Financer la rénovation performante : les propositions du projet FiRéno+

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Rénovation performante

Malgré les ambitions du dispositif Éco Énergie Tertiaire (DEET), la rénovation performante du parc privé reste freinée par la complexité du financement. Pour y remédier, l’ADEME, aux côtés du Sustainable Finance Observatory et de Res publica, a lancé le projet FiRéno+, soutenu par le programme LIFE 2021–2027. Réunissant plus de 150 acteurs du secteur entre 2024 et 2025, cette initiative vise à “faire émerger un marché viable de la rénovation performante du tertiaire privé”. Trois groupes de travail ont planché sur les leviers financiers, fiscaux et réglementaires nécessaires pour transformer la rénovation énergétique en véritable investissement stratégique.

L’acteur ensemblier, un nouveau pivot de la rénovation performante

Au cœur du dispositif imaginé par FiRéno+, un concept émerge : celui de l’acteur ensemblier. Véritable maître d’orchestre, il serait capable de concevoir un plan de rénovation, d’en assurer le financement, la réalisation, le suivi et la garantie de performance.

Contrairement aux Entreprises de Services Énergétiques (ESE) actuelles, souvent limitées à des opérations de « quick wins », ce modèle vise la rénovation performante globale.

L’acteur ensemblier proposerait une approche intégrée : diagnostic, plan de financement, contractualisation via un Contrat de Performance Énergétique (CPE), et suivi des économies sur la durée.

Le rapport précise : « L’acteur ensemblier se positionne comme un guichet unique, chargé de sécuriser les résultats énergétiques et d’en assumer la responsabilité ». Inspiré du modèle québécois SOFIAC, ce mécanisme repose sur la mutualisation des compétences et la création d’un cadre de confiance pour les investisseurs.

Mais l’idée ne s’arrête pas là. FiRéno+ recommande d’expérimenter ce modèle dès 2026, tout en faisant évoluer le Code civil – notamment l’article 1724 – afin d’allonger les délais autorisés pour les travaux de performance énergétique en période de bail.

L’objectif : permettre aux propriétaires et locataires de s’engager dans des rénovations sans rupture d’exploitation.

Fonds de garantie et leviers fiscaux : relancer l’investissement

L’un des constats les plus marquants du rapport est la faible bancabilité des projets de rénovation performante. Le retour sur investissement dépasse souvent dix ans, un horizon jugé trop long pour les établissements financiers.

Résultat : les entreprises restent dépendantes d’aides publiques éparses, insuffisantes pour massifier la transition.

FiRéno+ avance plusieurs pistes pour inverser cette logique. La première serait la création d’un fonds de garantie post-travaux, destiné à couvrir les risques liés à la performance énergétique ou à un défaut de paiement sur des prêts longs. Une telle garantie permettrait d’allonger la durée des financements jusqu’à 15 ans, améliorant considérablement la rentabilité des projets.

À cela s’ajoute un arsenal fiscal conçu pour rendre les rénovations plus attractives. Le rapport propose notamment une exonération des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les entreprises s’engageant à rénover leurs bâtiments dans les trois ans suivant l’acquisition.

Les départements et communes pourraient activer ce levier localement, avec un impact estimé entre 5 et 21 % du coût total des travaux.

Autre mesure phare : un amortissement fiscal accéléré pour les équipements et travaux d’efficacité énergétique, et la possibilité de moduler la taxe foncière (TFPB) en fonction de la performance énergie-climat du bâtiment.

L’idée n’est pas de multiplier les aides, mais de redessiner le cadre incitatif. « La rénovation performante doit devenir un investissement, pas une charge », résume l’ADEME dans le rapport.

Vers une finance verte simplifiée : taxonomie et reporting

Au-delà des outils fiscaux, FiRéno+ met en lumière un enjeu de cohérence entre la réglementation européenne et la réalité opérationnelle des acteurs. Entre la taxonomie verte, la CSRD, le DEET et les contrats de performance énergétique, les entreprises peinent à s’y retrouver.

Le rapport plaide pour une harmonisation de ces cadres, afin que la “rénovation performante” définie par la taxonomie soit directement alignée sur les objectifs du DEET : 40 % d’ici 2030, –50 % en 2040, –60 % en 2050.

Ce rapprochement permettrait de simplifier la qualification “verte” des financements et d’accélérer l’accès aux prêts à taux préférentiel via la Banque centrale européenne ou la BEI.

Autre proposition structurante : utiliser l’attestation OPERAT (ADEME) comme preuve standardisée de la performance atteinte, plutôt que le DPE tertiaire, jugé trop peu fiable. Cette reconnaissance permettrait d’intégrer plus facilement les projets dans les bilans “verts” des banques et d’augmenter leur Green Asset Ratio.

Cette mesure, apparemment technique, pourrait avoir un effet systémique : fluidifier la finance verte et créer un langage commun entre régulateurs, banquiers et énergéticiens.


Source : ADEME – FIRENO+ : FINANCEMENT DE LA RENOVATION PERFORMANTE DES BATIMENTS TERTIAIRES PRIVES


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