Fonds Chaleur 2024 : une production équivalente à 3,6 TWh/an lancée

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Fonds Chaleur

Alors que les projecteurs se braquent souvent sur l’électricité ou la mobilité, la chaleur reste l’un des angles morts de la transition énergétique. Pourtant, en 2024, plus de 1 350 installations ont vu le jour grâce au Fonds Chaleur, générant 3,6 TWh par an de chaleur renouvelable et de récupération. C’est l’un des enseignements clés du bilan publié par l’ADEME, qui détaille les résultats du dispositif et ses perspectives à travers une analyse complète des projets soutenus sur l’ensemble du territoire. Ce chiffre seul suffit à rappeler l’ampleur d’un enjeu encore largement méconnu : la décarbonation de la chaleur, qui représente à elle seule 43 % de la consommation d’énergie en France.

Une dépendance fossile tenace, mais en recul

Le chauffage de nos bâtiments, de nos réseaux urbains et de nombreuses activités industrielles repose encore massivement sur des énergies fossiles importées : gaz, fioul, charbon. Cette dépendance pèse à la fois sur la balance commerciale et sur les objectifs climatiques.

Mais les lignes bougent. En France métropolitaine, la part de chaleur renouvelable est passée de 24 % en 2021 à 29,6 % en 2023. Un progrès tangible, mais encore loin de l’objectif fixé à 38 % d’ici 2030 par la loi de transition énergétique.

Le Fonds Chaleur : un outil discret mais puissant

Mis en place en 2009 et piloté par l’ADEME, le Fonds Chaleur s’adresse aux collectivités comme aux entreprises pour soutenir les projets de production ou de distribution de chaleur renouvelable et de récupération (EnR&R).

En quinze ans, ce dispositif a permis de financer plus de 10 000 installations et 4 550 km de réseaux de chaleur, avec à la clé 50 TWh/an de production thermique nouvelle. À titre de comparaison, cela couvre l’équivalent des besoins de 5 millions de logements.

Autre indicateur d’efficacité : ces investissements permettent à la France d’économiser environ 2,5 milliards d’euros par an sur ses importations de gaz.

En 2024, le budget du Fonds a été porté à 820 millions d’euros, en hausse de 36 % par rapport à l’année précédente. L’intégralité de cette enveloppe a été engagée, témoignant de la forte dynamique du secteur.

Un rendement public performant

L’un des atouts du Fonds Chaleur réside dans son efficience économique. Le coût moyen de l’abattement carbone en 2024 s’élève à 51 € par tonne de CO₂ évitée.

Sur 20 ans, le coût public moyen pour chaque mégawattheure produit atteint 11,4 € — un chiffre stable malgré l’augmentation du nombre de projets et de technologies soutenues. Pour les seules aides à l’investissement, l’efficience atteint même 9,7 €/MWh, quasiment identique à celle de 2023.

Biomasse en tête, mais la géothermie progresse

Sur le plan technologique, la biomasse reste largement majoritaire dans les projets soutenus en 2024, représentant 68 % de la production attendue. Elle est suivie par la géothermie (16 %), la récupération de chaleur fatale (8 %), la méthanisation (8 %) et, très loin derrière, le solaire thermique (0,3 %).

Cette répartition n’est pas le fruit du hasard. Elle reflète à la fois les contraintes techniques (notamment les températures nécessaires dans les réseaux), et la temporalité des projets : les installations biomasse, souvent matures, avancent plus rapidement.

Toutefois, la dynamique est en train d’évoluer. Le nombre de projets géothermiques a nettement augmenté cette année, soutenu par le plan d’action national lancé en février 2023.

Une hiérarchisation assumée pour 2025

Pour accélérer encore le déploiement des EnR&R, l’État a reconduit le budget du Fonds Chaleur à hauteur de 800 millions d’euros pour 2025. En parallèle, il renforce la hiérarchisation des choix énergétiques à travers la généralisation de la démarche « EnR’Choix », qui priorise dans l’ordre : la récupération de chaleur fatale, la géothermie, le solaire thermique, et en dernier recours la biomasse.

Ce classement vise à maximiser l’efficacité énergétique et à limiter la pression sur la ressource forestière, déjà sous tension dans certaines régions.

Le plan 2025 prévoit aussi la relance de l’appel à projets « Grandes Installations Solaires Thermiques » et la poursuite des travaux sur la couverture des risques liés à la récupération de chaleur industrielle.

France 2030 et Planification écologique : des compléments ciblés

En parallèle du Fonds Chaleur, les dispositifs France 2030 et Fonds Planification Écologique amplifient le soutien aux projets industriels de décarbonation. En 2024, ces programmes ont permis de financer :

  • 31 projets via l’appel BCIAT (Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire) pour 165,8 M€, générant 1,78 TWh/an de chaleur et évitant 392 000 tonnes de CO₂/an ;
  • 11 projets via l’appel BCIB (Industrie du bois) pour 43,3 M€, produisant 0,253 TWh/an et 56 000 tonnes de CO₂ évitées.

Au total, près de 1 400 projets ont été accompagnés pour une production de 5,64 TWh/an de chaleur renouvelable, avec un ratio public de 9,1 €/MWh ou 41,1 €/tCO₂ évitée.

Trois projets, trois visages de la chaleur bas carbone

Parmi les projets soutenus cette année, certains illustrent la diversité des solutions en action :

  • À Rouillac (Charente), la maison Martell & Co combine 1 600 m² de solaire thermique en ombrière et une chaufferie biomasse pour couvrir la totalité de ses besoins de production. Résultat : 2 200 MWh/an de chaleur EnR, 450 tCO₂ évitées par an, pour un investissement de 4,5 M€ dont 2 M€ financés par l’ADEME.
  • À Riom (Puy-de-Dôme), le laboratoire pharmaceutique Fareva Mirabel récupère la chaleur d’un groupe froid et d’un compresseur d’air pour alimenter son réseau interne. Avec 1 950 MWh/an récupérés, l’installation permettra d’éviter 600 tonnes de CO₂ chaque année.
  • À Malakoff (Hauts-de-Seine), un doublet géothermique sur l’aquifère Dogger alimente un nouveau réseau de chaleur de 11,5 km. Porté par la SPL Géomalak, ce projet de 47,8 M€ fournira 54 400 MWh/an, pour 12 700 tonnes de CO₂ évitées annuellement.

Avec une efficacité économique démontrée, des impacts carbone mesurables et un maillage territorial croissant, le Fonds Chaleur s’impose comme un pilier discret mais robuste de la stratégie nationale de transition énergétique. Pourtant, face à la persistance de la chaleur fossile dans nos usages quotidiens, le chemin reste long. L’enjeu pour 2025 ne sera pas seulement de maintenir les financements, mais de rendre visibles les solutions, de faciliter l’émergence des projets, et d’ancrer dans les territoires une culture de la chaleur renouvelable.

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