Éolien terrestre à LA REUNION : concertation publique et objectifs 2030 en perspective

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Eolienne VESTAS100 (La Perrière, Sainte-Suzanne) - Source : Total Energies.

LA RÉUNION poursuit sa marche vers l’autonomie énergétique à l’horizon 2030. Au cœur de cette transition, l’éolien terrestre fait l’objet d’une planification inédite à travers le Schéma Régional Éolien (SRE). Ce document stratégique, élaboré par la Région et la DEAL avec l’appui d’Énergies Réunion, trace les contours d’un développement appelé à tripler la puissance installée d’ici 2028, tout en respectant des contraintes paysagères et environnementales fortes.

Une consultation publique en cours

Depuis le 15 juillet 2025, la Région Réunion, la DEAL et la SPL Énergies Réunion ont ouvert une consultation publique autour du Schéma Régional Éolien (SRE). L’objectif est clair : identifier, à l’échelle de l’île, les zones les plus favorables au développement de l’éolien terrestre, tout en conciliant production d’énergie, préservation des paysages et protection de la biodiversité.

Après une première série de rencontres locales, une nouvelle réunion publique est programmée le 29 août 2025 à Saint-Denis. La démarche se poursuivra jusqu’au 4 septembre, avec la possibilité pour la population de déposer ses avis dans les mairies partenaires ou directement en ligne sur le site de la Région.

Cette concertation s’inscrit dans une démarche de démocratie environnementale prévue par le Code de l’environnement : les habitants sont invités à exprimer leur avis, non seulement sur l’opportunité de développer l’éolien, mais aussi sur la manière d’intégrer ces projets dans le territoire.

Elle vise à nourrir la révision du Schéma d’aménagement régional (SAR), qui définira les zones prioritaires pour les énergies renouvelables dans le cadre de la loi APER du 10 mars 2023.

Où en est réellement l’éolien dans l’île ?

La Réunion ne compte aujourd’hui que 2 parcs éoliens, mais tous deux sont en cours de renouvellement.

  1. Le site de La Perrière, exploité par TotalEnergies, a fait l’objet d’un repowering complet : neuf nouvelles éoliennes Vestas V100 d’une puissance unitaire de 2,2 MW ont remplacé les anciennes machines Vergnet. Le parc atteindra une puissance installée de 19,8 MW, couplée à un dispositif de stockage de 12 MWh, essentiel pour lisser la production.
  2. Le parc de Sainte-Rose, exploité par EDF EN, suit la même logique. Ses anciennes éoliennes ont été démantelées en 2023 et seront remplacées par quatre nouvelles machines de 2 à 2,5 MW, pour une puissance totale avoisinant 9 MW. Leur mise en service est prévue pour 2025, avec un système de stockage électrochimique.

En 2023, seule La Perrière a injecté de l’électricité sur le réseau, avec 18 GWh produits, soit 0,59 % de la production électrique de l’île. Cela correspond à la consommation annuelle d’environ 6 000 foyers réunionnais, en prenant une moyenne de 3 000 kWh par foyer. La proportion reste faible, mais la progression est notable : la production éolienne de 2023 dépasse déjà les niveaux enregistrés dans les années précédentes, confirmant le rôle croissant de la filière dans le mix énergétique local.

Une trajectoire vers l’autonomie énergétique 2030

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), adoptée en avril 2022, fixe des objectifs ambitieux. La puissance installée doit atteindre 41,5 MW en 2023 puis 91,5 MW en 2028. Ces chiffres traduisent un triplement de la puissance en une décennie, par rapport au niveau de 2018, ce qui représente un effort considérable pour un territoire insulaire contraint.

Ces objectifs s’inscrivent dans une trajectoire plus large : l’autonomie énergétique des départements d’outre-mer d’ici 2030. À La Réunion, la transition est déjà en marche. En 2023, pour la première fois, plus de la moitié de l’électricité provenait d’énergies renouvelables, avec un mix composé à 56,6 % d’EnR contre 43,4 % de sources fossiles.

L’éolien reste marginal, mais son développement est jugé nécessaire pour diversifier les sources, sécuriser le réseau et réduire la dépendance aux importations de combustibles fossiles.

Un territoire riche en atouts mais limité en espace

Le développement de l’éolien terrestre à La Réunion se heurte à plusieurs contraintes majeures. Le relief volcanique et escarpé limite fortement les zones disponibles. De plus, 42 % du territoire est situé dans le cœur du Parc national, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, où tout projet industriel est exclu.

