Le béton est l’un des matériaux les plus employés au monde, et pourtant sa véritable vulnérabilité reste enfermée dans une échelle difficile à observer : celle de ses pores nanométriques.
Une étude de l’Université Rice, à Houston, publiée le 29 septembre dans la revue Journal of Physical Chemistry permet, pour la première fois, d’observer avec précision comment l’eau et les ions se déplacent à l’intérieur de ces cavités minuscules. Un éclairage qui pourrait transformer la conception des bétons destinés aux environnements les plus exigeants.
À la base, le fonctionnement du matériau repose sur une chimie bien connue : l’hydratation du ciment — produit à partir de calcaire et d’argile cuits à très haute température — forme un gel solide appelé calcium silicate hydrate (CSH). C’est cette colle minérale qui lie les grains entre eux et qui renferme les pores responsables du passage de l’eau et des ions chlorure. Les ingénieurs savaient que ces particules circulaient dans la microstructure du béton, mais ignoraient encore précisément comment elles se déplaçaient dans les nanopores du CSH.
Grâce à une modélisation atomique, l’équipe de recherche a pu suivre virtuellement le trajet de l’eau et des ions comme si une caméra microscopique évoluait au cœur du matériau.
Les simulations montrent que les parois des pores ralentissent fortement les molécules en raison de leur surface “collante”, tandis que le centre du pore accélère leur progression. Cette dynamique interne, mise en évidence avec une précision inédite, permet de comprendre pourquoi certaines structures se dégradent plus rapidement lorsqu’elles sont exposées à des environnements riches en sels.
L’enjeu est crucial : la vitesse à laquelle les ions chlorure atteignent l’acier d’armature détermine le début de la réaction électrochimique qui corrode le métal et affaiblit l’ouvrage. En identifiant les types de pores qui favorisent ou limitent ce transport, il devient possible d’imaginer des formulations de béton mieux adaptées à leur milieu d’utilisation. Un ouvrage côtier, soumis à des infiltrations salines répétées, ne devrait pas être conçu comme une infrastructure continentale ou soumise à des cycles gel-dégel.
Cette avancée intervient alors que le secteur de la construction porte plus de 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Chaque réparation lourde ou reconstruction implique de recuire du ciment, de refondre de l’acier et donc d’émettre à nouveau d’importantes quantités de CO₂.
Optimiser la microstructure du CSH pour réduire la mobilité des ions corrosifs pourrait ainsi contribuer à allonger la durée de vie des ouvrages tout en limitant leur empreinte environnementale.
La perspective ouverte par cette étude n’est pas de révolutionner la composition du béton, mais d’affiner sa conception à un niveau encore jamais exploré. Intégrer la micro-architecture des pores dès la phase de formulation permettrait de concevoir des matériaux plus résistants, plus durables, et mieux adaptés aux contraintes locales — qu’il s’agisse d’un climat humide, d’un milieu marin ou d’une forte amplitude thermique.
En offrant une vision atomique du comportement interne du béton, ces travaux apportent une pièce essentielle à la compréhension de sa dégradation. Et ils dessinent une trajectoire claire : celle d’un matériau dont la durabilité pourrait, à terme, se concevoir depuis l’intérieur.
Source : Presse-citron.net









