ANTILLES. Menuiseries extérieures : vers un nouveau cadre réglementaire AEV adapté aux vents cycloniques

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Le 7 mai 2025, lors de la deuxième restitution du projet BATISOLID Antilles à l’espace régional du Raizet en Guadeloupe, le groupe de travail GT06 a mis en lumière les avancées sur l’encadrement technique des menuiseries extérieures exposées aux aléas cycloniques. Alors que la réglementation nationale évolue, les professionnels antillais entendent adapter les normes aux spécificités de leurs territoires pour sortir d’un cadre devenu obsolète.

Une pression réglementaire croissante sur les menuiseries en zone cyclonique

Les menuiseries extérieures sont directement concernées par la nouvelle réglementation paracyclonique issue du décret n° 2023-1087 et de l’arrêté du 5 juillet 2024, applicables aux Antilles dès janvier 2026 pour les éléments non structuraux (ENS). Ces textes imposent aux constructeurs, maîtres d’ouvrage et bureaux d’études de dimensionner les fenêtres, volets et vitrages selon :

  • la pression cyclonique de référence P3, variable selon l’exposition du site (calculée à partir des données Géorisques) ;
  • les critères de l’AEV (étanchéité à l’air, à l’eau, résistance au vent) ;
  • et la résistance aux chocs, pour éviter les effets projectiles.

Dans les zones à forte exposition, comme la bande littorale guadeloupéenne, les menuiseries devront désormais justifier de performances élevées pouvant aller jusqu’à un classement V5 ou VE2300 selon la norme NF EN 12210. L’enjeu est de taille : garantir la sécurité des occupants, limiter les dégâts matériels et assurer la continuité de service des bâtiments critiques après une tempête.

Des normes existantes inadaptées aux réalités locales

Le cadre normatif actuellement en vigueur ne permet pas de répondre à ces exigences dans les conditions antillaises. Les Règles Antilles 1992, bien que toujours citées dans certaines pièces de marché, sont considérées comme techniquement dépassées. Quant à la NF DTU 36.5, elle n’intègre pas les majorations de charges dues aux vents cycloniques spécifiques aux DOM ni les spécificités des menuiseries locales.

Plusieurs difficultés concrètes remontées par les professionnels ont été détaillées par le GT :

  • non-prise en compte des volets bois comme éléments de protection contre le vent ;
  • absence de tableaux de classification adaptés aux pressions antillaises ;
  • écart entre les exigences AEV théoriques et les capacités réelles des menuiseries disponibles localement ;
  • risque d’exclusion de produits traditionnels (ex. menuiseries bois sur-mesure) des marchés publics en l’absence d’attestation de performance conforme.

Les professionnels craignent une double peine : devoir importer des menuiseries industrialisées coûteuses et mal adaptées aux conditions tropicales, tout en étant empêchés de valoriser des produits locaux potentiellement équivalents en performance.

Les travaux du GT06 : vers un nouveau référentiel antillais

Le groupe de travail GT06 s’est donné pour mission de produire un référentiel qui reflète les réalités climatiques, techniques et constructives des Antilles, en particulier celles liées aux menuiseries extérieures exposées aux vents cycloniques. À ce jour, la NF DTU 36.5 encadre la mise en œuvre des fenêtres et portes extérieures dans les bâtiments, mais ne prévoit aucune adaptation pour les zones ultramarines où les pressions de vent peuvent atteindre jusqu’à 3 500 Pa sur des bâtiments de moyenne hauteur (catégorie III) — des valeurs bien supérieures à celles des territoires métropolitains.

Parmi les incohérences normatives relevées :

  • Le classement AEV s’arrête souvent à des niveaux de performance (ex. V3, V4) insuffisants pour résister à des rafales dépassant les 250 km/h.
  • Les dispositions de pose prescrites (appuis, fixations, modes d’ancrage) ne prennent pas en compte les spécificités de maçonneries locales (blocs creux, enduits hydrauliques, absence d’ossature bois continue).
  • Les normes actuelles ignorent l’apport des dispositifs de protection, comme les volets, alors même que ceux-ci sont culturellement et techniquement intégrés aux conceptions antillaises.

