La filière construction en France amorce l’année 2025 sur une note contrastée. Alors que les logements neufs semblent reprendre leur élan, d’autres segments peinent à s’ancrer dans une dynamique positive. Les dernières données de la conjoncture nationale et interrégionale de la filière construction, publiées par le GIE Réseau CERC, dressent un tableau précis des tendances et des défis du secteur.
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Logements neufs : Une croissance contrastée
Évolution des mises en chantier et des autorisations
Au premier trimestre 2025, la construction neuve de logements enregistre une progression notable. Les mises en chantier bondissent de 7,8 %, tandis que les autorisations de construire augmentent de 4,9 %.
Ces chiffres traduisent un regain d’activité sur le marché du logement, après une période de stagnation. Toutefois, cette dynamique positive ne s’étend pas aux locaux non résidentiels. Ces derniers accusent un recul des mises en chantier de 1,8 %, reflétant un marché plus hésitant.
Pourquoi cette croissance des logements neufs ?
Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la demande en logements reste soutenue, notamment dans les zones urbaines, où l’offre peine à répondre aux besoins croissants. Les grandes métropoles, mais aussi certaines zones périurbaines, continuent de bénéficier d’une forte demande.
D’autre part, les politiques de soutien à la construction, comme les prêts à taux zéro, les aides à l’accession à la propriété ou les dispositifs de défiscalisation (Pinel, Denormandie), jouent un rôle d’accélérateur. En revanche, la hausse des coûts des matériaux, les tensions sur les approvisionnements et la complexité des démarches administratives freinent encore certains projets.
Entretien-rénovation : Une activité en recul
Les chiffres clés
Le secteur de l’entretien-rénovation montre une légère baisse de son activité au quatrième trimestre 2024, avec un recul de 0,2 %. Les carnets de commandes restent cependant stables, enregistrant une évolution de 0,0 %, signe que la demande ne s’effondre pas, mais qu’elle peine à progresser. Dans un contexte de transition énergétique, la rénovation thermique des bâtiments est pourtant cruciale.
Les obstacles à la rénovation : coûts, aides et main-d’œuvre
- Inflation et hausse des coûts des matériaux : Les prix de l’acier, du ciment, du bois et d’autres matériaux de construction grimpent, augmentant les coûts des projets.
- Efficacité limitée des aides publiques : Les dispositifs comme MaPrimeRénov’ peinent à compenser les surcoûts pour les ménages les plus modestes.
- Réduction des dispositifs d’aide : La fin de certains soutiens à la rénovation énergétique limite l’attractivité des travaux.
- Pénurie de main-d’œuvre qualifiée : Les professionnels du secteur signalent des difficultés à recruter des artisans qualifiés pour les chantiers.
Travaux publics : Une croissance modérée mais stable
Les résultats du T1 2025
Les travaux publics affichent une progression de 1,6 % pour les travaux réalisés, traduisant une certaine résilience du secteur. Cependant, les marchés conclus sur l’ensemble du trimestre restent stables, avec une grande variabilité observée d’un mois à l’autre. Cette stabilité relative masque des disparités régionales importantes, certains territoires bénéficiant de grands projets d’infrastructure tandis que d’autres restent en retrait.
Quels facteurs ?
- Grands projets d’infrastructure en cours : Les extensions de lignes de transport, les travaux de voirie et les aménagements urbains dynamisent l’activité.
- Délais de validation des marchés : Les procédures administratives et les délais de décision freinent la concrétisation des projets.
- Contraintes budgétaires : Les restrictions financières pèsent sur les investissements publics, impactant les projets locaux.
- Difficultés pour les petites entreprises : Face aux grands groupes, les PME peinent à se positionner sur les appels d’offres.
Industrie des matériaux : Reprise et recul selon les secteurs
- Granulats : Une reprise solide
La production de granulats enregistre une hausse de 3,5 % sur trois mois à fin janvier 2025. Cette dynamique positive s’explique par la demande soutenue des chantiers de travaux publics, notamment pour les projets d’infrastructures routières et ferroviaires.
- Béton prêt à l’emploi : Une baisse inquiétante
À l’inverse, la production de béton prêt à l’emploi chute de 6,1 % sur la même période. Ce recul reflète les difficultés du secteur résidentiel et les hésitations des maîtres d’ouvrage. Le coût élevé des matériaux, associé aux incertitudes économiques, freine les décisions d’investissement.
Deux dynamiques contraires : pourquoi ?
Ces tendances contrastées s’expliquent par la demande spécifique de chaque secteur. Alors que les travaux publics dynamisent la demande de granulats, les projets de logements souffrent des coûts élevés et de la lenteur des démarches administratives.
Entreprises et emploi : Une situation préoccupante
Créations et défaillances d’entreprises
Le début de l’année 2025 se caractérise par une forte baisse des créations d’entreprises (-13,5 %) et une hausse des défaillances (+15,7 %). Cette tendance reflète les difficultés économiques de la filière, accentuées par la hausse des charges, la complexité des réglementations et l’accès limité au crédit.
Emploi salarié et intérimaire
L’emploi salarié recule de 1,8 % au quatrième trimestre 2024, tandis que l’intérim enregistre un repli de 7,1 % sur trois mois à fin février 2025. Le secteur peine à recruter, en particulier sur les métiers qualifiés (maçons, électriciens, chefs de chantier). Les entreprises privilégient la réduction de leurs effectifs pour faire face aux incertitudes.
Demandeurs d’emploi dans la construction
Le nombre de demandeurs d’emploi dans la filière construction progresse de 8,7 % au premier trimestre 2025, avec une forte augmentation dans les métiers du gros œuvre et du second œuvre.
Quelles causes ?
- Hausse des coûts de production : Les prix des matériaux, de l’énergie et des salaires augmentent, impactant la rentabilité des entreprises.
- Difficultés de financement : Les petites entreprises peinent à accéder au crédit, tandis que les grandes font face à des conditions de financement plus strictes.
- Incertitude des carnets de commandes : Les entreprises manquent de visibilité sur leurs projets futurs, rendant les prévisions d’activité complexes.
- Impact sur les petites entreprises : Les structures de petite taille sont particulièrement vulnérables face à ces défis.
À CONSULTER : LA CONJONCTURE NATIONALE & INTERRÉGIONALE DE LA FILIÈRE CONSTRUCTION N°: 130 – 14 Mai 2025
Alors que certains segments comme les logements neufs montrent des signes de reprise, la filière construction reste marquée par des tensions sur les coûts, une baisse de l’emploi et une hausse des défaillances. Les prochains mois seront cruciaux pour évaluer la capacité du secteur à surmonter ces défis.