« Si rien ne bouge sur les monogestes et la lutte contre la fraude, le secteur va réagir. Et sévèrement. »
Invité de France Télévisions début juin, le président de la Fédération Française du Bâtiment, Olivier Salleron, a vivement réagi à l’annonce de la suspension partielle de MaPrimeRénov’ cet été. Entre colère et appel à la mobilisation, il alerte sur les conséquences dramatiques de cette décision pour l’artisanat du bâtiment, déjà frappé de plein fouet par la crise de la construction neuve. Une interview sans détour, où il pointe les errements du gouvernement et évoque la possibilité de mouvements de protestation. (voir le lien vidéo en bas d’article)
« Il faut écouter la ministre du logement, qui connaît son sujet. Mais elle-même n’est pas écoutée. Si nécessaire, il faudra monter jusqu’à l’Élysée. »
« Une coupe sombre dans une activité vitale »
Dès les premières minutes de son intervention, le ton est donné. Olivier Salleron dénonce sans détour la décision de suspendre MaPrimeRénov’, estimant qu’il s’agit d’un « scandale absolu ». Selon lui, près de la moitié de l’activité actuelle du secteur du bâtiment dépend des aides à la rénovation, alors que la construction neuve s’est déjà effondrée depuis deux ans.
« Nous avons déjà perdu 30 000 salariés et 14 000 entreprises. Cette mesure va encore aggraver la situation. »
Un arrêt brutal, sans visibilité
L’annonce d’une suspension temporaire jusqu’à fin 2025 ne rassure en rien le président de la FFB. Au contraire, il redoute un blocage durable :
« On parle de suspension, mais c’est un stop sans calendrier. Rien ne garantit que cela reviendra avant fin 2025. »
Il critique également l’instabilité chronique du dispositif, rappelant qu’il s’agirait là de la 14e modification de MaPrimeRénov’ depuis sa création il y a cinq ans.
Monogestes et rénovation globale : deux réalités à ne pas confondre
Olivier Salleron propose une distinction claire entre deux types d’intervention :
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Les rénovations globales, qui concentreraient les fraudes (environ 6 000 à 7 000 cas sur 100 000 projets).
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Les « monogestes », c’est-à-dire des travaux simples et ciblés comme le changement d’une fenêtre, d’une chaudière ou l’isolation des combles, plébiscités par les artisans et les particuliers.
Il fustige l’arrêt de ces gestes simples, « totalement injustifié » selon lui, et demande leur maintien immédiat.
« Les monogestes font vivre l’artisanat local dans les 101 départements. Ce sont des dispositifs éprouvés, qui ne posent pas de problème. »
Le cœur du problème : les « accompagnateurs Rénov’ »
Le président de la FFB accuse le dispositif gouvernemental d’avoir ouvert la porte à des fraudeurs par le biais des « mon accompagnateur Rénov’ ». Ces intermédiaires, censés aider les particuliers à naviguer dans les démarches, sont selon lui mal formés, peu encadrés et éloignés du terrain.
« On a interdit aux entreprises du bâtiment d’être accompagnateurs pour éviter les conflits d’intérêts. Résultat : ce sont des vendeurs de tapis qui gèrent des projets à distance, avec toutes les dérives que cela entraîne. »
Il réclame une réforme urgente de cette structure et une limitation stricte de son périmètre géographique.
Une colère froide… mais une base prête à se mobiliser
Bien qu’il insiste sur la nature pacifique du secteur, Salleron n’écarte pas la perspective d’un mouvement fort. À l’occasion du congrès national de la FFB à Blois la semaine suivante, il compte consulter les 1 500 artisans et chefs d’entreprise présents pour décider de la marche à suivre :
« Si rien ne bouge sur les monogestes et la lutte contre la fraude, le secteur va réagir. Et sévèrement. »
Il évoque, sans l’annoncer formellement, des blocages, des grèves, voire des actions symboliques avec les engins du secteur, soulignant qu’une grue de 135 tonnes équivaut à 30 tracteurs.
Une crise structurelle aggravée par l’inertie politique
Le président de la FFB dresse aussi un tableau sévère de la gouvernance du logement en France :
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7 ministres du logement en 5 ans,
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une absence de consultation des professionnels,
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et des décisions « pensées depuis les étages supérieurs de Bercy, sans lien avec le terrain ».
« Ce sont des cerveaux brillants, mais complètement déconnectés. »
Il dénonce le paradoxe d’un gouvernement qui suspend MaPrimeRénov’… le jour même de la Journée mondiale de l’environnement, alors que le bâtiment représente 40 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Des chiffres alarmants pour 2024
Olivier Salleron conclut avec des prévisions dramatiques :
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100 000 à 120 000 salariés menacés de licenciement cette année,
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25 000 entreprises risquent la fermeture,
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et les petites structures artisanales seront les premières touchées.
« Il faut écouter la ministre du logement, qui connaît son sujet. Mais elle-même n’est pas écoutée. Si nécessaire, il faudra monter jusqu’à l’Élysée. »