L’Observatoire des métiers du BTP a publié en 2024 trois études structurantes qui éclairent les mutations en cours dans le secteur : insertion des apprentis, évolution des compétences dans l’entretien-rénovation, et diagnostics territoriaux à travers les tableaux de bord régionaux. Ces travaux révèlent des dynamiques profondes, entre transition générationnelle, reconfiguration des métiers et diversification des besoins selon les territoires.
—
Insertion des jeunes : l’apprentissage reste une voie privilégiée mais pas sans fragilité
Le secteur du BTP accueille chaque année plus de 80 000 apprentis. Pour mesurer l’efficacité de cette voie d’insertion, l’Observatoire a interrogé 1 011 jeunes ayant terminé leur contrat en 2020. Deux ans après la fin de leur formation, 63 % des apprentis du Bâtiment et 65 % de ceux des Travaux Publics étaient en emploi. Ces taux montent à 44–46 % un an seulement après la sortie d’apprentissage, ce qui confirme une insertion relativement rapide, mais encore fragile pour certains profils.
La majorité des jeunes formés déclarent vouloir rester dans le secteur : 76 % pour le Bâtiment, 73 % pour les Travaux Publics. Toutefois, 16 % déclarent avoir quitté le secteur deux ans après, avec une surreprésentation notable des femmes (21 % des partants) et des diplômés de niveau BTS ou plus.
Les principales raisons évoquées pour ces départs tiennent autant à des facteurs structurels qu’à des aspirations personnelles : les apprentis qui quittent le secteur se tournent en majorité vers des domaines industriels (notamment la métallurgie), la production énergétique, le transport-logistique ou encore le commerce.
Les motivations incluent la recherche de meilleures conditions salariales, des perspectives de carrière jugées plus stimulantes ou l’absence de reconnaissance dans certains environnements de travail. À cela s’ajoutent des freins persistants liés à l’image du secteur, en particulier pour les jeunes femmes, encore très minoritaires dans les fonctions de production.
Ces résultats révèlent une tension entre la forte employabilité initiale des jeunes et les facteurs d’instabilité structurelle, notamment pour les profils minoritaires ou en quête de progression rapide. L’Observatoire recommande d’agir sur l’orientation, le suivi post-formation et les conditions de fidélisation dans les premières années de carrière.
Le marché de l’entretien-rénovation bouleverse les besoins en compétences
L’entretien-rénovation représente aujourd’hui une part croissante de l’activité dans le BTP, particulièrement dans le bâtiment. Selon l’étude conduite auprès de 600 entreprises, l’activité entretien-rénovation était estimée à 95 milliards d’euros en 2022, dont 23,8 milliards pour la seule rénovation énergétique.
Face à cette montée en puissance, les besoins en compétences évoluent :
- 50 % des entreprises déclarent former leurs salariés à de nouvelles compétences spécifiques à ce marché.
- 35 % collaborent avec d’autres entreprises pour répondre aux exigences des chantiers d’entretien et d’adaptation.
- La co-traitance est utilisée par 15 % des entreprises concernées (groupement momentané ou solidaire).
Les enjeux sont à la fois techniques (diagnostic du bâti, choix des matériaux, solutions performantes), organisationnels (coordination inter-entreprises, gestion des aléas) et relationnels (attentes du client, adaptabilité).
L’étude recommande une montée en compétences généralisée via la formation continue, mais aussi une évolution de l’offre de formation initiale, en intégrant les spécificités de ces marchés dans les parcours.
Des territoires aux réalités contrastées : ce que disent les tableaux de bord régionaux
En parallèle, l’Observatoire a actualisé en 2024 ses tableaux de bord emploi-formation régionaux en partenariat avec les Cellules Économiques Régionales de la Construction (CERC). Ces livrables — 67 au total couvrant 14 régions (hors Guyane et Martinique) — offrent une photographie précise de l’activité, de l’emploi salarié, de l’apprentissage et des tensions de recrutement par territoire.
Chaque tableau se structure autour de trois volets :
- Analyse de l’année écoulée : chiffres d’affaires, effectifs, flux d’entrée/sortie, ressources disponibles ;
- Tendances prospectives : prévisions d’activité, besoins en compétences à 5 ans, évolutions attendues ;
- Zoom par métier : baromètres de tension, attractivité, besoins de formation spécifiques.
Par exemple, en Auvergne-Rhône-Alpes, les besoins à cinq ans en ressources mobilisables sur les chantiers sont jugés critiques, notamment dans les métiers de production. À l’inverse, la région Occitanie connaît un afflux de main-d’œuvre qualifiée, mais peine à former localement sur les segments spécifiques du génie climatique. Ces contrastes soulignent l’intérêt des tableaux de bord comme outils d’aide à la décision.
Les données sont mobilisées par les branches professionnelles, les CFA, les OPCO et les acteurs territoriaux pour adapter leur offre de formation et anticiper les besoins RH. Les collectivités locales y trouvent aussi une base pour ajuster leurs politiques d’orientation et de développement économique. Toutefois, l’absence de consolidation nationale des données en 2024 limite encore les comparaisons entre régions, un manque que l’Observatoire pourrait combler à l’avenir.
Consulter ici LE BILAN D’ACTIVITÉ 2024 DE L’OBSERVATOIRE DES MÉTIERS DU BTP