Pour y répondre, le GT élabore :

  • un tableau AEV spécifique Antilles, intégrant les effets de surpression cyclonique calculés selon la méthode du C2PMI et croisés avec les données Géorisques pour chaque zone ;
  • un Cahier de Prescriptions Techniques (CPT) définissant les bonnes pratiques de pose, d’assemblage et de maintenance en climat tropical humide et venté ;
  • un argumentaire technique complet à soumettre au BNTEC, visant une mise à jour du DTU 36.5 ou la création d’un additif spécifique aux DROM.

Ces propositions reposent sur une volonté commune : rendre opposable un cadre cohérent, clair et reproductible, à la fois pour les maîtres d’œuvre et les artisans.

Tester les menuiseries bois locales pour mieux les intégrer

Face au risque d’exclusion des menuiseries locales — faute de certification ou de classement reconnu —, le GT06 défend une approche rigoureuse par l’expérimentation technique encadrée. L’idée : tester les performances réelles des blocs menuisés (fenêtre, dormant, volet, systèmes de fixation) dans des configurations représentatives des chantiers antillais.

Les essais envisagés s’appuient sur :

  • la norme NF EN 12211 (essai de résistance au vent par soufflerie cyclonique) ;
  • les critères AEV de la norme NF EN 12207 (perméabilité à l’air), NF EN 12208 (étanchéité à l’eau), et NF EN 12210 (résistance au vent) ;
  • les recommandations du guide C2PMI pour les maisons individuelles en zone cyclonique.

Les tests permettraient :

  • de mesurer la perméabilité réelle à l’air et à l’eau des volets bois traditionnels (persiennes, volets pleins, ajourés…) ;
  • de quantifier la tenue mécanique du bloc complet sous pression cyclonique simulée ;
  • de classer les produits testés comme “non poreux”, “faiblement poreux” ou “poreux”, selon une grille claire.

Ces résultats pourront être utilisés pour intégrer ces menuiseries dans les pièces de marché publiques, avec justificatifs techniques. Mais aussi, valoriser les artisans locaux qui travaillent selon des savoir-faire maîtrisés ; et réduire la dépendance à l’importation de menuiseries industrialisées souvent inadaptées ou surdimensionnées.

Le GT souligne qu’en l’absence de données de performance documentées, de nombreux maîtres d’ouvrage évitent aujourd’hui les menuiseries bois locales, par crainte de rejet assurantiel ou de non-conformité en contrôle technique. L’expérimentation vise précisément à lever cette incertitude.

Quelles perspectives d’ici 2026 ?

Le calendrier du GT06 est structuré autour de plusieurs jalons, tous visant une reconnaissance réglementaire effective à l’horizon 2026 :

  • 2025 : lancement de la campagne de tests, en partenariat avec un laboratoire reconnu (CSTB ou équivalent régional) ;
  • second semestre 2025 : publication d’un tableau de performances par type de bloc menuisé, assorti d’un guide de mise en œuvre ;
  • début 2026 : dépôt formel des propositions au BNTEC, en appui à la révision du DTU ou à la création d’un cadre spécifique DROM ;
  • et dans le même temps, élaboration de supports de formation à destination des CFA, entreprises artisanales, architectes et économistes du bâtiment.

Le GT prévoit également de porter la reconnaissance des menuiseries bois locales auprès :

  • des assureurs, pour lever les réserves techniques liées à leur utilisation ;
  • des organismes certificateurs, pour proposer des labels de performance simplifiés adaptés aux DROM ;
  • et des maîtres d’ouvrage publics, pour qu’ils intègrent ces solutions dans les appels d’offres, sans rupture de concurrence.

Enfin, des réflexions sont en cours pour intégrer ces travaux dans une logique de coût global : valoriser le faible impact carbone des menuiseries locales, leur potentiel de réparabilité, et leur bonne tenue en climat humide. L’objectif : positionner ces produits non comme une tolérance locale, mais comme des solutions de référence, parfaitement intégrées au corpus normatif national et à la dynamique de la construction durable en outre-mer.


Restitution projet BatiSolid Antilles – Sequence Guadeloupe – Mercredi 7 mai 2025


Avec la mise en place d’essais normés sur les menuiseries locales et l’élaboration d’un tableau AEV spécifique, le GT06 amorce un tournant concret pour adapter les standards nationaux aux contraintes antillaises. Ces travaux, encore en phase technique, pourraient à terme redéfinir les conditions d’accès aux marchés publics et stabiliser durablement la filière menuiserie dans les territoires exposés aux aléas cycloniques.

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