La filière construction amorce un redressement technique au printemps 2025, après une année 2024 marquée par une contraction généralisée. Si certains indicateurs repartent à la hausse, notamment dans le logement neuf et les travaux publics, la dynamique reste fragile. Les signaux d’alerte persistent sur les plans économique, social et productif, en métropole comme dans les Outre-mer, où les écarts de trajectoires s’accentuent.
—
Logement neuf : le redémarrage reste fragile malgré un sursaut des autorisations
La reprise du logement neuf s’esquisse, mais reste hétérogène et insuffisante pour compenser les pertes accumulées. Les données du ministère de la Transition écologique font état de 93 100 logements autorisés à fin avril 2025, soit une hausse significative de 15,9 % sur 3 mois, qui rompt avec la série de baisses observée en 2024. Cette remontée reste toutefois inférieure de près de 5 % au niveau atteint un an plus tôt, ce qui confirme que le redressement est encore instable.
Le décollage des chantiers reste lent. Les 64 500 logements commencés affichent une progression de 5,2 % sur trois mois, mais la tendance reste fortement négative en glissement annuel (-10,1 %). Ce décalage entre autorisations et ouvertures effectives traduit des arbitrages prudents chez les promoteurs, freinés par l’inflation des coûts, la hausse des taux d’intérêt, et la difficulté à commercialiser les projets.

Les données commerciales illustrent cette tension. Les mises en vente ont augmenté de 2,9 % au premier trimestre 2025, mais les réservations nettes restent très en retrait : -18,4 % sur un an, malgré une légère reprise de +2,2 % sur le trimestre. Ce recul pèse sur la visibilité des opérateurs, qui peinent à enclencher de nouveaux projets dans un marché de plus en plus segmenté.
Locaux non résidentiels et rénovation : des signaux divergents
Les locaux non résidentiels offrent un contraste saisissant entre intentions et réalisations. Si les autorisations atteignent 8,813 millions de m², en hausse de 3,3 % sur trois mois, les mises en chantier s’effondrent de 14,7 % sur un an, traduisant un retard d’exécution ou des annulations pures et simples.
Le repli est particulièrement marqué dans les surfaces de bureaux, impactées par la réorganisation du travail et la montée en puissance du télétravail. Les entrepôts, en revanche, résistent mieux, soutenus par la logistique et l’e-commerce.

Du côté de l’entretien-rénovation, le repli se confirme. L’activité, mesurée en volume, a reculé de 1,2 % au premier trimestre 2025, ce qui prolonge la tendance négative entamée à l’été 2024. Les carnets de commandes des artisans et entreprises spécialisés s’établissent à 14,2 semaines en moyenne, en baisse de 0,6 semaine par rapport au trimestre précédent.
Ce tassement intervient alors que les dispositifs publics de rénovation énergétique sont prolongés, ce qui interroge sur leur efficacité réelle à générer une demande soutenue.
Travaux publics : dynamique d’activité mais marché contractuel en repli
Dans le secteur des travaux publics, l’activité reste bien orientée. Les données cumulées à fin avril 2025 montrent une hausse continue des volumes réalisés, tant sur trois mois que sur un an, avec un soutien marqué des programmes d’aménagement urbain, de renouvellement de voiries et de gestion des eaux. Les heures travaillées hors intérim augmentent de 2,9 %, ce qui traduit une mobilisation croissante des effectifs sur le terrain.
Cependant, les fondamentaux se fragilisent. Les marchés conclus sur douze mois glissants chutent de 14,8 %, ce qui signale un repli de la commande publique. Plusieurs facteurs expliquent ce recul : la fin de certains dispositifs exceptionnels (plan de relance), des arbitrages budgétaires défavorables dans les collectivités, et un allongement des délais de passation des appels d’offres. Cette chute pourrait se répercuter sur l’activité à l’horizon du second semestre 2025.
Emploi et entreprises : tensions durables sur les ressources et la structure économique
L’ajustement économique de la filière pèse lourdement sur l’emploi. Au quatrième trimestre 2024, l’effectif salarié de la construction atteignait 1,61 million de postes, en repli de 1,5 % sur un an. Cette baisse se concentre notamment sur les PME et TPE, particulièrement vulnérables à la baisse d’activité et aux décalages de trésorerie.
Le segment de l’intérim, souvent premier affecté en période de ralentissement, confirme la tendance. Les effectifs intérimaires chutent de 5,6 % au T1 2025, ce qui prolonge une trajectoire baissière entamée fin 2023. Cette contraction s’accompagne d’une hausse de 8,7 % du nombre de demandeurs d’emploi dans le secteur.

La démographie d’entreprise reflète également ce climat tendu. Les créations de micro-entreprises reculent de 13 % sur trois mois, et celles des structures classiques de 11,8 %.
Dans le même temps, les défaillances d’entreprises atteignent 4 248 cas, soit une hausse spectaculaire de 25,2 % sur un an. Les hausses les plus marquées concernent les entreprises générales de bâtiment, la sous-traitance technique et les entreprises spécialisées en second œuvre.

Zoom Outre-mer : des trajectoires régionales opposées
Dans les Outre-mer, les tendances sont nettement plus contrastées qu’en métropole. La Guyane affiche une conjoncture résolument dynamique, portée par une démographie jeune et des besoins d’équipement massifs. Les logements commencés bondissent de 56,7 %, les locaux de 15,7 %, et l’emploi salarié progresse de 5,3 %. Fait notable : les défaillances d’entreprises reculent fortement (-17,6 %), ce qui en fait l’unique territoire ultramarin à conjuguer croissance et stabilité économique.
En Guadeloupe, le tableau est nettement plus tendu. Si les logements commencés progressent de 12,1 %, les locaux chutent brutalement de 47,1 %, reflet d’un désengagement des investisseurs ou de blocages administratifs. L’emploi recule de 4,4 %, les créations d’entreprises baissent de 12,3 %, et les défaillances augmentent de 15,4 %. Une configuration qui cumule fragilité productive et tension sur les entreprises.
La Réunion affiche un profil ambivalent. Le logement progresse modérément (+3,9 %), mais la situation de l’emploi se détériore fortement : -6,3 % pour les effectifs salariés. Les créations d’entreprises chutent de 15,8 %, et les défaillances grimpent de 16,9 %, ce qui confirme un net recul entrepreneurial.
Enfin, la Martinique reste dans une zone grise : repli léger sur les logements (-2,6 %), mais hausse notable des locaux commencés (+17,1 %). L’emploi reste en baisse (-3,8 %), tout comme les créations d’entreprises (-8,7 %). Les défaillances progressent de 4,6 %, témoignant d’un équilibre instable.

Une reprise technique, mais pas structurelle
Les données de ce printemps 2025 témoignent d’un redressement partiel de la filière construction, mais sans retournement clair. Le logement redémarre sans élan, les travaux publics résistent, mais les fondations socio-économiques du secteur restent fragiles. Les Outre-mer illustrent à la fois les possibles rebonds et les vulnérabilités persistantes. La suite dépendra autant de la commande publique que de la capacité des entreprises à résister à un contexte incertain.









