LA REUNION. Construction neuve T4 2024 : logement en recul, chantiers professionnels en hausse

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À La Réunion, l’année 2024 s’est achevée sur une tendance globalement défavorable pour la construction neuve. Les chiffres publiés par la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion, dans sa note de conjoncture du quatrième trimestre 2024 (parue en février 2025), dressent un bilan nuancé : la baisse est nette dans le logement, mais certaines activités non résidentielles affichent une dynamique inattendue.

En toile de fond, le secteur du bâtiment reste impacté par un climat économique incertain, des coûts de construction élevés et des délais administratifs qui freinent l’aboutissement des projets.

Moins de permis, moins de chantiers : le logement neuf sous pression

Entre janvier et décembre 2024, seulement 5 820 logements ont été autorisés à la construction à La Réunion. C’est 16,3 % de moins qu’en 2023. Cette chute touche l’ensemble des segments du logement : -18,3 % pour les logements individuels, -14,5 % pour les collectifs.

Une tendance qui s’inscrit dans un cycle baissier entamé dès 2022. Derrière ces chiffres, se profile un ralentissement des initiatives immobilières privées, mais aussi des projets publics, souvent retardés par les contraintes budgétaires ou les ajustements réglementaires.

Du côté des mises en chantier, le constat est similaire, avec un recul global de 9,3 %. La baisse est très marquée dans l’individuel (-21,6 %), tandis que le collectif, à contre-courant, progresse légèrement (+4,3 %). Peut-on y voir les effets des politiques de relance ciblées ou une réorientation de la demande vers l’habitat groupé, plus économe en foncier et en coûts de construction ? Cette légère embellie du collectif pourrait aussi s’expliquer par la relance de certains programmes sociaux ou la priorisation des projets en zone urbaine dense.

En comparaison, le niveau national accuse également une baisse généralisée : -12,3 % pour les permis de construire, -11,1 % pour les débuts de chantier. Ces chiffres confirment une crise structurelle du logement en France, dans laquelle La Réunion s’inscrit avec des spécificités locales fortes, notamment la tension foncière, les aléas climatiques et les difficultés d’approvisionnement en matériaux.

 

Du côté des locaux pro : des signaux encourageants malgré des autorisations en baisse

Le secteur des locaux non résidentiels présente un visage plus contrasté. Les surfaces autorisées à la construction atteignent 322 450 m², en recul de 4,7 % par rapport à 2023. Mais cette moyenne masque de fortes disparités :

  • Hôtellerie : -62,4 %, un effondrement qui pourrait traduire un attentisme du secteur touristique, encore en convalescence après les années Covid.
  • Agriculture : -41,5 %, possiblement lié à un recul des investissements dans les bâtiments agricoles ou à des arbitrages fonciers défavorables.
  • Industrie : -24,8 %, une baisse notable malgré le regain observé dans les mises en chantier.

En revanche, les services publics créent la surprise avec une hausse spectaculaire de +74 %, probablement en lien avec des programmes d’équipement ou de modernisation des infrastructures scolaires, sanitaires ou administratives. Cette tendance pourrait refléter un effort des collectivités pour relancer l’activité via la commande publique.

Mais c’est du côté des mises en chantier que le secteur révèle son potentiel : +18,9 %, avec 203 440 m² lancés en 2024. Trois secteurs tirent cette progression :

  • Artisanat : +130 %, signe d’une dynamique locale forte, portée par des projets de petite taille mais nombreux, souvent initiés par des TPE/PME.
  • Entrepôts : +56,7 %, une évolution cohérente avec l’essor du e-commerce et des besoins en logistique de proximité.
  • Industrie : +50,5 %, montrant un regain d’intérêt pour les activités de production, peut-être soutenu par des aides à la relocalisation.

Ces chiffres, bien qu’impressionnants, doivent être relativisés. Les volumes initiaux étant faibles, de fortes variations en pourcentage sont possibles avec des surfaces absolues modestes. Toutefois, ils traduisent un élan concret dans l’activité professionnelle et logistique, et soulignent une reprise hétérogène mais réelle de certains secteurs moteurs.

 

Entre dynamique locale et climat national morose

Alors que l’Hexagone affiche un repli général, La Réunion présente une situation un peu plus nuancée. Le logement y est en souffrance, notamment l’individuel, mais le collectif semble amorcer une stabilisation. Plus surprenant encore, les chantiers professionnels se multiplient, notamment dans des segments porteurs comme l’artisanat et l’industrie.

Ce décalage pourrait refléter une spécificité économique insulaire, où les besoins locaux et les cycles d’investissement ne suivent pas toujours le tempo national.

Il pourrait aussi s’agir d’un simple effet de rattrapage post-crise ou d’une anticipation d’opportunités foncières. La forte présence de petites structures entrepreneuriales et l’adaptation rapide aux conditions locales expliquent peut-être en partie cette vitalité.

 

Une année à deux vitesses pour le BTP réunionnais

En 2024, La Réunion a connu un ralentissement net dans la construction de logements, mais le tableau est loin d’être uniforme. Le rebond du collectif et la vitalité des chantiers non résidentiels apportent une lecture plus optimiste d’un secteur en mutation. Dans ce contexte contrasté, les opérateurs du BTP doivent faire preuve de résilience et d’agilité, en tenant compte à la fois des contraintes structurelles et des signaux de reprise sectorielle.

À l’approche de la prochaine note de conjoncture, les regards se tourneront vers les capacités de consolidation de cette dynamique hétérogène. La trajectoire 2025 permettra-t-elle de confirmer la reprise des chantiers professionnels tout en freinant l’érosion du logement individuel ? Une question stratégique pour les décideurs locaux comme pour les professionnels du secteur.

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