Dans un contexte où la Guyane vise une électricité produite à 85 % par des sources renouvelables, le développement du solaire photovoltaïque au sol est stratégique. Pourtant, identifier les terrains favorables à cette filière reste complexe. Pour y voir plus clair, la Direction générale des territoires et de la mer (DGTM) de Guyane a mandaté le Cerema pour réaliser une étude sur les possibilités réglementaires et environnementales de développement du photovoltaïque au sol sur la bande littorale. Publiée en octobre 2023, cette analyse livre une première cartographie des contraintes à l’échelle des 15 communes concernées.
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Pourquoi cette étude ? Un cadre territorial et réglementaire contraint
L’étude répond à un double enjeu énergétique et réglementaire.
D’une part, elle s’inscrit dans le processus de révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de la Guyane, qui fixe les grandes orientations en matière de production et de consommation d’énergie à moyen terme. Cette révision est d’autant plus stratégique que la Guyane ambitionne de produire 85 % de son électricité à partir de sources renouvelables, dans un contexte de forte croissance démographique et d’augmentation des besoins en énergie.
D’autre part, l’étude anticipe les effets de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi APER). Cette loi oblige chaque commune française à identifier des Zones d’Accélération (ZAER) où les énergies renouvelables pourront être déployées de manière prioritaire et simplifiée. La Guyane n’échappe pas à cette exigence, et les résultats de cette étude constituent un levier pour accompagner les collectivités dans la définition de ces zones.
Le Schéma d’Aménagement Régional (SAR) approuvé en 2016 constitue un autre cadre structurant. Il fixe, entre autres, la condition que la surface cumulée des installations solaires au sol ne devra pas excéder 100 hectares à l’horizon 2030, afin de préserver les autres usages du territoire, notamment la biodiversité et les espaces agricoles.
Cette contrainte réglementaire rend nécessaire une analyse fine et localisée des potentialités d’implantation, tenant compte des enjeux environnementaux, du droit de l’urbanisme et des données foncières disponibles.
Une grille de notation pour objectiver les contraintes
L’étude précise que l’agrivoltaïsme n’a pas été intégré dans l’analyse, car la notion n’était pas encore définie juridiquement lors de la rédaction du rapport (définition officielle en mars 2023). En conséquence, les zones agricoles ont été exclues, même si elles pouvaient théoriquement accueillir des projets en lien avec des pratiques agricoles.
Le Cerema a mis en œuvre une méthodologie structurée en croisant plus de 130 couches de données géographiques réglementaires et environnementales. Chaque parcelle a été notée selon une grille allant de 2 à 6, en fonction de la sévérité des contraintes identifiées, et non sur une moyenne simple.
La note finale retenue correspond à la contrainte la plus forte affectant la parcelle, pondérée par le nombre d’occurrences de cette contrainte : plus une zone cumule des restrictions de haut niveau, plus sa note est élevée.
Certaines zones n’ont pas pu être analysées : soit parce qu’elles ne disposaient pas de données géomatiques suffisamment précises, soit parce que leur périmètre réglementaire était trop restreint pour l’échelle de l’étude (comme le SCoT de la CACL).
Des biais de couverture de données persistent entre les communes — Cayenne, par exemple, est mieux documentée que Régina, ce qui peut entraîner des notations plus sévères pour les premières. Un compteur d’éléments réglementaires par surface a été introduit pour lisser cet écart, mais il ne supprime pas totalement l’effet.
Des effets de proximité influencent également la notation : un bonus est accordé aux terrains proches des postes sources, tandis qu’un malus est appliqué à ceux proches des aéroports ou aérodromes, selon les règles de sécurité de l’aviation civile. L’ensemble de cette approche permet de produire une cartographie hiérarchisée des contraintes réglementaires à l’échelle parcellaire, fournissant une base d’analyse objective pour orienter les décisions d’aménagement.
Une situation homogène, mais globalement défavorable
La moyenne pondérée des contraintes réglementaires sur l’ensemble de la bande littorale s’établit à 4,3 sur 5 – ce qui traduit un niveau élevé d’obstacles liés à la réglementation en vigueur. Cette valeur moyenne résulte d’un empilement dense de prescriptions environnementales, patrimoniales et d’urbanisme.
En effet, près de 90 % des surfaces étudiées présentent une note comprise entre 4,25 et 4,5 – ce qui reflète une forte présence de zones protégées, de servitudes ou de restrictions d’usage du sol. Cette homogénéité des niveaux de contrainte sur la majorité du périmètre témoigne d’un territoire globalement difficile à mobiliser pour l’installation de parcs solaires au sol.
Cependant, l’étude du Cerema met également en lumière quelques gisements fonciers intéressants. Plus précisément, 463 hectares de surface présentent une note inférieure à 2, soit un niveau de contrainte très faible, tandis que 2082 hectares sont notés en dessous de 3, ce qui indique un degré modéré de complexité réglementaire.
Ces zones se concentrent essentiellement dans deux secteurs : le nord-ouest de Saint-Laurent-du-Maroni, où la densité des contraintes est moins marquée, et le nord de la commune de Ouanary, qui bénéficie d’une moindre superposition de servitudes et de protections environnementales.
En termes de potentiel, ces superficies identifiées sont largement suffisantes pour répondre aux objectifs du SAR, qui limite la surface des installations photovoltaïques au sol à 100 hectares à l’horizon 2030.
Quelles communes tireront leur épingle du jeu ?
L’analyse par moyenne surfacique communale, pondérée selon les surfaces évaluées, permet d’identifier plusieurs territoires plus favorables. En tête, Saint-Laurent-du-Maroni apparaît comme la commune la plus propice, avec plusieurs secteurs bien desservis par les infrastructures électriques et faiblement contraints réglementairement.
Saint-Georges-de-l’Oyapock présente également un bon profil, notamment en raison de la présence de vastes espaces encore peu urbanisés, mais raccordables. Enfin, Montsinéry-Tonnegrande se distingue par des secteurs aux contraintes modérées, bien que la disponibilité foncière y soit plus morcelée.
Ces trois communes constituent des leviers potentiels pour initier la mise en œuvre des Zones d’Accélération des Énergies Renouvelables (ZAER) prévues par la loi APER. Leurs profils favorables peuvent orienter les maires vers des démarches proactives de définition de ces zones, en cohérence avec les ambitions de transition énergétique du territoire. À ce titre, l’étude du Cerema s’impose comme un outil opérationnel d’aide à la décision, aussi bien pour les collectivités locales que pour les acteurs de l’aménagement et les services de l’État.
RESSOURCE À CONSULTER :

Perspectives de développement du solaire photovoltaïque en GUYANE
Une base utile pour la planification énergétique
En réalisant un croisement rigoureux des données disponibles, le Cerema a permis de présélectionner des sites à potentiel pour le photovoltaïque au sol. Bien que les contraintes soient fortes sur l’ensemble de la bande littorale, des opportunités foncières existent.
Il reste désormais à intégrer les aspects techniques, fonciers et économiques pour transformer cette cartographie en projets réels. La planification énergétique en Guyane ne pourra pas faire l’économie de cette base de travail réglementaire solide.









