En février 2023, le Centre Technique Bois et Forêts de Guyane (CTBF Guyane) a publié un rapport de référence consacré à la quantification des stocks de biocombustibles dérivés du bois. Ce document, élaboré avec le soutien de plusieurs institutions publiques et professionnelles, propose une méthodologie rigoureuse permettant d’évaluer de manière fiable les volumes mobilisables en Guyane pour la filière bois-énergie. Au-delà de son intérêt scientifique, cette étude fournit aujourd’hui un socle technique essentiel pour sécuriser l’approvisionnement, structurer les transactions commerciales et accompagner la montée en puissance de la filière sur le territoire.
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La biomasse bois, un pilier local de la production d’énergie
Sur un territoire aussi singulier que la Guyane, la valorisation des ressources locales constitue un enjeu énergétique prioritaire. En effet, malgré le développement progressif des énergies renouvelables, une part importante de la consommation énergétique demeure assurée par des énergies fossiles importées, génératrices de coûts élevés et de fortes émissions de gaz à effet de serre.
Dans ce contexte, la biomasse issue de la forêt guyanaise offre un double avantage. D’une part, la ressource est abondante et se renouvelle naturellement dans les conditions climatiques équatoriales.
D’autre part, son exploitation maîtrisée permet de valoriser localement des sous-produits de la filière bois, en réduisant les volumes de déchets ligneux et en générant de la valeur ajoutée sur le territoire. Ainsi, le bois-énergie s’impose progressivement comme l’une des composantes essentielles du mix énergétique guyanais.
Mieux quantifier pour mieux exploiter la ressource
Toutefois, pour que la filière bois-énergie fonctionne efficacement, il est indispensable de disposer de références précises quant à la masse des ressources mobilisables. Contrairement au bois d’œuvre, où les transactions s’effectuent traditionnellement en volume apparent (souvent exprimé en stère), le bois-énergie est désormais largement commercialisé à la tonne. Ce choix repose sur des considérations techniques directement liées au rendement énergétique.
En effet, le pouvoir calorifique du bois dépend non seulement de sa composition chimique intrinsèque (essence, teneur en carbone), mais également de sa teneur en eau. Plus le taux d’humidité est élevé, plus la combustion est énergétiquement pénalisée, car une part significative de l’énergie disponible est consommée à évaporer l’eau contenue dans le bois avant d’atteindre la phase de combustion effective. Il devient donc impératif d’évaluer non seulement le volume physique du stock, mais aussi sa teneur en humidité au moment de la transaction.
C’est précisément ce que permet la méthode élaborée par le CTBF Guyane. En s’appuyant sur des formules rigoureuses de conversion masse-volume tenant compte de l’humidité, le rapport fournit aux professionnels un cadre de calcul homogène, basé sur des mesures de terrain, des coefficients de conversion éprouvés et des valeurs de densité spécifiques aux essences locales.
Une diversité d’essences exploitables en Guyane
L’un des principaux atouts de la filière bois-énergie guyanaise réside dans la diversité des essences présentes sur le territoire. À partir des données collectées sur plusieurs années de ventes de bois sur pied réalisées par l’ONF, le CTBF a établi une liste représentative des essences majoritairement exploitées pour la production énergétique. Parmi elles figurent notamment l’Angélique, le Gonfolos, le Grignon franc, le Balata franc, le Wapas, le Jaboty et l’Amarante.
Chaque essence présente des caractéristiques mécaniques et énergétiques propres, traduites par des masses volumiques distinctes. Ainsi, l’Angélique affiche une masse volumique de 1179 kg/m³ à 45 % d’humidité sur brut, tandis que le Balata franc atteint 1618 kg/m³ dans les mêmes conditions.
Afin de faciliter les opérations de terrain, le CTBF a établi une moyenne pondérée prenant en compte la fréquence de chacune de ces essences dans les transactions courantes. Ce travail aboutit à une valeur de référence de 1,16 tonne par mètre cube de bois plein, à 45 % d’humidité sur brut, qui sert aujourd’hui de base contractuelle pour la plupart des échanges commerciaux locaux.
Des volumes importants mobilisables
L’étude ne se limite pas à des considérations théoriques : elle intègre également plusieurs cas pratiques illustrant les volumes réellement mobilisables selon les situations de stockage et de transformation. Ces exemples permettent d’appréhender concrètement les volumes physiques et les masses correspondantes que peut atteindre un site de production ou de stockage.
Ainsi, un container rempli de chutes de délignage d’Angélique représente un volume d’encombrement de 22,5 m³. Après application du coefficient de conversion spécifique (0,5 pour les chutes de délignage), le volume plein est ramené à 11,25 m³, soit une masse totale d’environ 11,72 tonnes en bois vert. De manière similaire, une benne de copeaux de Gonfolos, mesurant 6,98 m³ en volume apparent, correspond à une masse de 0,92 tonne lorsque le taux d’humidité est de 12 %.
Plus significatif encore, un silo de stockage de plaquettes d’Angélique, d’un volume apparent de 215,99 m³, représente une masse de 77,57 tonnes de plaquettes à 35 % d’humidité sur brut, après application des coefficients de conversion adaptés. Enfin, un grand tas de sciures sur parc, estimé à 392,70 m³ en volume apparent, atteint 186,78 tonnes de biomasse exploitable à 45 % d’humidité sur brut.
Ces données illustrent la capacité de la filière à constituer des stocks importants selon les infrastructures de stockage mises en œuvre. Elles démontrent également la nécessité de maîtriser parfaitement les facteurs de conversion pour sécuriser les transactions et optimiser les chaînes logistiques.
Un outil de référence pour les acteurs de la filière
D’un point de vue opérationnel, le travail réalisé par le CTBF Guyane constitue désormais une véritable référence métier pour l’ensemble des professionnels de la filière bois-énergie locale. Grâce à ces protocoles de calculs rigoureux et reproductibles, les exploitants forestiers, scieurs, producteurs d’énergie, transporteurs et bureaux d’études disposent d’un cadre commun facilitant les échanges et limitant les incertitudes commerciales.
Par ailleurs, ces référentiels techniques permettent également aux collectivités publiques et aux aménageurs de disposer d’outils fiables pour planifier le développement des capacités de production, calibrer les besoins en infrastructures logistiques et dimensionner les capacités de stockage adaptées aux futurs projets industriels.
En sécurisant ainsi l’évaluation des gisements et des stocks, cette méthodologie participe activement à la structuration progressive d’une filière bois-énergie cohérente, intégrée et économiquement viable sur le territoire guyanais.
RESSOURCE À CONSULTER :
Quantification des stocks de biocombustibles dérivés du bois
L’étude publiée par le CTBF Guyane, avec le concours financier de l’Europe, de la Collectivité Territoriale de Guyane, du CNES/CSG et d’INTERPROBOIS Guyane, fournit désormais aux acteurs locaux un socle technique indispensable pour exploiter de façon durable et optimisée le potentiel forestier du territoire.