Audit énergétique OUTRE-MER : un référentiel sur-mesure pour le tertiaire public

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Dans les Outre-mer, les bâtiments consomment à eux seuls plus de 90 % de l’électricité du territoire. Une situation préoccupante, accentuée par une forte dépendance aux énergies fossiles et un mix électrique à haute intensité carbone. Dans ce contexte, la transition énergétique devient une priorité absolue, notamment pour le parc tertiaire public soumis aux exigences du Décret Tertiaire.

C’est pour répondre à ces enjeux que l’ADEME et le programme ACTEE ont publié en mai 2025 un cahier des charges type d’audit énergétique dédié aux DROM. Ce document de référence, pensé en concertation avec les acteurs du bâtiment durable, vise à professionnaliser les prestations et à les adapter aux réalités techniques, climatiques et humaines des territoires ultramarins.

Un outil structurant pour répondre aux défis spécifiques des DROM

Le secteur du bâtiment est au cœur de la stratégie énergétique des Outre-mer. Face à la nécessité de réduire drastiquement les consommations d’énergie – avec des objectifs de –40 % d’ici 2030, –50 % en 2040 et –60 % en 2050 –, les maîtres d’ouvrage doivent pouvoir s’appuyer sur des audits rigoureux, standardisés et contextualisés.

Le cahier des charges publié en 2025 s’inscrit dans cette dynamique. Il résulte d’un travail collaboratif mené par l’ADEME, ACTEE et de nombreux partenaires tels que l’Agence française de développement, les CAUE, Energies Réunion, KeBATI, Synergiles ou encore AQUAA. L’enjeu ? Proposer un document prêt à l’emploi pour cadrer les prestations d’audit énergétique du tertiaire, tout en tenant compte des spécificités climatiques et d’usages propres aux DROM.

Trois volets pour une mission d’audit complète et utile

 

1. L’état des lieux : la base d’un diagnostic solide

Première étape, essentielle : établir un état des lieux détaillé du bâtiment. Cela comprend une réunion de lancement, la collecte des documents techniques, une visite sur site approfondie, et la consultation directe ou indirecte des usagers via questionnaire.

Les enjeux de confort thermique et de qualité de l’air intérieur (QAI) sont considérés comme fondamentaux, notamment en milieu tropical. L’audit impose donc un relevé précis de la ventilation existante, ainsi qu’une évaluation du ressenti des occupants – éléments souvent négligés dans les approches standard.

2. L’analyse énergétique et les scénarios d’actions

L’analyse repose sur les consommations réelles d’électricité, d’eau et d’énergie thermique, avec des indicateurs tels que le kWhEF, kWhEP, Ubât, facteurs solaires, part EnR, ou encore kgCO₂eq/an. Des ratios par m² sont également calculés pour permettre des comparaisons avec des bâtiments similaires.

La particularité de ce référentiel tient à sa structuration autour de trois scénarios d’action, obligatoirement modélisés par le prestataire :

  • Scénario 1 – Premier palier Décret Tertiaire (2030) : Il vise à atteindre la réduction réglementaire minimale, soit –40 % d’énergie finale ou un seuil absolu. Il est particulièrement pertinent pour les communes souhaitant se mettre en conformité sans surinvestir. Exemple : isolation partielle, optimisation des réglages, éclairage LED.
  • Scénario 2 – Scénario ambitieux : Ici, l’ensemble des leviers d’amélioration est mobilisé : enveloppe, équipements, EnR, régulation, sensibilisation des usagers, etc. Ce scénario s’adresse aux maîtres d’ouvrage ayant une vision patrimoniale de long terme. Il peut aller jusqu’à la rénovation lourde ou la restructuration complète du bâtiment.
  • Scénario 3 – Optimum technico-économique : C’est un arbitrage basé sur un ratio entre investissement, économies attendues et retour sur investissement. Il permet d’identifier les actions les plus rentables à court ou moyen terme. Exemple : remplacement ciblé de climatiseurs, ajout de brasseurs d’air, modification de contrats d’abonnement EDF.

