Comment une start-up née sur une île de l’océan Indien en est-elle venue à séduire les marchés internationaux de la tech bâtimentaire ? À travers FeelBat, Jean-Christophe HABOT propose une solution inédite pour prévenir les risques structurels. Et prouve que l’innovation peut germer là où on l’attend le moins.
—
Une start-up née d’un traumatisme urbain
C’est à Marseille, dans le quartier de la rue d’Aubagne, que tout commence. Lorsqu’un bâtiment s’effondre brutalement en 2018, l’émotion est vive dans la ville… et chez Jean-Christophe HABOT. Ingénieur du bâtiment, il y voit bien plus qu’un accident : un échec du système de prévention, un signal d’alerte. “Il était inconcevable, pour moi, qu’un bâtiment puisse s’effondrer sans qu’on ait été prévenus à temps”, confie-t-il aujourd’hui.
Quelques années plus tard, c’est à La Réunion que l’idée prend forme. En plein confinement, en 2021, Jean-Christophe HABOT initie le projet FeelBat. Le principe : concevoir des capteurs intelligents capables de surveiller l’état des bâtiments à distance. Une solution née d’un traumatisme personnel, mais façonnée par les réalités d’un territoire ultramarin.
Une innovation 100 % ultramarine pour des ouvrages plus sûrs
FeelBat ne se contente pas d’ajouter un nom à la longue liste des start-up du bâtiment. Elle propose une véritable rupture technologique. Ses capteurs, pensés pour être utilisés sans compétences techniques particulières, permettent de suivre les mouvements, fissures et altérations des structures en temps réel. Leur installation est simple, rapide, sans câblage complexe : une approche “plug and play” connectée directement au smartphone.
Contrairement aux capteurs traditionnels, souvent réservés à des experts et à des chantiers de grande envergure, ceux de FeelBat s’adressent aussi aux PME du bâtiment, aux gestionnaires de parc immobilier, aux collectivités locales. C’est cette démocratisation de la surveillance structurelle qui fait la force de la solution.
L’innovation ne réside pas seulement dans l’électronique embarquée ou la précision des relevés, mais dans l’usage : “On a visé ceux qui n’utilisaient pas encore ce type de technologies. Et on leur a offert une solution simple, accessible et fiable”, résume le fondateur.
De La Réunion à l’international, le pari réussi de l’export
Penser global depuis un territoire insulaire ? Pour FeelBat, ce n’est pas une ambition, c’est une nécessité. Dès les premiers développements, la start-up adopte une logique d’export.
“Depuis La Réunion, on est obligés de penser au monde. L’Europe n’est qu’une des cibles possibles”, affirme Jean-Christophe HABOT.
Les premiers retours viennent rapidement. En participant à des salons comme le CES de Las Vegas ou Divatec, l’équipe capte l’attention d’acteurs venus du Canada, de la Corée du Sud, d’Europe. L’intérêt est immédiat : simplicité d’usage, performance technique, modularité des solutions.
Cette ouverture à l’international repose aussi sur une stratégie agile. Être situé à La Réunion permet de bénéficier d’un fuseau horaire avantageux pour dialoguer avec l’Europe dès le matin. Et de s’imposer une discipline logistique et commerciale tournée vers l’export, dès les premières étapes.
Un écosystème local au service de l’innovation
Si FeelBat a pu s’imposer sur le marché, c’est aussi grâce à un écosystème réunionnais actif. La start-up bénéficie de l’accompagnement de la Technopole de La Réunion, du Village by CA, mais aussi d’un soutien financier décisif de la BPI. Des relais comme la Région Réunion jouent également un rôle structurant dans la montée en puissance du projet.
Ce tissu local favorise l’expérimentation. La Réunion, avec sa diversité géographique et climatique, devient un terrain d’essai idéal pour les capteurs. Infrastructures routières, bâtiments en zone cyclonique, ouvrages anciens ou récents : le panel de situations permet de tester la robustesse des solutions dans des conditions extrêmes.
Et au-delà de l’ingénierie, c’est toute une dynamique humaine qui porte le projet : “Ici, les professionnels du bâtiment, les institutions, les accompagnateurs ont compris notre démarche et ont su nous faire confiance”, souligne Jean-Christophe HABOT.
Réussir depuis les Outre-mer : une stratégie assumée
Les préjugés ont la vie dure. Être une entreprise ultramarine, c’est encore aujourd’hui faire face à une certaine condescendance. “Beaucoup de nos interlocuteurs ne savent même pas où se trouve La Réunion. Il y a souvent un jugement initial basé sur l’ignorance”, déplore le fondateur.
Mais loin de s’en plaindre, FeelBat en a fait un levier de différenciation. “Une fois que la qualité de notre solution est démontrée, ces préjugés tombent. Et souvent, les clients sont bluffés de découvrir ce qu’on est capables de faire depuis un territoire ultramarin.”
La clé, c’est de transformer ces contraintes en opportunités. L’éloignement devient une force d’anticipation. Les difficultés logistiques forcent l’optimisation. Et l’isolement géographique stimule la créativité technologique.
Une solution unique au monde… pour l’instant
FeelBat se positionne aujourd’hui comme le seul acteur à proposer une solution aussi simple, connectée et accessible pour le suivi structurel des bâtiments. “Nous sommes les seuls au monde à offrir un tel niveau de simplicité et d’efficacité, à ce prix-là”, affirme sans détour Jean-Christophe HABOT.
La métaphore qu’il emploie est éloquente : “Nos concurrents, ce sont les tourne-disques. Nous, on est la box Bluetooth.” Un changement de paradigme dans la manière de penser la maintenance et la surveillance du bâti.
Et demain ? L’objectif est clair : déployer ces capteurs dans le monde entier, équiper les communes, les bailleurs, les entreprises. Depuis La Réunion, FeelBat veut écrire une nouvelle page de la transition technologique dans le bâtiment.
FeelBat ne cherche pas seulement à innover. Elle cherche à prouver que les Outre-mer peuvent être au cœur des révolutions technologiques mondiales. Et à en croire les premiers résultats, le pari est déjà bien engagé.