LA REUNION. Une économie fragilisée par le ralentissement du BTP en 2024

0
La Réunion

Le rapport annuel économique et financier 2024 de l’IEDOM dresse un constat sans appel : l’économie réunionnaise traverse une période de ralentissement. Tous les indicateurs montrent une activité en perte de vitesse, et le secteur de la construction en est l’un des exemples les plus marquants. Avec des mises en chantier en forte baisse et une offre de logements sociaux mal ajustée aux besoins, le BTP se retrouve à la croisée des chemins. L’année 2024 illustre ainsi une fragilité structurelle qui interroge sur la capacité du secteur à se redresser en 2025, dans un contexte budgétaire et climatique particulièrement incertain.

Une année noire pour la construction

L’année 2024 restera comme un tournant difficile pour le BTP réunionnais. Selon le rapport annuel de l’IEDOM, le chiffre d’affaires du secteur a reculé de 4 %. Les mises en chantier plongent de 9,3 % après déjà –12,9 % en 2023, confirmant une spirale négative.

Les autorisations de construire, indicateur avancé de l’activité, suivent la même pente avec une baisse de 5,3 %. Ce ralentissement n’épargne aucun segment, mais il est particulièrement marqué dans l’habitat individuel, en chute de 24 %.

Seul contrepoids : les chantiers collectifs, qui progressent timidement de 4 % et se maintiennent depuis 2021.

Ce repli s’inscrit dans un contexte défavorable : hausse du coût du crédit, essoufflement de la demande privée, recul des investissements publics. Le rapport souligne que « le volume d’affaires ne devrait pas se redresser à court terme, le nombre de permis de construire reculant de 16,3 % ».

Même si le prix des matériaux s’est stabilisé (+1,2 % en moyenne en 2024, après +14,8 % en 2022 et +3,8 % en 2023), la contraction de la commande prive les entreprises locales de perspectives immédiates.

Un logement social désajusté

Au-delà des chiffres de la construction, c’est l’équilibre du logement social qui inquiète. En 2024, 80 % des demandeurs étaient éligibles au logement locatif très social (LLTS).

Pourtant, seuls 29 % des logements financés relèvent de ce segment. Ce désajustement structurel alimente les tensions sur le marché et accroît le risque de mal-logement, dans un territoire où la précarité reste élevée.

Le rapport de l’IEDOM insiste sur la gravité de la situation : « La construction de logements s’inscrit de nouveau en repli », accentuant l’écart entre les besoins des ménages et l’offre réellement mise en chantier.

Or, La Réunion compte près de 900 000 habitants et reste un territoire jeune (28 % de moins de 20 ans) mais en vieillissement accéléré, avec déjà 16 % de seniors. La pression démographique et sociale est donc double : répondre aux besoins des familles nombreuses tout en anticipant la dépendance croissante des personnes âgées.

Ce décalage est aggravé par un contexte économique difficile. Les salaires du privé (+2,1 %) progressent moins vite que les prix (+2,8 %), ce qui réduit le pouvoir d’achat. Le surendettement bondit de +28,8 %, atteignant 1 709 dossiers déposés en un an.

Le logement intermédiaire, censé absorber une partie de la demande, peine à trouver sa place, laissant les ménages modestes sans solution adaptée. Cette combinaison renforce l’idée d’un blocage structurel du logement social à La Réunion.

Travaux publics : la commande publique en berne

Le segment des travaux publics n’est pas épargné. Les grands maîtres d’ouvrage publics – collectivités, État, opérateurs d’infrastructures – ont réduit leurs dépenses d’investissement, pesant directement sur le volume d’activité.

La commande publique, traditionnel levier de soutien au secteur, a joué un rôle d’amortisseur en 2023, mais elle fléchit désormais.

Ce repli est lourd de conséquences. À La Réunion, la commande publique représente souvent 40 à 50 % de l’activité du BTP, et son ralentissement fragilise en priorité les PME locales.

Plusieurs projets routiers et de modernisation des réseaux ont pris du retard après le passage du cyclone Belal, tandis que les programmes de résilience côtière ou d’entretien d’infrastructures ont été différés.

Dans ce contexte, les défaillances d’entreprises du secteur ont bondi, contribuant à la hausse générale des procédures collectives (+29,5 % en 2024).

L’IEDOM avertit d’ailleurs que « l’impact de l’amortisseur public devrait diminuer en 2025 ». La consolidation budgétaire nationale pèsera sur les marges de manœuvre locales, alors même que les besoins en infrastructures demeurent considérables.

Si la commande publique ne repart pas, c’est tout un pan du BTP réunionnais qui pourrait rester durablement sous pression.

Entre fragilité et incertitude pour 2025

L’année 2024 est qualifiée par l’IEDOM « d’année de transition, caractérisée par une croissance faible ». Mais la transition est douloureuse pour le BTP. Le cyclone Belal, en janvier 2024, a endommagé le réseau routier et ralenti plusieurs chantiers. Début 2025, le cyclone Garance et l’épidémie de chikungunya ajoutent de nouveaux obstacles.

L’avenir dépendra de plusieurs leviers : une possible reprise de l’investissement privé, favorisée par la détente des taux d’intérêt, mais aussi la capacité des acteurs publics et privés à intégrer les enjeux de résilience post-cyclone.

La transition énergétique, qui a permis à La Réunion d’atteindre 92 % d’énergies renouvelables dans son mix électrique en 2024, peut également offrir de nouvelles opportunités pour le secteur, notamment à travers les chantiers de modernisation et d’adaptation.


La Réunion

Consulter le rapport annuel économique 2024 de La Réunion ici.


 

En 2024, le secteur réunionnais de la construction a subi un recul marqué, confirmant une fragilité structurelle déjà visible en 2023. Entre baisse des mises en chantier, déséquilibre persistant du logement social et contraction de la commande publique, le BTP traverse une zone de turbulences. L’année 2025 pourrait être décisive : soit elle marque le début d’une relance par la consommation privée et l’investissement, soit elle amplifie les difficultés dans un contexte budgétaire contraint.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici