Sur un chantier, la question des déchets n’est plus secondaire. Elle pèse à la fois sur l’environnement, la sécurité, les coûts et l’image des entreprises. Pourtant, leur gestion reste encore trop souvent abordée tardivement, voire négligée. C’est dans ce contexte qu’a été publié en 2014 par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) un guide de référence, consacré au schéma d’organisation des déchets de chantier (SOD), afin de structurer cette démarche du début à la fin d’un marché public. Ce document propose une méthode claire pour intégrer la gestion des déchets dès la conception d’un marché public.
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Pourquoi un schéma d’organisation des déchets ?
Le Code de l’Environnement impose aux producteurs de déchets de chantier une responsabilité pleine et entière. Les articles L541-1, L541-2 et L541-7-1 rappellent que chaque acteur doit prévenir, réduire et valoriser, tout en garantissant la traçabilité. Le CCAG Travaux de 2009 complète ce cadre en obligeant à transmettre, avant le lancement des travaux, toutes les informations utiles pour la valorisation ou l’élimination des matériaux.
Le SOD répond à ces obligations. Il ne s’agit pas d’un document théorique, mais d’un outil de pilotage. Il sert à anticiper les flux, à prévoir leur traitement et à assurer un suivi rigoureux. Sans lui, le risque est double : coûts imprévus pour les entreprises et non-respect de la réglementation pour les maîtres d’ouvrage.
Qui fait quoi ? Le partage des responsabilités
La réussite d’un SOD repose sur une répartition claire des rôles.
- Le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre doivent, dès la préparation du dossier de consultation, identifier les déchets attendus sur le site. Cela implique une estimation des volumes, une localisation précise sur plan et une classification par famille. Ils ont également la responsabilité d’intégrer le SOD dans les pièces contractuelles, du règlement de consultation au CCTP.
- L’entreprise est chargée de produire un SOD adapté au chantier auquel elle répond. Ce document décrit ses méthodes de tri, les exutoires retenus et les moyens de contrôle mis en place. Durant l’exécution, elle doit garantir la traçabilité, transmettre les bordereaux de suivi et informer le maître d’œuvre en cas de valorisation sur site.
- Le maître d’œuvre occupe une fonction de contrôle. Il valide les choix en phase préparatoire, vérifie l’application des mesures sur le terrain et peut, si nécessaire, émettre un ordre de service pour adapter les prestations à des situations imprévues (découverte de déchets non identifiés par exemple).
Les quatre étapes clés de la démarche
La FNTP présente la mise en œuvre du SOD comme une démarche progressive, organisée en quatre phases.
1. Préparation du marché
Dès la conception, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre doivent dresser un inventaire des déchets. Bétons, terres excavées, enrobés, plastiques, amiante : chaque flux doit être estimé et codifié. Ces informations alimentent le DCE et permettent aux candidats de formuler une offre précise. Le CCAP et le CCTP doivent inclure les clauses spécifiques au SOD, afin d’éviter toute ambiguïté lors de l’exécution.
2. Remise de l’offre
L’entreprise candidate joint à sa proposition un SOD personnalisé. Elle y détaille les méthodes de tri prévues, les centres de stockage ou de valorisation envisagés et les outils de suivi qui seront mobilisés. Cette étape est aussi l’occasion de chiffrer le coût réel de la gestion des déchets, voire de mettre en avant les économies potentielles liées au recyclage.
3. Préparation du chantier
Avant le démarrage effectif, une réunion de calage réunit l’ensemble des acteurs. On y confirme les choix techniques, les prestataires repreneurs et les modalités de traçabilité. L’entreprise doit fournir au maître d’ouvrage les autorisations administratives des installations pressenties, comme les agréments ICPE ou les récépissés préfectoraux.
4. Exécution et suivi
Pendant les travaux, l’entreprise applique les mesures prévues dans son SOD. Chaque flux est accompagné d’un bordereau de suivi : BSD pour les déchets dangereux, BSDA pour l’amiante, documents spécifiques pour les inertes et les non dangereux. Le maître d’œuvre vérifie la conformité et valide les quantités. La rémunération se fait sur la base des volumes réellement gérés, qu’ils soient supérieurs ou inférieurs aux estimations initiales.
Quels déchets sont concernés ?
La classification retenue par le Code de l’Environnement distingue trois grandes familles.
- Les déchets inertes : bétons, briques, tuiles, terres et cailloux non pollués, mélanges bitumineux sans goudron. Ils ne subissent aucune décomposition chimique ou biologique et sont généralement valorisables en remblais ou granulats recyclés.
- Les déchets non dangereux : bois, plastiques, emballages divers, métaux en mélange, déchets biodégradables, sédiments de dragage non pollués. Leur gestion demande une séparation stricte pour limiter les volumes à enfouir.
- Les déchets dangereux : amiante, enrobés contenant du goudron, terres polluées, équipements électriques avec substances nocives, emballages souillés. Leur traitement nécessite des filières spécialisées et une traçabilité renforcée par les bordereaux CERFA.
Cette typologie, accompagnée des codes déchets, constitue la base de tout SOD. Elle permet d’assigner chaque flux à une filière autorisée et de garantir la conformité réglementaire.
Quels outils pour réussir ?
La FNTP met à disposition des professionnels plusieurs outils pratiques. Le site excedents-chantier.fntp.fr permet de géolocaliser les exutoires à proximité d’un projet et de télécharger des pictogrammes facilitant le tri sur site. Le portail fntp.fr propose des recommandations professionnelles, notamment pour l’élimination des inertes. Enfin, la démarche Écochantier, élaborée avec l’association Les EcoMaires, engage les collectivités autour d’une charte de bonnes pratiques.
Sur le terrain, la pièce maîtresse reste le bordereau de suivi. Qu’il s’agisse du BSD pour les déchets dangereux ou du BSDA pour l’amiante, ces documents assurent la traçabilité du flux du chantier jusqu’à l’installation de traitement. Ils protègent juridiquement le maître d’ouvrage et permettent à l’entreprise de justifier ses choix et ses coûts.