Après une année 2024 chaotique pour la construction, le début de 2025 ne parvient pas encore à imprimer un véritable tournant. Entre sursauts d’activité et fragilités structurelles, les indicateurs témoignent d’une reprise incertaine. Voici où en est réellement la filière à l’orée du printemps.
📊 Chiffres-clés de la construction au printemps 2025
- -20,9 % de logements mis en chantier sur un an
- -22 % de prises de commandes en Travaux Publics
- -1,8 % d’emplois salariés dans la construction
- +25,2 % de défaillances d’entreprises sur un an
- +0,7 % d’activité en entretien-rénovation
Un début d’année contrasté pour les logements et les locaux
Le secteur du logement reste un marqueur sensible de la santé du bâtiment, et les chiffres de début 2025 sont loin de rassurer. D’un côté, les autorisations de construire reprennent timidement (+6,8 % sur trois mois cumulés à fin février).
De l’autre côté, le volume des mises en chantier chute lourdement : -20,9 % par rapport à l’année précédente. Ce déséquilibre traduit une frilosité persistante des acteurs, hésitant à transformer des projets autorisés en chantiers effectifs.
Le marché immobilier neuf confirme également son ralentissement. Les mises en vente s’effritent (-10,7 % sur un an), et les réservations suivent la même pente descendante, y compris sur les ventes en bloc destinées aux bailleurs institutionnels. L’atonie de la demande, aggravée par des taux de crédit toujours élevés et un accès restreint au financement, pèse sur la dynamique globale.
Du côté des locaux non résidentiels, le tableau est légèrement moins sombre. Si les surfaces autorisées reculent (-7,5 %), un signal positif émerge : les surfaces effectivement mises en chantier progressent de 12,4 % sur un an.
Ce sursaut témoigne d’une relative vitalité sur certains segments (logistique, bâtiments industriels), mais reste fragile. Dans l’ensemble, logements comme locaux dessinent un début d’année en demi-teinte, où l’optimisme reste encore suspendu à de futures impulsions économiques.
Travaux publics : une activité qui résiste malgré des carnets en chute
Dans l’univers des Travaux Publics, les premiers mois de 2025 offrent une image à double visage. Sur le terrain, les entreprises continuent de faire tourner les chantiers : les heures travaillées progressent légèrement (+0,4 %). Une performance appréciable dans un contexte budgétaire tendu.
Mais l’arrière-plan inquiète bien davantage. Les carnets de commandes fondent à vue d’œil : -22 % sur trois mois cumulés. Cette baisse brutale, alimentée par une raréfaction des appels d’offres publics, laisse craindre un trou d’air à venir. Les collectivités locales, contraintes par l’inflation des coûts et des budgets tendus, ralentissent leurs projets d’investissement.
Ce déséquilibre est d’autant plus préoccupant que les Travaux Publics, historiquement porteurs pour la filière Construction dans les périodes difficiles, pourraient ne plus jouer leur rôle d’amortisseur en 2025.
Si l’activité semble encore tenir grâce aux projets en cours, la tendance à la contraction pourrait s’accentuer d’ici l’été en l’absence d’un redémarrage rapide de la commande publique.
Emploi et entreprises : des fragilités qui s’aggravent
L’emploi dans le BTP n’échappe pas aux secousses. À fin 2024, le nombre de salariés du secteur recule de 1,8 % sur un an, soit près de 30 000 postes disparus. Un chiffre lourd de sens pour une filière historiquement pourvoyeuse d’emplois non délocalisables. La baisse est d’autant plus marquante que les tensions sur le recrutement restaient fortes il y a encore un an.
Le recours à l’intérim, souvent utilisé comme variable d’ajustement, suit la même trajectoire : -1,5 % sur un an pour les effectifs intérimaires dans la construction. Plus révélateur encore, le nombre moyen d’équivalents temps plein (ETP) intérimaires est inférieur de 9 000 par rapport à la moyenne des 12 mois précédents. Ces chiffres traduisent une prudence généralisée des employeurs, et un manque de visibilité sur les carnets à moyen terme.
Côté création d’entreprises, la dynamique ralentit nettement. Les créations hors micro-entreprises fléchissent de -9,4 % sur trois mois, et de -3,9 % sur un an. Les micro-entrepreneurs, en particulier, marquent le pas (-12,1 % sur un an). Dans le même temps, les défaillances d’entreprises explosent : +15,7 % sur trois mois, +25,2 % sur une année complète.
Cette montée des défaillances est un signal fort : de plus en plus d’acteurs, notamment parmi les petites structures, peinent à encaisser les effets conjugués du ralentissement de l’activité et du renchérissement des coûts d’exploitation.
À travers ces indicateurs, c’est l’ensemble du tissu économique du BTP qui révèle ses fragilités, avec des risques évidents de dégradation plus marquée si la conjoncture ne s’améliore pas rapidement.
Entretien-rénovation : un segment qui tire son épingle du jeu
Dans cet environnement tendu, l’entretien-rénovation fait figure de valeur refuge. Certes, l’activité a légèrement reculé au quatrième trimestre 2024 (-0,2 %), mais elle affiche une hausse sur l’ensemble de l’année (+0,7 % en volume). Un résultat notable, dans un contexte où presque tous les autres segments affichent un repli.
Cette relative stabilité s’explique par plusieurs facteurs : la poursuite des politiques publiques de soutien à la rénovation énergétique, la montée en puissance des dispositifs type MaPrimeRénov’, et l’ancienneté du parc immobilier français qui nécessite un entretien constant.
En parallèle, les carnets de commandes pour l’entretien-rénovation restent globalement stables, offrant aux artisans et PME spécialisées un horizon plus rassurant que celui des marchés de travaux neufs. Si le volume global d’activité n’est pas suffisant pour compenser les pertes sur le gros œuvre, ce segment constitue néanmoins un véritable amortisseur pour de nombreux acteurs.
Découvrez ici L’essentiel de la note de conjoncture – avril 2025 du GIE Réseau des CERC