Comment rebâtir une légitimité institutionnelle dans un contexte de restriction budgétaire et de défis territoriaux croissants ? Pour le CAUE de Guadeloupe, 2024 a été l’année de cette question centrale. Entre restructuration interne, recentrage stratégique et efforts de redressement financier, l’établissement a engagé une refonte profonde de son organisation et de ses missions. Ce bilan met en lumière les transformations en cours, les résultats obtenus et les perspectives à consolider.
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Des tensions budgétaires persistantes malgré un apurement de dette
Les difficultés financières ont été un fil rouge en 2024. Avec un déficit de 222 604 euros au 31 décembre, le CAUE fait face à une érosion de ses recettes, due en grande partie à la baisse du produit de la taxe d’aménagement. Celle-ci s’explique par la décroissance des permis de construire, une conjoncture économique atone et un changement de modalité de perception a posteriori des travaux. Un phénomène généralisé à l’ensemble des CAUE du territoire, qui fragilise leur modèle économique.
Autre enjeu déterminant : l’apurement d’une dette ancienne envers le Conseil départemental. Sur les 1,18 million d’euros réclamés depuis 2016, un accord a permis en 2023 l’annulation de 50 % de la dette restante (630 882 €), avec un échéancier finalisé en février 2024. Cette avancée a permis de solder une situation bloquante depuis près de dix ans.
Dans la foulée, la nouvelle direction a instauré une gestion plus rigoureuse : comptabilité analytique, réduction des dépenses, recouvrement actif des cotisations communales. Le chantier financier reste ouvert, mais les premiers signaux de redressement apparaissent, posant les bases d’une soutenabilité renforcée.
Quatre piliers d’intervention au service des Guadeloupéens
Conseil aux particuliers
Le CAUE a poursuivi sa mission historique de conseil architectural gratuit, avec 250 permanences organisées sur l’ensemble du territoire en 2024. Ces points conseils permettent aux habitants d’être accompagnés dans leurs projets de construction ou de rénovation, en amont du dépôt de permis. Ils apportent une aide précieuse dans le choix du terrain, l’intégration paysagère, la qualité architecturale et la faisabilité réglementaire.
En parallèle, le dispositif France Rénov’ a permis à 1 949 ménages de bénéficier d’un accompagnement énergétique. Les conseillers du CAUE interviennent à différents niveaux : diagnostic, recommandations techniques, orientation vers des aides financières, suivi de chantier. Le CAUE a d’ailleurs obtenu une dérogation préfectorale pour piloter le futur Programme d’Intérêt Général (PIG) France Rénov’ 2025-2027, élargissant ainsi son rôle d’acteur structurant dans la rénovation énergétique du parc privé guadeloupéen.
Accompagnement des collectivités
28 communes et EPCI ont été suivis en 2024 sur des thématiques variées : révision de PLU, labellisation EcoQuartier, schémas de cohérence territoriale (SCoT), plans climat (PCAET), diagnostics paysagers ou encore démarches « Petites Villes de Demain ». Le CAUE agit comme facilitateur de projet, à mi-chemin entre appui technique, assistance à maîtrise d’ouvrage et sensibilisation des décideurs locaux.
Il contribue également à la structuration des politiques régionales : participation aux concertations liées au Schéma d’Aménagement Régional (SAR), au Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD), ou à la Stratégie Régionale de la Biodiversité (SRPNB). Ces engagements renforcent le positionnement du CAUE comme interface de dialogue entre les institutions et les territoires.
Sensibilisation du jeune public
L’année 2024 a vu le renforcement du programme « Watty à l’école » (256 classes, 5 300 élèves), en partenariat avec Eco CO2 et l’Académie. Le CAUE a également conçu des activités pour la Fête de la science, les Journées du patrimoine, ainsi que des projets d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) et d’Éducation au Développement Durable (EDD).
Ces interventions s’articulent autour de la lecture du paysage, de la découverte du patrimoine bâti, de l’approche sensible de l’environnement urbain ou naturel. Elles mobilisent l’imaginaire des enfants pour les aider à comprendre la construction de leur cadre de vie. En complément, le CAUE a accueilli quatre lycéennes dans le cadre du programme « Mon stage de seconde » et les a fait participer à un projet concret d’aménagement d’espace intergénérationnel.
Formation des professionnels
Le programme OMBREE a permis en 2024 la tenue de six ateliers techniques et de deux visites de bâtiments exemplaires (tertiaire et résidentiel), avec production de livrables valorisés via la plateforme PERGOLA.
En parallèle, une session de formation aux « fondamentaux de l’urbanisme durable » a réuni 22 agents territoriaux. Objectifs : transmettre les cadres réglementaires, les outils de planification et les approches durables nécessaires à une politique d’aménagement cohérente.
Le CAUE poursuit également sa mission de centre de ressources malgré la fermeture temporaire de son fonds documentaire. Il mise sur des outils numériques comme MakazRénov, GreenVille ou Pergola pour assurer une continuité de service auprès des professionnels.
Coopérations et réseaux : un CAUE au cœur de l’écosystème local
Plus qu’un opérateur, le CAUE joue un rôle pivot dans la convergence des politiques territoriales. Il est partenaire du Réseau d’Urbanisme Durable de Guadeloupe (RUDG), qui a organisé un séminaire technique majeur sur le thème de la « ville poreuse » en novembre 2024.
Avec 95 participants issus des collectivités, de l’État et du monde académique, l’événement a marqué une prise de conscience sur les enjeux d’adaptation urbaine au changement climatique.
Sur le terrain, le CAUE est à l’écoute des communes, participe à des comités de pilotage (COPIL) départementaux comme « Jaden An Nou« , et co-anime des dispositifs régionaux de valorisation des démarches durables.
Il coopère activement avec la Maison de l’Architecture, la MAG, l’AUG, les services de l’État (DEAL, DAC), les bailleurs sociaux et les fédérations professionnelles du BTP. Ce positionnement transversal renforce son rôle de passerelle entre expertise technique, ambition politique et participation citoyenne.
Perspectives 2025 : déménagement, formation et audits
Dès 2025, le CAUE s’installera dans de nouveaux locaux à Pointe-à-Pitre, plus accessibles et adaptés à l’accueil du public. Un hall d’exposition, un point conseil, une zone de documentation spécialisée sur l’architecture, l’environnement et l’urbanisme y seront déployés. Cette relocalisation s’inscrit dans une logique de modernisation de l’image et d’amélioration des conditions de travail du personnel.
En interne, un plan de formation sera engagé pour développer les compétences des agents, à la suite des entretiens professionnels menés en 2024. Il s’agit d’adapter les savoir-faire aux nouveaux enjeux : transition écologique, ingénierie territoriale, participation citoyenne.
Enfin, un audit global de la structure est prévu, intégrant les recommandations de France Active Investissement et du Conseil départemental. Objectif : sécuriser la gouvernance, professionnaliser les outils internes, renforcer la fiabilité des procédures et pérenniser l’action du CAUE.
Consulter ici le rapport d’activités 2024 du CAUE Guadeloupe.