À ces contraintes s’ajoutent des servitudes techniques importantes : radars météorologiques et aéronautiques, couloirs aériens, stations militaires. La proximité de l’habitat impose également des distances réglementaires minimales de 500 mètres pour les éoliennes soumises à autorisation.

Un autre facteur limitant est la concurrence des usages. Les espaces agricoles et les coupures d’urbanisation sont considérés comme sensibles et souvent incompatibles avec l’implantation d’éoliennes. Dans un territoire exigu comme La Réunion, chaque mètre carré est convoité entre habitat, activités économiques, agriculture et préservation de la nature.

Par ailleurs, l’acceptabilité sociale et paysagère reste un enjeu crucial. Si les enquêtes indiquent une population globalement favorable aux énergies renouvelables, chaque projet doit composer avec des impacts visuels inévitables sur des paysages insulaires fortement valorisés.

Quand la technologie répond aux défis insulaires

Face à ces défis, l’évolution technologique de la filière joue un rôle décisif. Les éoliennes de nouvelle génération installées à La Réunion sont conçues pour résister aux conditions cycloniques, avec une tenue au vent allant jusqu’à 200 km/h. Leur hauteur de mât de 80 mètres et leur rotor de 100 mètres permettent de capter des vents plus réguliers, tout en optimisant le rendement.

Les dispositifs de stockage intégrés aux parcs de La Perrière et de Sainte-Rose illustrent un tournant stratégique : sans batteries, l’intermittence de l’éolien poserait un risque pour l’équilibre du réseau insulaire.

En complément, des innovations permettent de réduire l’impact environnemental. Des bridages acoustiques ou des “peignes” inspirés des ailes de chouettes diminuent les nuisances sonores. Des systèmes de détection automatisée permettent de limiter la mortalité des oiseaux et des chauves-souris, avec des taux d’efficacité supérieurs à 95 %.

En dernier lieu, le volet environnemental joue en faveur de la filière. Le bilan carbone de l’éolien est estimé à environ 14 gCO₂/kWh, et jusqu’à 9 gCO₂/kWh lors des opérations de repowering, ce qui en fait l’une des énergies les moins carbonées, proche du nucléaire et bien en dessous du photovoltaïque. Le recyclage est également un atout : les retours d’expérience en métropole attestent de taux de réemploi de 92 à 99 % des composants, y compris fondations et câbles, ce qui répond à un enjeu crucial dans un contexte insulaire où la gestion des déchets industriels est un défi.

22 sites identifiés pour accueillir de futurs projets

L’un des apports majeurs du SRE est l’identification cartographique des zones dites de “moindres contraintes”. Après élimination des secteurs trop petits ou isolés, 58 zones ont été regroupées en 22 sites exploitables. Ces zones répondent à un seuil minimal de gisement, avec une vitesse moyenne de vent supérieure à 4 m/s mesurée à 100 mètres d’altitude.

Le document propose également une simulation de potentiel éolien : en croisant les zones favorables avec le gisement de vent, les servitudes techniques et les contraintes environnementales, il est possible d’anticiper un volume de puissance installable significatif. Même si le chiffre est à manier avec prudence, le potentiel identifié pourrait permettre de couvrir une part non négligeable des objectifs fixés par la PPE.

Cette méthodologie ne préjuge pas de la faisabilité des projets, mais fournit une base de travail aux collectivités et aux développeurs. Chaque site devra faire l’objet de mesures de vent in situ et d’études d’impact complètes, intégrant acoustique, biodiversité et contraintes techniques. En pratique, ces cartes de moindres contraintes orienteront les futurs projets, tout en facilitant leur intégration dans les documents d’urbanisme et de planification territoriale.


Consulter ici le SCHÉMA RÉGIONAL ÉOLIEN ÎLE DE LA RÉUNION


Le Schéma Régional Éolien trace une feuille de route ambitieuse : tripler la puissance installée d’ici 2028 et contribuer à l’autonomie énergétique de l’île prévue pour 2030. Mais si le potentiel est réel, sa concrétisation dépendra de la capacité à concilier production, préservation et acceptabilité sociale. La consultation en cours apparaît ainsi comme un moment décisif pour déterminer la place que l’éolien occupera demain dans le mix réunionnais.

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