Après le rapport de la Cour des comptes, le directeur de l’EPFAG défend sa vision du développement territorial

0

Après un rapport sans concession de la Cour des comptes sur la gouvernance et les délais de l’aménagement en Guyane, l’Établissement public foncier et d’aménagement (EPFAG) sort du silence. Dans un entretien accordé à France-Guyane, son directeur général, Denis Girou, défend une approche fondée sur la concertation avec les communes et l’adaptation des règles nationales au contexte local. Entre contraintes écologiques, explosion démographique et cadre réglementaire jugé trop rigide, l’EPFAG revendique une vision pragmatique du développement territorial : bâtir vite, mais bâtir juste.


Article à lire : EPFAG : un opérateur clé fragilisé par un modèle économique sous tension, selon la Cour des comptes


Un rapport sévère, mais sans irrégularité

Le rapport de la Cour des comptes, publié à l’automne 2025, reproche à l’EPFAG un manque de « doctrine d’aménagement », une dépendance excessive aux subventions publiques et des délais trop longs dans la mise en œuvre des projets. L’établissement, chargé de produire du foncier et de piloter les opérations d’intérêt national, n’aurait pas atteint les ambitions fixées : sur les 21 000 logements prévus d’ici 2030, seuls 11 000 devraient être réalisés.

Malgré la sévérité du ton, Denis Girou relativise : « Le rapport est exigeant, mais utile. Il n’y a pas de critiques sur la gestion financière : pas de gaspillage, pas de dépenses injustifiées », souligne-t-il. La Cour a confirmé la santé comptable de l’établissement, tout en invitant à clarifier les priorités territoriales.

« L’aménagement et l’urbanisme sont des compétences communales »

Critiqué pour son approche jugée trop conciliante avec les collectivités locales, Denis Girou assume pleinement la méthode. « L’aménagement et l’urbanisme sont des compétences communales. Nous pensons qu’il vaut mieux concerter longuement pour que les projets soient validés par les communes, qui en auront ensuite la charge », affirme-t-il.

Cette position, souvent perçue comme un frein à la rapidité, est selon lui une condition de cohérence territoriale. « Il faut garantir que les écoles, voiries et équipements publics soient planifiés avec les élus. » Une stratégie qu’il estime plus durable, même si elle prolonge les délais.

Des contraintes locales majeures

Entre pression démographique, contraintes écologiques et réglementations cumulées, la Guyane se distingue par un contexte d’aménagement singulier. Chaque projet, souvent de 40 hectares pour 1 500 logements, est soumis à des études archéologiques, environnementales ou de risques naturels. « Individuellement, ces études sont légitimes, mais mises bout à bout, elles deviennent longues et parfois bloquantes », explique-t-il.

Résultat : les terrains non encore aménagés sont exposés à l’occupation illégale. « Quand un terrain reste libre trop longtemps, le risque de squat est élevé. Et les conséquences environnementales y sont bien pires. » Pour y remédier, le directeur de l’EPFAG plaide pour des procédures plus souples, notamment via la dématérialisation des consultations publiques.

Le coût du foncier et la priorité au logement social

En Guyane, aménager un hectare coûte près d’un million d’euros. Les opérations reposent sur un modèle mixte : 40 % de subventions publiques (État et CTG) et 60 % issus des ventes foncières. La priorité reste le logement social, représentant au moins 60 % des programmes.

« Avec 53 % de la population sous le seuil de pauvreté, la priorité, c’est le logement abordable. L’impact du coût du logement sur la vie chère est aussi important que celui du panier du supermarché », insiste Denis Girou.

ZAN : « L’État veut protéger, la Guyane doit bâtir »

Autre critique reprise par la Cour : le manque de clarté sur la doctrine d’aménagement face au principe du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Sur ce point, Denis Girou rejoint les élus locaux.

« Appliquer les mêmes règles qu’en métropole n’a pas de sens : la Guyane est couverte à 95 % de forêt. L’État veut protéger, la Guyane doit bâtir. »

L’Opération d’intérêt national (OIN) dont relève l’EPFAG échappe aux quotas régionaux d’artificialisation, mais le débat reste vif : plusieurs amendements pour adapter la loi aux réalités ultramarines sont déjà déposés à l’Assemblée nationale.

Des chantiers d’ampleur et une volonté de réforme

L’EPFAG reste l’un des aménageurs les plus dynamiques de France, avec 40 hectares de ZAC produits chaque année. Parmi les projets prioritaires : l’échangeur des Maringouins, le doublement de la RN1 entre Balata et Carapa, le boulevard urbain de Soula ou encore le futur pont de Saut-Sabat.

Malgré les critiques, Denis Girou affirme vouloir appliquer « la totalité des onze recommandations » formulées par la Cour. « À nous d’en tirer les leçons et d’ajuster notre organisation en conséquence », conclut-il, évoquant une douzième action déjà en cours : le transfert de la mission agricole à la SAFER Guyane.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici