GEOTHERMIE : une opportunité stratégique pour l’indépendance énergétique des OUTRE-MER ?

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géothermie Outre-mer

La transition énergétique dans les territoires ultramarins ne pourra pas se faire sans repenser l’ancrage local de la production d’énergie. Dans ce contexte, la géothermie apparaît comme une solution encore méconnue, mais parfaitement adaptée aux contraintes et aux potentiels géologiques de ces régions.

Des territoires à forte dépendance énergétique

Dans l’ensemble des départements et régions d’Outre-mer (DROM), la production électrique repose encore largement sur des énergies fossiles importées, notamment le fioul lourd. Cette dépendance engendre un double effet : une vulnérabilité forte aux fluctuations du marché international et des coûts de production qui pèsent lourdement sur les budgets publics comme sur les ménages.

À cela s’ajoute un défi climatique majeur. Ces territoires sont en première ligne face aux effets du changement climatique : hausse des températures, montée du niveau de la mer, phénomènes extrêmes plus fréquents. Pourtant, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique y demeure limitée, malgré un fort potentiel.

Les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et les PPE (Programmations pluriannuelles de l’énergie) fixent des objectifs ambitieux de décarbonation. Pour les atteindre, il faut impérativement mobiliser des solutions disponibles localement, stables et indépendantes des aléas météorologiques. La géothermie en fait partie.

La géothermie : Un potentiel géologique sous-exploité

La géothermie consiste à valoriser la chaleur naturellement présente dans le sous-sol. Or, les territoires volcaniques comme la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion disposent de conditions exceptionnelles : un gradient thermique élevé, une température du sol relativement constante toute l’année, et une forte disponibilité de nappes aquifères chaudes.

Un exemple emblématique illustre ce potentiel : la centrale de Bouillante en Guadeloupe. Mise en service en 1986, elle produit de l’électricité à partir de géothermie profonde et couvre environ 6 à 8 % des besoins électriques de l’île. Pourtant, ce type d’installation reste une rareté. La filière ne s’est pas développée à la hauteur de ses possibilités.

Du côté de la géothermie de surface, beaucoup de projets restent à imaginer. Cette forme de géothermie, dite « de minime importance », permet de produire du chauffage et du rafraîchissement à partir de la chaleur du sol, à faible profondeur. Elle est particulièrement pertinente pour l’habitat collectif, les écoles ou les équipements publics.

Les solutions techniques adaptées aux Outre-mer

Géothermie de surface : le bon compromis

Accessible, modulaire et discrète, la géothermie de surface est aujourd’hui la plus facile à mettre en œuvre dans un contexte urbain ou résidentiel. Elle repose principalement sur deux technologies : les sondes verticales (boucles fermées) et le captage sur nappe phréatique (boucles ouvertes).

Les sondes verticales, insérées dans des forages entre 50 et 200 mètres de profondeur, permettent de récupérer la chaleur du sol à l’aide d’un fluide caloporteur circulant en circuit fermé. Cette solution présente un avantage décisif : elle peut être déployée presque partout, même en l’absence de nappe.

Le captage sur nappe, lui, consiste à pomper de l’eau souterraine, à en extraire les calories, puis à la réinjecter dans l’aquifère. Cela permet de délivrer de la chaleur ou du froid avec un rendement élevé, mais nécessite un débit d’eau suffisant et un encadrement réglementaire plus strict.

Intégration dans le parc existant

Contrairement à certaines idées reçues, la géothermie est compatible avec les opérations de rénovation, à condition de bien évaluer la puissance thermique requise et la compatibilité des émetteurs. Des pompes à chaleur dites « haute température » peuvent alimenter des réseaux de radiateurs existants, sans besoin de les remplacer.

Pour l’habitat collectif, les parkings, cours d’école ou espaces verts peuvent accueillir des forages, sans perturber l’usage des lieux. L’encombrement au sol est modéré : une surface de 12 m² par logement suffit en moyenne pour répondre aux besoins. Dans certains cas, les fondations du bâtiment peuvent être utilisées comme capteurs (pieux géothermiques), réduisant encore les contraintes foncières.

Réglementation, financement et freins spécifiques

Le régime GMI : une porte d’entrée simplifiée

La Géothermie de Minime Importance (GMI) est un cadre réglementaire simplifié qui s’applique aux installations peu profondes (10 à 200 m) et de faible puissance (< 500 kW). Elle permet aux particuliers comme aux maîtres d’ouvrage de déployer des systèmes géothermiques sans passer par le régime minier complet.

Le territoire est découpé en zones vertes, oranges et rouges. En zone verte, une simple télédéclaration suffit. En zone orange, une attestation d’expert est requise. En zone rouge, le projet entre dans le régime légal des mines, avec une procédure plus lourde. Ce zonage est cartographié sur geothermies.fr.

Aides financières et garanties disponibles

Les porteurs de projets ultramarins peuvent mobiliser plusieurs leviers de financement :

  • France Rénov’ pour les particuliers
  • Fonds Chaleur de l’ADEME pour les bailleurs, collectivités, entreprises
  • GEODEEP : garantie en cas d’échec du forage
  • AQUAPAC : assurance en cas de ressource insuffisante

Ces aides visent à compenser les investissements initiaux, souvent élevés, liés aux forages et à l’installation des PAC. Elles rendent la chaleur renouvelable compétitive par rapport aux systèmes conventionnels.

Risques et points de vigilance dans les DOM

Certaines spécificités ultramarines nécessitent une vigilance accrue : biodiversité sensible, contraintes d’accès pour les engins de forage, sols peu homogènes, absence d’entreprises locales formées à la géothermie.

L’OID recommande d’intégrer dès l’amont une étude de faisabilité hydrogéologique, de privilégier les zones à faible impact écologique, et de dimensionner les installations entre 30 et 50 % de la puissance maximale afin d’optimiser l’investissement.

Quels acteurs pour porter la dynamique ?

La montée en puissance de la géothermie dans les Outre-mer suppose une mobilisation conjointe :

  • Les collectivités locales ont un rôle moteur à jouer, via la commande publique, les plans climat et les projets de rénovation énergétique.
  • Les bailleurs sociaux, confrontés à la précarité énergétique, peuvent initier des projets collectifs, en particulier dans les logements réhabilités ou les opérations neuves.
  • Les promoteurs privés peuvent intégrer des systèmes géothermiques dès la phase de conception, en valorisant la performance énergétique du bâti.
  • Les professionnels du BTP et bureaux d’études, enfin, doivent être formés aux spécificités de la géothermie, avec le soutien des certifications RGE et des fédérations comme l’AFPG.

 


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LA GÉOTHERMIE POUR LE SECTEUR IMMOBILIER – Une filière sous-exploitée à haut potentiel


Avec ses atouts techniques, son rendement stable et ses faibles émissions, la géothermie coche toutes les cases d’une solution adaptée aux Outre-mer. Ce potentiel reste pourtant largement sous-utilisé. Structurer une filière locale, former les professionnels et sécuriser les projets dès l’amont sont désormais les clés pour en faire une réponse durable aux défis énergétiques de ces territoires.

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