Alors que le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) touche à sa fin, une nouvelle dynamique se dessine. L’Union sociale pour l’habitat (USH), avec l’appui de la Banque des Territoires, publie une contribution stratégique en juin 2025 pour préparer l’avenir de la politique de renouvellement urbain. 282 quartiers prioritaires sont identifiés comme cibles potentielles d’un nouveau programme national, avec à la clé plus de 236 000 logements sociaux concernés.
Parmi eux, le quartier du Chaudron–Moufia, à Saint-Denis de La Réunion, illustre les besoins urgents d’intervention dans les Outre-mer.
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Une enquête flash pour identifier les besoins après 2026
L’étude repose sur une enquête flash menée entre mai et juillet 2024, à laquelle 109 organismes Hlm ont participé. Ces bailleurs ont remonté 349 sites, dont 282 situés en Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV).
L’objectif ? Identifier les sites qui, au-delà de 2026, nécessiteraient une intervention significative en matière de réhabilitation, de restructuration ou de requalification du cadre de vie.
Ces 282 quartiers concentrent à eux seuls 196 000 logements locatifs sociaux détenus directement par les bailleurs, chiffre porté à 236 000 si l’on intègre l’ensemble du parc social présent sur ces territoires. Une majorité de ces quartiers sont hors du périmètre actuel du NPNRU, ce qui montre l’ampleur des besoins encore non couverts.
Réhabiliter, diversifier, sécuriser : les priorités du futur programme
L’enquête met en lumière des enjeux communs et massifs, souvent accumulés :
- Réhabilitation thermique et énergétique : 76 % des sites identifiés doivent améliorer leur performance environnementale.
- Obsolescence du bâti : 60 % souffrent de défauts techniques importants (isolation, accessibilité, qualité d’usage).
- Typologies inadaptées : surreprésentation des grands logements (T4, T5) alors que les besoins portent sur des logements plus petits ou mieux adaptés aux personnes âgées.
- Image dégradée des quartiers : 64 % des bailleurs estiment que l’attractivité résidentielle est entravée par la perception du quartier.
- Sécurité : priorité absolue pour 250 quartiers, condition sine qua non de la réussite d’un programme de renouvellement.
Côté interventions, le rapport estime à 163 500 logements le nombre total de logements à traiter, incluant réhabilitations thermiques, restructurations lourdes, et démolitions. La majorité des besoins se situent dans les quartiers n’ayant jamais bénéficié du PNRU ni du NPNRU, ce qui témoigne d’un décrochage à corriger.
Zoom sur La Réunion : Le Chaudron–Moufia en première ligne
Parmi les 12 sites mis en avant dans la brochure, le quartier du Chaudron–Moufia, à Saint-Denis de La Réunion, fait figure de cas emblématique. Avec ses 13 500 habitants, une densité six fois supérieure à la moyenne municipale, et ses 2 500 logements dont 65 % sont sociaux, ce QPV concentre de nombreux enjeux :
- Logements vieillissants, mal conçus et parfois insalubres (pièces d’eau à l’extérieur, isolation thermique défaillante).
- Typologies inadaptées : 60 % de T3/T4, peu adaptés à une population vieillissante ou précaire.
- Accessibilité déficiente : absence d’ascenseurs, logements peu adaptés aux personnes à mobilité réduite.
- Occupation déséquilibrée : cohabitent des situations de sous-occupation et de suroccupation selon les secteurs.
Si des projets structurants sont en cours (pôle d’échange, parc, jardin partagé), le projet RUCH (Requalification Urbaine du Chaudron) amorcé en 2022 reste insuffisant sans un cadre national structurant. Les acteurs locaux (SIDR, SHLMR, CINOR, Ville de Saint-Denis, État via les fonds LBU et Fonds Vert) appellent à une gouvernance plus claire, à une coordination opérationnelle, et surtout à des moyens financiers pérennes.
Vers une préfiguration dès 2025 ?
L’USH recommande dans son rapport de lancer une phase de préfiguration du futur programme dès 2025, sans attendre la clôture du NPNRU. L’enjeu est double :
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Ne pas rompre les dynamiques enclenchées dans les quartiers « matures », souvent freinées par des retards d’opérations ou des revues de projets non finalisées.
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Ne pas laisser s’aggraver le décrochage dans les quartiers hors programme, pour lesquels une intervention devient urgente afin d’éviter l’irréversibilité des dégradations sociales, foncières et urbaines.
Dans ce cadre, les territoires ultramarins doivent faire partie intégrante des priorités, et non être abordés en marge ou en parallèle.
Les Outre-mer attendent un engagement clair
Le cas du Chaudron–Moufia reflète des spécificités ultramarines trop souvent absentes des grandes politiques publiques : densité extrême, contraintes climatiques, pression foncière, vieillissement du parc social précoce, et capacités financières limitées des opérateurs locaux.
Ce quartier, pourtant déjà mobilisé dans des actions de requalification, attend une reconnaissance nationale qui se traduirait par l’intégration directe dans un programme ANRU renforcé, avec un accompagnement en ingénierie, en financement, et en partenariat.
Face aux défis de précarité sociale, d’inégalités territoriales et d’urgence climatique, l’Outre-mer ne peut rester à l’écart d’un futur programme national. Le renouvellement urbain y est non seulement un levier d’équité, mais aussi un impératif de cohésion républicaine.
Consulter ici le rapport de l’USH : » QUELS TERRITOIRES POUR LE FUTUR PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT URBAIN ? «