Dans les zones exposées aux séismes, la question du renforcement des bâtiments existants reste centrale. S’il existe une réglementation claire pour les constructions neuves, les bâtiments plus anciens — souvent construits avant toute exigence parasismique — représentent un véritable défi pour les maîtres d’ouvrage. Pour accompagner les démarches volontaires de diagnostic et de renforcement, un guide technique réalisé par l’AFPS et le CSTB, publié en mars 2013 sous l’égide de la DHUP, propose une méthode progressive, souple et opérationnelle.
Ce guide détaille l’intégralité du processus : depuis le diagnostic structurel initial jusqu’aux justifications de performance des solutions mises en œuvre, en passant par les choix de niveaux de sécurité et les techniques concrètes de renforcement.
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Un cadre souple pour sécuriser sans reconstruire
Contrairement aux bâtiments neufs, les constructions existantes ne sont pas systématiquement soumises à l’obligation de renforcement. L’arrêté du 22 octobre 2010 distingue les cas d’interventions substantielles (extension, surélévation, changement d’usage…) qui imposent une mise en conformité partielle ou totale, des cas où le maître d’ouvrage peut décider d’une démarche volontaire. C’est précisément à ces situations que répond le guide : comment renforcer intelligemment, selon les risques, les usages, et les enjeux humains ?
Le document précise que la démarche n’implique pas d’atteindre la performance d’un ouvrage neuf. Elle repose sur une logique de proportionnalité : plus le risque pour les personnes est élevé (ERP, logement collectif, équipement critique), plus le niveau de performance attendu est exigeant. Le maître d’ouvrage peut ainsi évaluer librement les objectifs de sécurité à atteindre et calibrer les travaux en conséquence. Cette souplesse est essentielle pour réhabiliter sans surdimensionner.
Diagnostiquer le bâtiment pas à pas
Le renforcement parasismique commence par une étape incontournable : le diagnostic. Il s’agit d’observer, analyser et documenter le bâti existant pour comprendre sa vulnérabilité structurelle. Le guide propose une méthodologie rigoureuse, adaptée aux moyens disponibles :
- collecte d’archives et de plans
- inspection visuelle sur site
- identification des matériaux, des assemblages, des zones de fragilité
- analyse du type structural (porteurs verticaux, planchers, contreventements)
- prise en compte des conditions géotechniques, de l’interaction sol-structure et du comportement dynamique potentiel
Un modèle de fiche de relevé est proposé pour chaque type de matériau (maçonnerie, béton, bois, acier). Cette phase permet aussi d’estimer un facteur de conformité α, qui exprime le degré de résistance actuelle du bâtiment face aux exigences d’un ouvrage neuf (selon l’Eurocode 8 – Partie 3). Ce facteur est fondé sur des critères qualitatifs (intégrité des assemblages, continuité des chaînages, solidarité plancher-murs) et quantitatifs (résistance des matériaux, dimensions effectives, configurations défavorables).
Choisir un niveau de performance adapté
Trois niveaux de performance sont proposés par le guide, à choisir en fonction de l’usage du bâtiment et des enjeux de sécurité :
- Non-effondrement : éviter toute ruine globale mettant en danger les personnes ;
- Limitation des dommages significatifs : assurer une résistance à des séismes moyens ;
- Maintien de service : garantir la continuité d’usage après un séisme, pour les ouvrages stratégiques (ex. hôpitaux, casernes, postes de commandement).
Chaque niveau correspond à un degré de justification : qualitative, semi-quantitative ou analytique. Le guide décrit les modèles de calcul utilisables à chaque étape (modèles équivalents de type bielle-tirant, analyse modale, méthodes pushover).
Les solutions concrètes de renforcement
Le guide décrit de nombreuses techniques de renforcement, adaptées à chaque typologie de structure :
- En maçonnerie : tirants en acier à haute adhérence, clés de chaînage, chaînages horizontaux et verticaux, renforts par voiles rapportés, ancrages à la base.
- En béton armé : ajout de murs de contreventement, ceinturage par voiles, renforcement par chemisage ou réduction de l’effort de flambement, renforcement des nœuds poutre-poteau.
- En bois : contreventements croisés (croix de Saint-André), platines métalliques aux assemblages, renforcement des appuis planchers.
Des tableaux récapitulatifs présentent les avantages, les limites, les pathologies courantes à corriger et les interactions structurelles à considérer pour chaque solution. L’objectif est de garantir une répartition régulière des efforts et d’éviter les points durs, les concentrations de masses ou les ruptures de continuité.
Une démarche reconnue et mobilisable en marchés publics
Ce guide constitue un référentiel utile dans le cadre de projets de réhabilitation, de mise aux normes, ou d’appels à projets. Il est pleinement compatible avec les exigences des Eurocodes et les pratiques des marchés publics de maîtrise d’œuvre. Son intégration dans les cahiers des charges ou les diagnostics préalables permet de sécuriser la responsabilité du maître d’ouvrage, tout en garantissant une logique d’amélioration continue. Il sert également de base pour la constitution du dossier de justification structurelle exigé par les assureurs ou les services de contrôle technique.
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Diagnostic et renforcement du bâti existant vis-à-vis du séisme
Ce guide reste une référence technique incontournable pour tous les acteurs confrontés à la vulnérabilité sismique du bâti existant. Il propose une voie méthodique et graduée pour intervenir intelligemment, sans surcoûts inutiles, et avec un objectif clair : renforcer là où c’est utile, au service de la sécurité des personnes et de la durabilité des constructions. Pour qui veut comprendre « comment faire », ce document fournit les clés, les principes, les outils et les exemples concrets, sans qu’il soit nécessaire de naviguer dans des centaines de pages de normes.









