OUTRE-MER. le solaire thermique avance dans l’ombre du photovoltaïque

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solaire thermique Outre-mer

Et si l’on s’était trompé de technologie pour la chaleur des bâtiments ?
Dans les territoires ultramarins, la lumière du soleil est omniprésente. Pourtant, la transition énergétique s’est majoritairement concentrée sur la production d’électricité via le photovoltaïque. Une autre solution, plus discrète mais tout aussi stratégique, reste sous-exploitée : le solaire thermique.

Ce mode de production de chaleur, particulièrement adapté aux DROM, reste encore sous-exploité malgré un fort potentiel. Une étude récente (mai 2025), publiée par le Booster des Énergies Renouvelables et de Récupération et l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID), lui consacre un chapitre entier. Ce document dresse un panorama technique, réglementaire et stratégique du solaire thermique dans le secteur immobilier, et met en évidence les conditions particulièrement favorables à son développement dans les Outre-mer.

Une obligation réglementaire encore méconnue

Depuis le 1er janvier 2016, la législation impose une exigence claire dans les DROM : tout logement neuf doit couvrir au moins 50 % de ses besoins en eau chaude sanitaire (ECS) à partir d’un système utilisant l’énergie solaire. Cette obligation, inscrite à l’article R.162-2 du Code de la construction et de l’habitation, ne concerne pas l’immeuble dans son ensemble, mais chaque logement pris individuellement. Une nuance essentielle, qui renforce la portée du dispositif.

Applicable en Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte et dans les zones définies de Guyane, cette règle n’est pas un simple objectif incitatif : elle est contraignante. Elle vise à mobiliser un gisement énergétique local, disponible, gratuit et abondant, tout en limitant le recours aux énergies fossiles dans les territoires insulaires, où les coûts d’importation pèsent lourdement sur les systèmes énergétiques.

Mais en dépit de cette obligation, de nombreux maîtres d’ouvrage restent mal informés, ou se tournent vers des alternatives moins adaptées – voire vers le photovoltaïque, dans des configurations où la production de chaleur aurait pourtant été plus pertinente.

Des conditions locales idéales pour le thermique

Il existe peu de régions dans le monde où les conditions climatiques se prêtent aussi bien au solaire thermique que les Outre-mer français. On y observe :

  • Une irradiation solaire annuelle élevée, souvent comprise entre 1 800 et 2 000 kWh/m², avec une grande régularité tout au long de l’année.
  • Une température d’eau froide naturellement élevée (entre 20 et 25 °C), réduisant l’énergie nécessaire pour atteindre les 60 °C réglementaires.
  • Un ensoleillement suffisant même en saison intermédiaire, permettant de couvrir une grande partie des besoins en ECS avec peu ou pas d’appoint thermique.

Ces conditions permettent, pour une installation bien dimensionnée :

  • De couvrir jusqu’à 100 % des besoins en ECS pendant la saison chaude.
  • D’atteindre 70 à 80 % de couverture annuelle, même sans recours systématique à un appoint.
  • De réduire voire éliminer l’usage de glycol dans certaines zones, sauf en altitude, ce qui simplifie l’entretien et limite les coûts de maintenance.

Enfin, comparé au photovoltaïque, le solaire thermique échappe à plusieurs défis structurels :

  • Pas de surchauffe d’onduleurs ou de rendement altéré par les hautes températures.
  • Pas de saturation de réseau électrique, contrairement aux installations solaires en autoconsommation.
  • Une production de chaleur directe, immédiate et localement stockable, souvent plus rentable pour les usages liés à l’eau chaude sanitaire.

Un rendement supérieur pour des installations bien conçues

L’un des grands atouts du solaire thermique est son rendement élevé. Alors que les panneaux photovoltaïques transforment environ 20 % de l’énergie solaire incidente en électricité, les capteurs thermiques bien installés peuvent en convertir entre 50 et 80 % en chaleur utile. Et pour un même usage – produire de l’eau chaude sanitaire –, ils nécessitent trois fois moins de surface que leur équivalent photovoltaïque.

Les capteurs plans vitrés, les plus répandus dans les DROM, sont particulièrement adaptés : simples à entretenir, résistants aux embruns, performants même sans fluide antigel. Dans certains cas spécifiques (établissements de santé, sites exposés au vent), des capteurs à tubes sous vide peuvent être envisagés pour maximiser la performance, bien que plus onéreux.

Toutefois, ces rendements élevés ne s’obtiennent qu’à condition de bien dimensionner les installations. Le surdimensionnement est une erreur fréquente dans les projets ultramarins. Il conduit à une surchauffe estivale, à une dégradation du glycol (quand il est utilisé), et à une baisse globale de la durabilité des équipements.

Ces erreurs techniques, parfois héritées d’une transposition directe des standards métropolitains, nuisent à la performance réelle et à l’image de la filière.

Une filière à structurer autour de la maintenance et du suivi

L’un des principaux défis du solaire thermique dans les DROM reste la qualité de maintenance et le suivi des performances. De nombreuses installations installées dans les années 2000 n’ont pas été correctement instrumentées. Résultat : il est aujourd’hui difficile pour certains gestionnaires de savoir si leur système fonctionne réellement, et quelle part de la chaleur est assurée par le solaire.

Les dispositifs de télésuivi sont pourtant disponibles, y compris à bas coût (à partir de 50 € HT/an pour un télésuivi minimal). Ils permettent d’identifier rapidement les baisses de performance, les défauts de régulation ou les arrêts de production liés à un défaut d’appoint. En l’absence de tels dispositifs, c’est souvent l’énergie d’appoint qui compense silencieusement les défaillances, alourdissant la facture sans alerte visible.

Former les équipes locales à la lecture des données, installer des interfaces simples et compréhensibles, intégrer la maintenance dans les contrats dès la conception : voilà les conditions d’un redéploiement efficace. Sans quoi le risque est de voir le parc existant se dégrader, et les maîtres d’ouvrage se détourner d’une solution pourtant vertueuse.

Financements, retours d’expérience et leviers d’action

Les dispositifs de financement sont bien là. Le Fonds Chaleur de l’ADEME, MaPrimeRénov’ Outre-mer, les certificats d’économies d’énergie (CEE) ou encore les Contrats de Performance Énergétique (CPE) solaires permettent d’accompagner techniquement et financièrement les porteurs de projet. Des modèles de CPE spécifiques ont même été élaborés pour les systèmes de production d’ECS dans les bâtiments collectifs.

Dans les DROM, les bailleurs sociaux, les établissements scolaires, les hôpitaux ou les internats sont les premières cibles d’une massification réaliste. À condition toutefois que les projets soient portés avec rigueur, que les équipements soient bien adaptés au contexte (corrosion, humidité, accessibilité), et que le suivi soit assuré dans la durée.

Des exemples réussis existent, mais ils peinent encore à être mis en réseau. Une meilleure capitalisation des retours d’expérience locaux, notamment via des plateformes d’acteurs, serait un levier précieux pour accélérer la montée en charge de la filière.


L’ÉNERGIE SOLAIRE THERMIQUE POUR LE SECTEUR IMMOBILIER – Une filière au savoir-faire consolidé – OBSERVATOIRE DE L’IMMOBILIER DURABLE


Dans un contexte de sobriété énergétique et d’adaptation climatique, l’efficacité doit primer sur l’effet de mode. Et c’est bien là que le solaire thermique tire son épingle du jeu. Moins visible que les panneaux photovoltaïques, mais plus performant dans bien des cas, il mérite une place centrale dans les choix techniques à l’échelle des DROM.

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