
Alors que le régime des catastrophes naturelles (Cat Nat) peine à retrouver l’équilibre financier, le dernier bilan publié par la Caisse centrale de réassurance (CCR) en juin 2025 met en évidence un déséquilibre structurel préoccupant pour les territoires ultramarins. Avec seulement 1,8 % des cotisations versées entre 2000 et 2024, les Outre-mer concentrent pourtant 10 % de la sinistralité. Un constat chiffré qui pose, au-delà des enjeux budgétaires, la question de l’adaptation des politiques publiques aux spécificités climatiques de ces territoires.
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Des coûts démesurés pour les territoires ultramarins
Entre 2000 et 2024, les territoires d’outre-mer ont généré 10 % des dommages indemnisés par le régime Cat Nat, pour une participation financière de seulement 1,8 % aux cotisations. Ce déséquilibre se traduit par un ratio sinistres/primes de 667 %, largement supérieur à celui observé dans l’Hexagone.
La modélisation prospective, menée dans le cadre du rapport Langreney, confirme cette vulnérabilité : les DROM représenteraient jusqu’à 18 % de la sinistralité totale dans les scénarios extrêmes.
Au fil des ans, les cyclones tropicaux sont devenus les principaux moteurs de cette sinistralité ultramarine. Si les sécheresses pèsent lourd dans la sinistralité métropolitaine, ce sont bien les vents extrêmes et les inondations qui marquent les bilans annuels dans les Outre-mer.
2024-2025, une nouvelle série noire pour les DROM
L’année 2024 a illustré avec force la fragilité des territoires ultramarins face aux aléas climatiques.
À Mayotte, le cyclone CHIDO, survenu en décembre, a laissé derrière lui un paysage de désolation. Avec des rafales atteignant 226 km/h, des vagues de 4 mètres et plus de 176 mm de pluie en quelques heures, il s’agit du cyclone le plus violent enregistré sur l’île depuis 1934. Le coût des dégâts assurés est estimé entre 650 et 800 millions d’euros. 17 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, impactant directement plus de 320 000 habitants.
Quelques semaines plus tôt, La Réunion subissait le passage du cyclone BELAL, en janvier 2024, suivi par Garance en février 2025. Si les dommages de Belal restent modérés – autour de 20 à 25 millions d’euros – ils ont mis en évidence la fragilité des réseaux routiers et d’assainissement. Garance, bien que moins documenté à ce stade, renforce le constat d’une exposition accrue des Outre-mer aux événements extrêmes.
Le régime Cat Nat sous pression
Ce contexte s’inscrit dans une tendance nationale à la hausse. Depuis 2015, la fréquence des sinistres liés aux catastrophes naturelles a été multipliée par quatre. Le régime Cat Nat, historiquement basé sur la solidarité nationale, a connu huit années déficitaires sur les neuf dernières. En moyenne, la CCR enregistre 2,4 milliards d’euros de dommages assurés par an, avec une part croissante pour les territoires ultramarins.
Pour tenter de rétablir l’équilibre, le gouvernement a acté une revalorisation des surprimes au 1er janvier 2025. La cotisation additionnelle pour les biens (hors automobile) est passée de 12 % à 20 %, et de 6 % à 9 % pour les véhicules. Ces hausses visent à renforcer la solvabilité du régime, mais elles ne suffisent pas à compenser le déséquilibre structurel observé dans les DROM.
Renforcer la prévention, adapter les constructions
Face à cette sinistralité persistante, plusieurs dispositifs ont été renforcés. Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), plus connu sous le nom de Fonds Barnier, a financé 2,85 milliards d’euros d’actions depuis 2009. Parmi ces sommes, 85 % des aides à la réduction de vulnérabilité ont été dirigées vers le Plan Séisme Antilles. Ce programme reste un levier clé de protection du bâti existant.
Dans le domaine réglementaire, des avancées majeures ont été actées. Une nouvelle réglementation paracyclonique est entrée en vigueur au 1er janvier 2025 en Guadeloupe et en Martinique, avec une extension prévue à La Réunion et Mayotte.
Elle impose des niveaux de résistance différenciés selon les bâtiments et les zones : 38 m/s pour les habitations en Guadeloupe, 35 m/s en Martinique, avec des exigences renforcées pour les établissements sensibles. Pour les maisons individuelles, l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2026.
En parallèle, un Observatoire national de l’assurabilité a été mis en place sous l’égide de la CCR. Il permettra d’objectiver les difficultés croissantes d’assurance dans les zones fortement exposées, notamment en Outre-mer, où le coût du risque rend certains biens difficilement assurables.
Une trajectoire incertaine sans adaptation territoriale
Le rapport 2025 de la CCR dresse un constat sans appel : les territoires ultramarins concentrent une part disproportionnée des coûts liés aux catastrophes naturelles. Cyclones plus violents, pluies extrêmes, exposition littorale : tous les indicateurs convergent vers une hausse durable du risque.
Pour garantir la viabilité du régime Cat Nat et protéger les populations, il ne suffit plus d’adapter les primes : c’est toute une stratégie d’aménagement, de construction, de relogement et de prévention qu’il faut désormais ancrer dans les spécificités des DROM. Une transition complexe, mais nécessaire.
Découvrez ici : le Les catastrophes naturelles en France | Bilan 1982-2024 de la CCR