En quelques heures, les vents de Garance ont balayé La Réunion, laissant derrière eux un paysage bouleversé. Moins de deux mois plus tard, l’addition tombe : 379 millions d’euros d’indemnisations à verser, un record. Derrière ce chiffre, une réalité plus vaste se dessine : l’urgence de repenser les modèles d’assurance et de reconstruction face aux aléas climatiques dans les Outre-mer.
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Un cyclone d’une violence exceptionnelle : retour sur les faits
Dans la nuit du 27 au 28 février 2025, La Réunion s’est retrouvée sous le joug du cyclone tropical Garance. Dès le 27, la préfecture déclenche l’alerte rouge. Les vents, mesurés par les services météorologiques français, ont dépassé localement les 215 km/h. Le phénomène a traversé l’île du nord au sud, touchant aussi bien les zones côtières que les hauts, et provoquant des dommages humains et matériels lourds.
Toitures arrachées, réseaux d’eau potable interrompus, axes routiers bloqués, infrastructures publiques partiellement détruites : les premiers bilans font état d’un territoire déstabilisé. Pour les habitants, c’est la double peine : aux difficultés immédiates succède l’incertitude sur la durée des réparations et la complexité des indemnisations.
Des indemnisations record : les chiffres clés
Selon le dernier bilan publié par France Assureurs le 24 avril, le cyclone Garance a entraîné près de 68 000 sinistres assurés. Cela représente un coût global estimé à 379 millions d’euros pour les compagnies d’assurances. Ce montant, colossal à l’échelle de l’île, place Garance comme le cyclone le plus coûteux de l’histoire récente de La Réunion.
Pour donner un ordre de grandeur : le cyclone Dina, survenu en 2002, avait entraîné des indemnisations à hauteur de 169 millions d’euros. Plus récemment, en janvier 2024, le cyclone Belal avait entraîné 100 millions d’euros de dommages. Garance double ces montants et confirme une tendance à la hausse des coûts d’indemnisations en Outre-mer, liée à la fréquence et l’intensité croissantes des événements climatiques.
Si les détails de la répartition des sinistres ne sont pas encore exhaustifs, on sait que les habitations individuelles représentent une part prépondérante des indemnisations. Les sinistres automobiles, les dommages aux entreprises, aux équipements collectifs et aux infrastructures publiques pèsent également lourd dans la facture globale.
Le précédent CHIDO à Mayotte : un enchaînement alarmant
Quelques semaines avant Garance, un autre cyclone avait dévasté un territoire voisin : le cyclone Chido, survenu le 14 décembre 2024 à Mayotte. Les conséquences y ont été tout aussi dramatiques, sinon plus : plus de 20 000 sinistres assurés et un coût estimé à 552 millions d’euros.
Ce montant représente, selon France Assureurs, près de 10 années de cotisations cumulées en assurance dommages aux biens et automobile sur le territoire mahorais. Il souligne à quel point les équilibres assurantiels sont bouleversés par ces événements climatiques extrêmes.
À Mayotte, les dégâts ont touché tous les pans de la vie locale : logements, écoles, hôpitaux, infrastructures portuaires. Il s’agit du cyclone le plus destructeur depuis un siècle dans l’archipel. Les assureurs, en lien avec les pouvoirs publics, ont dès décembre lancé une mission de reconnaissance commune et ont appliqué des mesures de déclaration exceptionnelles pour accélérer le traitement des dossiers.
Le rôle des assureurs et les premières propositions pour la reconstruction
Face à la récurrence et à la brutalité de ces événements, les compagnies d’assurances ne se contentent plus de verser des indemnités : elles s’engagent aussi dans l’après. À Mayotte, elles ont formulé plusieurs propositions pour accélérer et structurer la reconstruction. Inspirées des leçons tirées du cyclone Irma aux Antilles, ces mesures visent à accompagner les artisans locaux, mieux former les intervenants, et garantir des réparations durables.
La présidente de France Assureurs, Florence Lustman, a exprimé, lors de son déplacement aux côtés du président de la République, la volonté de la profession de s’impliquer sur le long terme dans les territoires ultramarins. Il ne s’agit plus seulement de « gérer la catastrophe », mais de devenir un partenaire de la résilience locale.
Florence LUSTMAN, présidente de France Assureurs : « Face aux cyclones tropicaux d’intensité exceptionnelle qui ont touché en quelques semaines l’archipel de Mayotte et l’île de La Réunion, les assureurs se sont immédiatement mobilisés pour accompagner dans les meilleures conditions possibles leurs assurés victimes de ces phénomènes climatiques de grande ampleur. En accompagnant le président de la République et les pouvoirs publics locaux pour constater ensemble les premiers progrès réalisés dans la reconstruction, j’ai souhaité donner un signal fort de l’engagement des assureurs à contribuer à l’avenir de ces îles. »
Vers une nouvelle stratégie d’adaptation dans les Outre-mer ?
Dans cette logique de co-construction, la profession soutient l’article 3 d’une proposition de loi portée par une sénatrice de La Réunion. Ce texte prévoit la mise en place de « comités référentiels construction » à l’échelle des territoires ultramarins. L’objectif : adapter les normes et règles de bâti aux réalités climatiques, géographiques et matérielles locales.
Derriere cette proposition se cache une ambition forte : faire de la reconstruction une opportunité pour améliorer durablement le parc bâti ultramarin, aujourd’hui très vulnérable. Cela passe par un accompagnement technique des professionnels, une disponibilité accrue de matériaux résistants, mais aussi une plus grande souplesse administrative et une coordination efficace entre acteurs du territoire.
Les cyclones Garance et Chido, par leur intensité, ont agi comme des révélateurs de l’urgence à changer de paradigme dans la préparation aux risques climatiques en Outre-mer.