Chaque année, des millions de tonnes de granulats, de béton ou de pierres de construction alimentent les chantiers en France. Derrière cette production souvent perçue comme banale, se cache un véritable moteur économique. En 2019, près de 117 000 emplois ont été soutenus par cette industrie, selon l’étude publiée en juin 2025 par le GIE Réseau des CERC en partenariat avec l’UNICEM. Une filière discrète, mais structurellement essentielle à l’économie nationale.
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Une filière discrète, mais essentielle à l’aménagement du territoire
Granulats, béton prêt à l’emploi, pierres ornementales… Ces matériaux bruts ou transformés forment l’ossature de la filière des matériaux de construction. Exploités à partir de carrières réparties sur l’ensemble du territoire, ils approvisionnent le secteur du BTP, mais aussi le ferroviaire, l’agriculture ou les travaux funéraires.
L’étude nationale repose sur les données 2019, utilisées pour homogénéiser les travaux menés entre 2021 et 2024 par les CERC (Cellules économiques régionales de la construction). Le périmètre analysé couvre les industries extractives, les sites de transformation et la production de granulats recyclés. En 2019, cette filière générait un chiffre d’affaires de 8,8 milliards d’euros pour l’ensemble des branches.
Trois secteurs, trois modèles économiques et sociaux
Le granulat : moteur rural à fort levier économique
Avec 359 millions de tonnes produites pour un chiffre d’affaires de 3,87 milliards d’euros, la filière granulats constitue la plus grosse branche de l’industrie extractive. Elle regroupe 1 522 entreprises et 2 764 sites actifs sur tout le territoire.
Côté emploi, elle comptait 13 560 postes directs, auxquels s’ajoutent 38 160 emplois indirects et 3 820 emplois induits, soit plus de 55 500 emplois soutenus au total. Le ratio est éloquent : chaque emploi direct en génère 3,1 supplémentaires dans l’économie.
Particularité forte du secteur : sa localisation. Près de 65 % des effectifs travaillent en zones rurales, avec une prédominance dans les bourgs et habitats dispersés. La fiscalité générée atteint 143 millions d’euros, hors impôt sur les sociétés.
Le BPE : au cœur des villes, au plus près des chantiers
Le béton prêt à l’emploi (BPE) présente un fonctionnement logistique particulier. Produit frais à utiliser dans les deux heures suivant sa fabrication, il impose un maillage dense de sites proches des chantiers. En 2019, on recensait 1 928 centrales, opérées par 492 entreprises, pour une production annuelle de 40,4 millions de m³.
Le BPE génère 4,39 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais surtout un impact emploi exceptionnel. Avec 8 740 emplois directs, la branche en soutient 38 960 indirects et 2 700 induits, soit 50 400 emplois au total. Cela représente 4,8 emplois soutenus pour un emploi direct, un record dans la filière.
Contrairement aux granulats, les emplois sont davantage urbains : 44 % sont localisés dans les centres urbains ou leurs couronnes. Les retombées fiscales s’élèvent à 83 millions d’euros.
Pierre de construction : un secteur artisanal et non délocalisable
Avec 815 sites pour 664 entreprises, la filière des roches ornementales et pierres de construction affiche une forte hétérogénéité régionale. Le chiffre d’affaires reste modeste (550 millions d’euros), mais l’emploi direct atteint 6 710 postes, auxquels s’ajoutent 5 850 emplois indirects et 1 750 induits, soit 14 310 emplois soutenus.
Son ratio d’entraînement économique est plus faible (1 emploi direct = 1,1 emploi soutenu), en partie en raison du caractère artisanal des activités et du faible poids des flux logistiques. Le secteur reste néanmoins essentiel pour la préservation du patrimoine bâti et l’aménagement local. 60 % des emplois sont situés en zones rurales, et la fiscalité versée atteint 17 millions d’euros.
Une industrie qui irrigue l’économie locale
L’étude modélise les effets directs, indirects et induits générés par cette industrie à partir de tables entrées-sorties.
Les effets directs regroupent les emplois salariés, les salaires versés et la fiscalité payée par les entreprises. Les effets indirects concernent les achats de biens, services et sous-traitance. Les effets induits s’appuient sur la consommation des ménages bénéficiaires des salaires.
À l’échelle de l’ensemble de la filière, chaque emploi direct soutient en moyenne 3 emplois supplémentaires, confirmant son effet multiplicateur élevé. Cette dynamique favorise tout autant les prestataires, fournisseurs, transporteurs que les commerces locaux.
Une contribution significative aux budgets des collectivités
La fiscalité générée par la filière – 243 millions d’euros en 2019, hors impôt sur les sociétés – alimente directement les budgets des collectivités via des dispositifs comme la cotisation foncière des entreprises (CFE), la CVAE ou la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Dans certaines communes rurales, la présence d’un site industriel constitue un soutien financier crucial pour maintenir les services publics de proximité, financer les infrastructures routières ou soutenir la vie associative.
Des effets différenciés selon les territoires
Les écarts régionaux sont notables. En Île-de-France, le BPE tire l’effet d’entraînement vers le haut, avec un ratio de 7,2 emplois soutenus pour 1 direct. En Bretagne, la performance est plus modérée (2,1). Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie ou Nouvelle-Aquitaine affichent des ratios compris entre 3,5 et 4.
Les effets indirects et induits ont été estimés à partir de modèles entrées-sorties symétriques (méthode Leontief), utilisés pour simuler les interdépendances entre secteurs économiques. Le calcul repose sur la structure des comptes de production, la consommation des ménages, et les salaires versés, corrigés du taux d’épargne.
Ces méthodes assurent une cohérence statistique à l’échelle nationale, tout en présentant des limites : elles ne prennent pas en compte les économies d’échelle, ni la capacité réelle des entreprises à répondre à une hausse brutale de la demande.
Une filière non délocalisable, clé de la transition et de la résilience
Parce qu’elle repose sur la géologie locale, la proximité des chantiers et des cycles courts de production et de transport, la filière matériaux est non délocalisable. Elle contribue à ancrer l’activité dans les territoires, notamment ruraux, et à répondre aux défis actuels : sobriété foncière, réindustrialisation, décarbonation du bâtiment.
Contrairement aux idées reçues, la filière matériaux s’inscrit déjà dans une logique de transition écologique. Le développement du recyclage des granulats, la certification volontaire NF-BPE pour la qualité environnementale du béton, ou encore les efforts pour produire du béton bas carbone participent à sa modernisation. Ces initiatives s’insèrent dans une économie circulaire en plein développement, intégrant les exigences de durabilité dans les processus industriels.
RESSOURCE À CONSULTER :
Avec 8,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et près de 117 000 emplois soutenus, l’industrie des matériaux est loin d’être secondaire. Ancrée dans les territoires, économiquement vertueuse et socialement indispensable, elle mérite une reconnaissance à la hauteur de son empreinte réelle.