En 2023, la France a consommé 19 263 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers, selon la dernière synthèse du Cerema publiée en avril 2025. Ce niveau, le plus faible enregistré depuis 2009, confirme la tendance à la baisse de la consommation foncière, sans pour autant garantir l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) fixé pour 2050.
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Une baisse réelle, mais une stabilisation préoccupante
Depuis 2009, la France réduit progressivement son emprise sur les sols. D’après les données issues des fichiers fonciers analysées par le Cerema, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) a chuté de 37 % en quatorze ans, passant de plus de 30 000 hectares par an à moins de 20 000 aujourd’hui. Entre 2011 et 2023, près de 297 000 hectares ont été consommés, soit l’équivalent de la surface de l’île de La Réunion.
Cette baisse est toutefois freinée par une stabilisation du rythme depuis 2019, autour de 20 000 hectares par an. Malgré les efforts de densification et de recyclage du foncier, cette stagnation montre que la marche vers la sobriété foncière reste incomplète. En moyenne, la France consomme encore chaque année une surface équivalente à la ville de Marseille.
Le Cerema souligne cependant une amélioration de l’efficacité foncière : en dix ans, 1 hectare consommé permet désormais de construire 2 435 m² de bâti, contre 1 950 m² en 2011, soit un gain de 30 %. Une évolution attribuée à la densification urbaine, à la reconversion des friches et à la meilleure intégration des projets dans les tissus existants.
Habitat et périphéries en tête
La répartition de la consommation d’espaces illustre une dynamique encore marquée par les besoins résidentiels et économiques. Entre 2011 et 2023, 64 % des surfaces consommées ont été consacrées à l’habitat, 23 % aux activités économiques, et 7 % aux infrastructures. Ces dernières, souvent linéaires (routes, voies ferrées, réseaux), participent à la fragmentation écologique et aux ruptures de continuité naturelle.
Autre enseignement : près de 61 % de la consommation d’espaces se concentre dans les communes dites “détendues” (zones C), c’est-à-dire de petites communes situées en dehors des zones tendues du marché immobilier. Ces territoires, souvent en périphérie, mènent de nombreux projets d’extension ou de petits lotissements — une somme de micro-urbanisations qui, cumulées, pèsent lourd sur la consommation nationale.
Enfin, 38 % des espaces consommés se situent dans la deuxième couronne des villes-centres (entre 7,5 et 15 km). Autour des grandes métropoles et sur les littoraux, la pression foncière reste forte, notamment dans les zones attractives du sud et de l’ouest de la France. Les territoires ultramarins n’échappent pas à cette dynamique, avec des contraintes de relief, de rareté foncière et de pression démographique accentuées.
Une sobriété foncière encore à construire
Derrière la baisse des chiffres se cache une réalité plus complexe. L’artificialisation des sols, même ralentie, provoque des effets durables : perte de biodiversité, rupture des continuités écologiques et affaiblissement des fonctions naturelles des sols. Les sols urbanisés stockent moins de carbone, absorbent moins l’eau et aggravent les risques d’inondations.
Sur le plan socio-économique, l’étalement urbain alimente une dépendance accrue à la voiture et des coûts publics plus élevés pour la gestion des réseaux (voirie, eau, électricité). Il pèse aussi sur le budget des ménages et contribue à la dispersion de l’habitat, accentuant la pression sur les services publics locaux.
Pour inverser la tendance, la loi Climat et Résilience fixe une étape cruciale : réduire de 50 % la consommation d’espaces d’ici 2031, avant d’atteindre la neutralité d’artificialisation en 2050. Un objectif ambitieux, qui nécessitera d’accélérer le recyclage des friches, la densification maîtrisée et la réhabilitation des tissus existants plutôt que l’extension urbaine.
Vers une nouvelle méthode de mesure
Le Cerema rappelle que la période actuelle (2021–2031) repose encore sur la mesure de la consommation d’ENAF, mais qu’à partir de 2031, les indicateurs basculeront vers la mesure de l’artificialisation effective. Cette évolution, encadrée par le décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023, permettra de mieux quantifier la perte réelle des fonctions écologiques des sols.
L’institution, en partenariat avec l’IGN, développe de nouveaux outils pour assurer ce suivi à long terme. Les données foncières, issues des taxes locales, ont déjà été labellisées “statistique d’intérêt général” en 2023. Ces bases alimentent l’Observatoire national de l’artificialisation, référence officielle pour le pilotage des objectifs ZAN.
Au niveau territorial, la déclinaison de ces objectifs s’appuie sur les SRADDET à l’échelle régionale et sur les SCoT au niveau local. Chaque collectivité doit publier un rapport triennal sur sa consommation d’espaces, via le portail national de l’artificialisation, ouvert depuis 2019.
Consulter ici Les synthèses – La consommation foncière : état des lieux et enjeux – Avril 2025









