GUADELOUPE. Surveiller la ressource en eau : méthodes, enjeux, responsabilités

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Nappes phréatiques

Alors que les épisodes de sécheresse se multiplient et que la pression sur les ressources naturelles s’intensifie, la gestion de l’eau devient un enjeu stratégique en Guadeloupe. Pour anticiper les tensions et garantir un accès équitable à cette ressource vitale, plusieurs acteurs — Météo-France, le BRGM et les services de l’État — assurent une veille technique rigoureuse sur l’état des nappes et des précipitations.


Une surveillance fine des pluies pour détecter les épisodes de sécheresse

Contrairement à une idée reçue, surveiller la ressource en eau ne commence pas sous terre mais dans le ciel. Météo-France, au-delà de son rôle classique de prévision météorologique, joue un rôle central dans la climatologie locale. Grâce à un réseau dense de stations de mesures pluviométriques, les données de précipitations sont enregistrées à une fréquence remarquable : toutes les six minutes.

Ces séries temporelles sont ensuite intégrées dans une base de données historique, construite sur plusieurs dizaines d’années. En Guadeloupe, cet historique permet non seulement de suivre les épisodes pluvieux récents, mais aussi de repérer les périodes de déficit prolongé en pluie et d’en évaluer la sévérité en les comparant aux normales climatologiques.

Cette approche rigoureuse permet de poser un diagnostic précis sur la situation pluviométrique à l’échelle hebdomadaire ou mensuelle. Toutefois, il convient de noter que ces données concernent uniquement la quantité d’eau tombée : elles ne renseignent ni sur l’humidité des sols ni sur la recharge réelle des nappes. L’évaluation de l’état hydrique du territoire nécessite donc un second niveau de surveillance, cette fois en profondeur.

Des nappes sous contrôle : comment le BRGM suit les eaux souterraines

La mission d’observer la ressource en eau souterraine revient au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), dont l’antenne guadeloupéenne assure le suivi à la fois quantitatif et qualitatif des nappes phréatiques. Ces nappes sont des réservoirs naturels, stockés dans des roches dites aquifères. Elles se forment dans la zone dite « saturée » des sous-sols, où l’eau occupe tous les interstices de la roche. Leur état dépend à la fois du climat, de la géologie et des usages anthropiques.

Pour mener cette surveillance, le BRGM s’appuie sur un réseau de piézomètres, des ouvrages forés permettant de mesurer en continu le niveau de la nappe. Ces instruments sont déployés sur plusieurs territoires : Grande-Terre, Marie-Galante, Basse-Terre et Saint-Martin. Ce maillage permet de documenter les fluctuations saisonnières ou structurelles du niveau d’eau, en lien avec les pluies, les prélèvements et la géomorphologie locale.

Mais la mission du BRGM ne s’arrête pas à la collecte de données. L’établissement joue également un rôle d’appui aux politiques publiques. Il travaille notamment en lien avec l’Agence de l’eau et la Direction de l’environnement (ADL), en alimentant les dispositifs de veille sécheresse, indispensables pour anticiper les tensions d’usage.

Sécheresse : un suivi technique pour anticiper les restrictions

Face à des sécheresses de plus en plus marquées, la Guadeloupe s’est dotée d’un outil d’aide à la décision reposant sur une analyse statistique fine. En 2018, des seuils de référence ont été établis pour le réseau piézométrique : ils définissent trois niveaux d’alerte — vigilance, alerte et crise — permettant d’orienter les décisions des autorités, notamment les arrêtés de restriction d’usage de l’eau.

Ce dispositif technique est précieux, car la dynamique des nappes ne suit pas mécaniquement celle des pluies. Une averse soudaine, même intense, n’implique pas une recharge immédiate des nappes. En réalité, de nombreux facteurs freinent ou retardent l’infiltration : la topographie du sol, sa saturation préalable, la capacité d’absorption de la végétation.

En période de carême — saison traditionnellement sèche et chaude — la pluie est souvent captée en priorité par les plantes avant même d’atteindre la nappe. Le ruissellement de surface, qui se produit lors de fortes précipitations, constitue également un obstacle à une recharge efficace.

C’est pourquoi les services techniques insistent sur la nécessité de prendre du recul face aux perceptions immédiates : il ne suffit pas qu’il pleuve pour affirmer que les nappes sont en voie de rétablissement.

Salinisation des nappes : un phénomène naturel qui menace les forages

Au-delà de la sécheresse, un autre risque pèse sur les nappes souterraines des îles calcaires comme Grande-Terre et Marie-Galante : la salinisation. Ce phénomène naturel résulte de la pénétration d’eau de mer dans les aquifères côtiers, par simple différence de densité.

L’eau douce, plus légère, forme ce que l’on appelle une « lentille d’eau douce » qui flotte sur l’eau salée. Mais si les prélèvements deviennent trop importants, cette fragile configuration se déséquilibre, et l’eau de mer remonte dans la nappe.

Les conséquences sont souvent irréversibles à court terme. À Marie-Galante, plusieurs forages ont déjà été touchés par ce phénomène. Les sites de Péleton et de Charopin, par exemple, présentent des niveaux de salinité tels qu’un abandon est envisagé. Cette contamination pose un sérieux problème pour les territoires qui dépendent quasi exclusivement de l’eau souterraine pour leur alimentation en eau potable.

La prévention de la salinisation passe par une gestion rigoureuse des volumes pompés, une planification fine des forages et un suivi permanent de la qualité des eaux souterraines.

Une gestion encadrée par la loi : vers un partage équitable de la ressource

En Guadeloupe comme ailleurs, la gestion de la ressource en eau est encadrée par le droit. La loi sur l’eau impose à tout porteur de projet (agriculteur, industriel, collectivité) de déclarer ou de demander une autorisation pour tout prélèvement, en fonction de l’impact du projet sur le milieu. Cette démarche vise à assurer une utilisation équitable et durable de la ressource.

Pour faciliter les procédures, les autorités ont mis en place la plateforme numérique GUEN (Guichet numérique de l’environnement). C’est sur cet outil que doivent être déposés les dossiers relevant de la « loi sur l’eau ». Les contrevenants s’exposent à des sanctions administratives ou judiciaires en cas d’omission.

Ce dispositif réglementaire rappelle que l’eau est un bien commun, et que sa préservation repose autant sur la rigueur des acteurs publics que sur la responsabilité de chaque usager.


Source : youtube/DEAL Guadeloupe


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