DES MÉNAGES DEMANDEURS