Entre reprise fragile et contrastes sectoriels, où va la filière BTP ?

0
Freepik

La filière construction en France montre des signes de vitalité, mais ceux-ci demeurent contrastés et parfois trompeurs. Selon la note de conjoncture publiée en septembre 2025 par le réseau des CERC (Cellules économiques régionales de la construction), les derniers indicateurs révèlent un paysage en demi-teinte : le logement neuf redémarre, mais la rénovation, l’emploi et l’activité des entreprises restent marqués par une fragilité persistante.

Le logement neuf, moteur fragile de la reprise

Au cours des trois mois cumulés à fin juillet 2025, les autorisations de logements ont bondi de 22,7 % et les mises en chantier de 13,1 %, confirmant un mouvement de reprise. Pourtant, le cumul annuel demeure inférieur à 300 000 unités, bien en deçà du seuil qui permettrait de parler de relance durable.

Cette reprise est en partie portée par la dynamique des mises en vente, en hausse de 19 % au deuxième trimestre. À l’inverse, les réservations reculent, tant du côté des particuliers que des investisseurs institutionnels. Cette divergence souligne une situation paradoxale : les projets sortent de terre, mais la demande peine à suivre.

Une rénovation en repli malgré les enjeux climatiques

Le deuxième trimestre enregistre une baisse de 0,9 % de l’activité entretien-rénovation. Ce recul, en apparence limité, soulève pourtant de réelles inquiétudes. La rénovation énergétique est l’un des piliers de la stratégie nationale bas-carbone, et les pouvoirs publics misent sur elle pour atteindre les objectifs climatiques. Pourtant, les carnets de commandes stagnent, sans signe d’accélération.

Cette situation reflète un décalage entre ambitions politiques et réalité économique. Les dispositifs d’aide, comme MaPrimeRénov’, peinent encore à générer une dynamique massive et stable. Pour de nombreuses entreprises du bâtiment, notamment les PME et artisans spécialisés, ce ralentissement se traduit par une activité fluctuante, qui freine les embauches et l’investissement.

Dans les Outre-mer, où les besoins de réhabilitation sont particulièrement criants face à l’habitat indigne et aux aléas climatiques, ce manque de dynamisme fragilise encore davantage la transition énergétique.

Travaux publics et matériaux : des dynamiques divergentes

Le secteur des travaux publics, souvent dépendant de la commande publique, enregistre un net repli : –1,2 % pour les montants facturés et –8,5 % pour les marchés conclus sur trois mois cumulés à fin juillet. Les entreprises font face à un ralentissement des investissements, ce qui fragilise leur visibilité à moyen terme.

Du côté des matériaux, le contraste est également marqué. La production de béton prêt à l’emploi chute de 4,3 % sur trois mois, tandis que celle des granulats progresse de 1,1 %. Ce décalage illustre un marché en recomposition, où certains segments tirent leur épingle du jeu alors que d’autres subissent un ralentissement marqué de la demande.

Emploi et entreprises : un talon d’Achille persistant

L’emploi reste le point noir de la filière. L’intérim recule pour le vingt-troisième mois consécutif, un enchaînement de près de deux ans qui traduit une crise durable de confiance. Les entreprises n’osent plus recourir à la main-d’œuvre temporaire, faute de visibilité sur leurs carnets.

L’emploi salarié régulier suit la même tendance, en baisse de 4,2 % sur un an au premier trimestre, tandis que le nombre de demandeurs d’emploi dans la construction grimpe de 5,6 % au deuxième trimestre. Cette double évolution traduit un affaiblissement du marché du travail, qui risque de compliquer la capacité future du secteur à répondre aux besoins.

La dynamique entrepreneuriale est tout aussi fragile. Les créations d’entreprises reculent nettement (–7,9 % pour les structures classiques, –2,9 % pour les micro-entreprises). Quant aux défaillances, elles baissent au deuxième trimestre (–2,2 %) mais progressent de 7,1 % sur un an.

Ce contraste illustre la tension dans laquelle évoluent les entreprises : certaines résistent à court terme, mais beaucoup restent exposées à des risques de fragilisation en cas de nouveaux chocs économiques ou financiers.


Construction

Consulter la CONJONCTURE NATIONALE & INTERRÉGIONALE DE LA FILIÈRE CONSTRUCTION – N°133 – 10 Septembre 2025 ici.


Une reprise à confirmer

La photographie dressée par les CERC met en lumière une filière en ordre dispersé. Si le logement neuf donne l’illusion d’un redémarrage, la faiblesse de la rénovation, l’érosion de l’emploi et la fragilité des entreprises montrent que le chemin vers une relance solide reste long. La question demeure ouverte : la filière saura-t-elle transformer ces signaux partiels en une dynamique durable et équilibrée ?

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici