Le Parlement a définitivement adopté, le 5 juin 2025, la proposition de loi portée par la sénatrice Audrey Bélim. Le texte, désormais prêt à entrer en vigueur, introduit deux mesures phares : l’encadrement des loyers à titre expérimental dans les Outre-mer et l’adaptation des normes de construction aux réalités locales.
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Un vote conforme pour une entrée en vigueur rapide
Adoptée en lecture conforme par les deux chambres, la proposition de loi n°1034 marque une avancée législative attendue pour les territoires ultramarins. Porté par la sénatrice de La Réunion Audrey Bélim, le texte a été salué par le ministre des Outre-mer comme un instrument « de bon sens qui conjugue simplification, efficacité et respect des réalités du terrain ».
L’adoption définitive par l’Assemblée nationale ouvre la voie à une entrée en vigueur rapide, grâce à l’absence de modifications entre les lectures. Le gouvernement a confirmé son soutien plein et entier au texte, qui s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre la vie chère, actuellement en construction avec les élus et acteurs économiques locaux.
Encadrement des loyers : une expérimentation taillée pour les réalités ultramarines
L’article 1er instaure, pour 5 ans, un dispositif d’encadrement des loyers dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution — soit la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion. L’expérimentation repose sur le volontariat des collectivités : les élus locaux pourront, dans un délai de deux ans après promulgation, demander à activer ce levier.
Le dispositif s’appuie sur l’article 140 de la loi ELAN (2018) mais prévoit des dérogations spécifiques. Ainsi, aucun complément de loyer ne pourra être appliqué dans le cas d’un logement non décent, conformément à la loi du 6 juillet 1989. Un rapport d’évaluation sera transmis au Parlement six mois avant l’échéance de l’expérimentation.
Cette mesure vise directement à réguler les prix dans les zones tendues ultramarines. Le ministère des Outre-mer souligne que les écarts de loyers avec l’Hexagone peuvent atteindre 10 % en Guyane. « C’est ainsi que nous ferons reculer la vie chère, pas à pas, avec des solutions concrètes et utiles aux Ultramarins », déclare le ministre dans le communiqué.
Vers des matériaux de construction mieux adaptés aux territoires
L’article 3 bis du texte amorce un tournant réglementaire pour la construction. Il concrétise l’exemption, obtenue en 2024 auprès de la Commission européenne, au marquage CE des matériaux de construction dans les régions ultrapériphériques (RUP). Cette exemption, entrée en vigueur en janvier 2025, permet aux Outre-mer de s’affranchir des règles européennes standardisées pour privilégier des matériaux locaux mieux adaptés aux contraintes climatiques, économiques ou techniques.
La loi prévoit la création de « comités référentiels construction » dans chaque bassin géographique. Ces comités auront pour mission d’élaborer des référentiels techniques intégrant les spécificités et besoins locaux. Ils seront éligibles à des financements publics et travailleront en lien avec les institutions nationales ou d’autres collectivités ultramarines.
Le ministre des Outre-mer insiste sur l’intérêt stratégique de cette disposition : « Cette mesure de bon sens est essentielle pour faire baisser les coûts des matériaux, valoriser les filières locales, renforcer l’autonomie économique des territoires et mieux intégrer les territoires d’Outre-mer dans leurs marchés régionaux. »
Une mesure inscrite dans un plan global contre la vie chère
Au-delà de ses aspects techniques, la loi Bélim s’inscrit dans une ambition plus large. Le Gouvernement, par la voix du ministre des Outre-mer, présente ce texte comme un jalon structurant du futur plan global de lutte contre la vie chère. Cette feuille de route, actuellement en concertation avec les élus locaux, entend répondre aux attentes fortes des populations ultramarines sur les problématiques du logement, des prix et du pouvoir d’achat.
Le caractère transpartisan de l’adoption est d’ailleurs mis en avant : « Le ministre remercie l’ensemble des parlementaires mobilisés sur ce texte dans une dynamique transpartisane. » Cette approche consensuelle vise à garantir la stabilité politique et juridique nécessaire à la réussite des expérimentations prévues.
Ce qui change concrètement pour les collectivités et les professionnels
Dès promulgation, les collectivités pourront enclencher la procédure pour expérimenter l’encadrement des loyers. Le délai est de deux ans pour faire remonter une demande à l’État. Ce mécanisme laisse la main aux élus pour adapter la mesure à la réalité du terrain.
Pour les professionnels du bâtiment, l’évolution des normes ouvre de nouvelles perspectives. Les matériaux produits localement pourraient désormais être homologués via des référentiels régionaux, allégeant les coûts d’importation et dynamisant les filières ultramarines.
Côté administration, plusieurs décrets d’application sont attendus dans les prochains mois, notamment pour définir le fonctionnement précis des comités référentiels construction. À plus long terme, l’évaluation parlementaire prévue en 2030 devra permettre de trancher sur une éventuelle généralisation des mesures à l’ensemble du territoire ultramarin, voire à d’autres zones.
Consulter ici la Proposition de loi en question, adoptée par le Sénat, expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer, n° 1034, déposée le jeudi 6 mars 2025.