Chaque scénario est présenté sous forme de tableaux et de graphiques, et peut être adapté à des objectifs politiques ou budgétaires locaux. Le document prévoit aussi une option de saisie sur la plateforme OPERAT, avec génération des fichiers réglementaires et accompagnement à la publication du dossier technique.

3. Les préconisations : actions MDE et rentabilité chiffrée

Les actions de Maîtrise de la Demande en Énergie (MDE) sont évaluées de manière exhaustive : économies attendues en énergie et CO₂, coûts d’investissement HT, temps de retour, subventions mobilisables, CEE estimés, etc.

L’audit met l’accent sur la transparence des données, la comparabilité entre solutions, et la faisabilité opérationnelle. Les recommandations doivent aussi prendre en compte l’amélioration du confort thermique et les possibilités d’intégration d’EnR (photovoltaïque, solaire thermique, etc.).

Des options avancées pour adapter l’audit aux besoins locaux

Conscient des particularités climatiques des DROM, le cahier des charges propose une série d’options activables selon le contexte technique et les ressources du maître d’ouvrage.

  • Les campagnes de mesures détaillées permettent de documenter précisément la consommation et le confort réel. Température, hygrométrie, CO₂, vitesse de l’air, éclairage ou débit de ventilation sont enregistrés pendant au moins 7 jours ouvrés. Ces mesures servent à valider ou contester les impressions des usagers, et à objectiver les dysfonctionnements.
  • La Simulation Thermique Dynamique (STD) est une option plus poussée, qui modélise le comportement horaire du bâtiment sur une année type. Particulièrement utile pour les zones comme les Hauts de La Réunion ou les bâtiments très enclavés, la STD permet d’identifier les périodes d’inconfort chronique, de simuler les effets d’actions correctives (isolation, brise-soleil, régulation…) et de croiser les résultats avec les ressentis mesurés.
  • La qualité de l’air intérieur (QAI) peut faire l’objet d’une campagne dédiée, avec pose de capteurs certifiés, collecte de données, comparaison avec les normes sanitaires, et recommandations ciblées (nettoyage des CTA, remplacement des filtres, correction des débits d’air).

Le document recommande également l’utilisation de plusieurs outils développés dans le cadre des programmes OMBRÉE et Pergola, comme :

  • Climater : pour analyser les consommations de climatisation centralisée et en estimer les marges d’économie.
  • RatioClim : pour calculer la charge thermique spécifique d’un bâtiment tertiaire ultramarin.
  • COCO : outil d’évaluation du confort thermique basé sur des mesures réelles (température, humidité, ressenti).
  • Reducalor : outil d’analyse des apports solaires pour optimiser les protections passives.

Ces outils permettent au bureau d’étude de calibrer précisément les recommandations selon la localisation, l’usage et la typologie du bâtiment. Le référentiel souligne toutefois que certaines options, comme la STD ou les sous-comptages avancés, peuvent entraîner un surcoût significatif — leur mobilisation doit donc être discutée dès la phase de cadrage.

Un cadre compatible avec les aides financières

L’un des atouts majeurs de ce référentiel est sa conformité aux normes NF EN 16247-1, -2 et -5, conditions nécessaires pour que l’audit soit éligible à des subventions comme le Fonds Vert ou les aides locales à la rénovation énergétique.

Il offre un véritable levier d’action pour les collectivités à ingénierie limitée, en leur fournissant un cadre lisible, opérationnel et duplicable. Le document est également conçu pour intégrer des audits groupés, des schémas directeurs immobiliers et énergétiques à l’échelle d’un patrimoine.


Télécharger ici le Cahier des charges type d’audit énergétique Outre-mer (DROM)


Ce référentiel n’est pas qu’un guide technique : c’est un levier pour décider mieux, agir plus vite et projeter les bâtiments publics ultramarins vers un usage durable, confortable et soutenable. À ceux qui hésitent encore à enclencher la transition, il apporte méthode, outils… et arguments chiffrés.

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