BATIMENT. le Haut Conseil pour le Climat appelle à quadrupler le rythme des rénovations performantes

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    Dans son rapport annuel 2025, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) dresse un constat préoccupant sur l’état du secteur du bâtiment. Malgré les dispositifs existants, la France reste loin de la trajectoire nécessaire à la neutralité carbone. Le rythme des rénovations performantes, en particulier, est très insuffisant.

    Une trajectoire largement hors cible

    Alors que la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le secteur du bâtiment, deuxième contributeur aux émissions nationales de gaz à effet de serre après les transports, ne progresse pas au rythme requis. Selon le rapport du HCC, les émissions du secteur ont reculé, mais « à un rythme insuffisant pour tenir les objectifs du budget carbone 2024-2028 ».

    Les causes sont connues, persistantes et désormais urgentes à traiter. En tête, le chauffage des bâtiments, qui reste fortement dépendant des énergies fossiles. Le gaz, le fioul et, dans une moindre mesure, le charbon continuent d’alimenter les logements et les bâtiments tertiaires.

    Ces usages représentent à eux seuls près de 78 % des émissions du secteur. La réduction de cette dépendance reste marginale malgré les multiples plans d’incitation lancés ces dernières années.

    « Le bâtiment reste l’un des secteurs les plus en retard sur la trajectoire climatique », note le rapport, qui souligne le contraste entre les engagements stratégiques de l’État et la réalité observable sur le terrain.

    La rénovation performante : un levier sous-exploité

    C’est la principale alerte du rapport : la France devra multiplier par quatre le rythme des rénovations performantes d’ici 2030 si elle veut espérer respecter ses engagements. À l’heure actuelle, les rénovations énergétiques engagées sont trop partielles, mal ciblées ou insuffisamment efficaces pour générer une baisse significative des consommations.

    L’un des constats les plus frappants réside dans la faible part de rénovations globales parmi les chantiers soutenus par des dispositifs publics. En 2023, MaPrimeRénov’, principal outil d’aide à la rénovation, a financé majoritairement des gestes isolés (remplacement de chaudières, isolation partielle), sans cohérence d’ensemble ni exigence de performance finale.

    « Les rénovations sont rarement compatibles avec une trajectoire bas carbone, et ne permettent pas d’atteindre les gains nécessaires », tranche le HCC.

    Ce déficit d’efficacité pèse lourdement sur la transition. Les logements les plus énergivores – appelés passoires thermiques – restent nombreux, et leur traitement en profondeur se heurte à des freins multiples : coût, complexité, manque d’accompagnement, inadéquation des aides.

    Une filière confrontée à des tensions structurelles

    La faiblesse du rythme de rénovation ne tient pas uniquement à la demande. Du côté de l’offre, les tensions sont tout aussi vives. Le rapport met en évidence un manque massif de main-d’œuvre qualifiée, tant dans les entreprises artisanales que dans les filières industrielles. Ce déficit concerne l’ensemble des compétences mobilisées dans la rénovation énergétique : isolation, ventilation, menuiserie, étanchéité, fluide, maîtrise d’œuvre…

    Par ailleurs, la structuration des acteurs reste inégale sur le territoire. Certains bassins d’emploi souffrent d’un manque d’entreprises certifiées, capables de répondre aux exigences techniques des rénovations globales.

    À cela s’ajoute une gouvernance que le HCC qualifie de trop morcelée. Les responsabilités sont réparties entre plusieurs ministères – Écologie, Logement, Économie, Industrie – sans coordination stratégique claire. Aucune feuille de route sectorielle, assortie d’objectifs quantitatifs et d’un calendrier précis, n’a été publiée à ce jour.

    « L’absence de pilotage interministériel fort et de pilotage par la donnée empêche d’ajuster les dispositifs et d’en mesurer l’efficacité », déplore le Haut Conseil.

    La construction neuve freinée par la conjoncture

    Sur le front du neuf, la situation n’est guère plus encourageante. La réglementation environnementale RE2020, en vigueur depuis 2022, a posé un cadre ambitieux, incitant à la sobriété énergétique et au recours aux matériaux bas carbone. Mais la crise de la construction, entamée en 2023, a considérablement réduit le volume de logements mis en chantier.

    Le HCC constate que les innovations techniques (matériaux biosourcés, conception bioclimatique, construction bois) peinent à se diffuser massivement. Les freins sont connus : coût élevé, manque de filières locales, réticences assurantielles et juridiques.

    Ce ralentissement du neuf prive la stratégie nationale d’un levier de progrès essentiel. Dans un contexte de crise du logement, les projets de construction sobres pourraient être l’occasion de reconcilier politique du logement et stratégie climat, mais les signaux actuels vont dans la direction inverse.

    Un changement d’échelle nécessaire et urgent

    Face à ce tableau préoccupant, le Haut Conseil pour le Climat formule une série de recommandations claires. En priorité, il appelle l’État à :

    1. Fixer des objectifs chiffrés et contraignants de rénovation performante à l’horizon 2030.
    2. Simplifier les dispositifs d’aide et les rendre plus lisibles pour les ménages.
    3. Orienter les financements publics vers les rénovations globales à fort impact.
    4. Renforcer la formation et la structuration des filières professionnelles.
    5. Créer une gouvernance claire, interministérielle, avec un suivi appuyé sur les données.
    6. Inclure systématiquement les territoires et les bailleurs sociaux dans les stratégies locales.

    L’enjeu est aussi démocratique et social. Dans ses recommandations, le HCC insiste sur la nécessité de ne pas laisser les ménages modestes à l’écart de la transition, et de garantir un accès équitable aux dispositifs de rénovation.


    Consulter ici le RAPPORT ANNUEL 2025 DU HAUT CONSEIL POUR LE CLIMAT– JUIN 2025


    En 2025, le bâtiment reste le talon d’Achille de la politique climatique française. Malgré des efforts répétés, la massification des rénovations performantes n’a toujours pas démarré. Sans un sursaut rapide, la France risque non seulement de rater ses objectifs, mais aussi d’aggraver les fractures territoriales, sociales et économiques liées à la transition. Le Haut Conseil pour le Climat appelle à un changement de méthode, d’échelle et de gouvernance. Il appartient désormais au gouvernement de transformer ces recommandations en actes.

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