La Caisse des Dépôts n’a pas laissé planer le doute longtemps. Le 14 avril 2025, elle publie une réponse officielle au rapport de Reclaim Finance, qui critiquait sa stratégie climatique jugée insuffisante. Dans cette lettre de plusieurs pages, l’établissement détaille ses engagements, ses méthodes et ses chiffres, tout en contestant la lecture faite par l’ONG.
En toile de fond : deux visions qui s’opposent sur la manière d’accélérer la transition écologique dans la sphère financière. La CDC revendique une action responsable, ancrée dans la réalité des contraintes économiques et de souveraineté nationale, face à une ONG militante qui appelle à des ruptures plus radicales.
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100 milliards d’euros sur la table, et déjà 27,9 mobilisés
C’est l’un des points d’appui centraux de la réponse : les engagements financiers. La Caisse des Dépôts annonce vouloir mobiliser 100 milliards d’euros entre 2024 et 2028 pour financer la transformation écologique et énergétique du pays. Et selon elle, l’effort est déjà bien engagé : 27,9 milliards ont été déployés dès 2024. Un rythme qui prolonge celui des années précédentes : entre 2018 et 2023, l’établissement avait prévu 60 milliards… mais en a finalement mobilisé 80.
Une dynamique que l’institution présente comme la preuve de sa volonté d’accélérer. Ces investissements se traduisent concrètement dans les territoires : soutien au logement social, rénovation énergétique, mobilité verte, infrastructures durables. Pour la CDC, ces chiffres illustrent son rôle de locomotive publique dans la transition.
Accompagner plutôt qu’exclure : une ligne assumée
Le rapport de Reclaim Finance dénonce un manque de transparence, notamment dans la communication sur les entreprises financées. La Caisse des Dépôts reconnaît qu’elle ne publie pas la liste complète de ses participations, mais justifie ce choix par le souci de préserver un dialogue actionnarial constructif.
Elle revendique une approche d’accompagnement : faire progresser les entreprises plutôt que les quitter. Cette logique repose sur la durée : les participations sont conservées entre 7 et 10 ans en moyenne. Pour cela, elle applique des critères d’alignement climatique exigeants, en particulier dans les secteurs très émetteurs.
Son objectif ? Qu’au moins 80 % des entreprises en portefeuille soient alignées sur une trajectoire compatible avec l’accord de Paris, selon le programme SBTi (Science Based Targets initiative). En 2024, seules deux résolutions « say on climate » ont reçu un vote favorable de la CDC en assemblée générale, preuve de sa fermeté selon elle.
Une gestion des actifs sous contrôle
Autre critique adressée par Reclaim Finance : la gestion indirecte de certains actifs. La Caisse des Dépôts répond que 97 % de ses portefeuilles sont gérés en direct, sans véhicule d’investissement tiers. Pour les 3 % restants, elle souligne des critères de sélection stricts, notamment en matière ESG, et insiste sur le fait que ces fonds servent à soutenir des entreprises françaises ou européennes de petite ou moyenne taille.
Il s’agit souvent de capital-investissement non coté, orienté vers l’innovation ou la relocalisation industrielle. Elle rappelle aussi que sa politique climat couvre l’ensemble de ses encours, délégués compris, avec un alignement sur un scenario 1,5 °C. Pour l’immobilier, la CDC affirme appliquer une stratégie détaillée et ambitieuse en termes d’efficacité énergétique et de neutralité carbone.
Reclaim Finance surestime l’exposition aux fossiles, selon la CDC
L’un des chiffres mis en avant par Reclaim Finance choque : 10 milliards d’euros d’investissements dans des entreprises liées aux énergies fossiles. La CDC conteste : selon elle, l’exposition réelle est inférieure à 5 milliards.
Moins de 1 % des entreprises de son portefeuille tireraient plus de 50 % de leur chiffre d’affaires d’activités fossiles. Elle précise aussi que ces chiffres incluent parfois des obligations vertes ou des opérateurs multi-sectoriels.
Par ailleurs, elle affirme exclure les entreprises sans plan de réduction de production pétrolière, celles fortement exposées au charbon thermique ou aux énergies fossiles non conventionnelles. Sa doctrine prévoit aussi de plafonner l’exposition totale au secteur fossile et d’encourager le développement de technologies alternatives dans la métallurgie ou les transports.
Derrière les chiffres, un enjeu de souveraineté
En filigrane de sa réponse, la CDC expose aussi une vision politique de son rôle. En tant qu’investisseur public de long terme, elle estime qu’abandonner certaines entreprises stratégiques serait risquer de fragiliser l’industrie nationale. Son approche vise donc à transformer sans rompre, à influer plutôt qu’à couper les ponts.
Ce positionnement la place dans une logique de transition progressive, qui se heurte parfois aux attentes de rupture immédiate portées par certaines ONG. L’institution met en avant la nécessité d’une transition qui prenne en compte l’emploi, la compétitivité industrielle et la résilience énergétique du pays.
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Avec cette réponse, la Caisse des Dépôts entend affirmer qu’elle prend sa part dans la lutte contre le changement climatique. Elle revendique des engagements massifs, une stratégie de long terme et une gestion exigeante. Le débat reste ouvert, mais les positions sont claires : à chacun sa méthode pour faire avancer la transition.
Pour la CDC, la solution passe par un engagement ferme mais réaliste, qui concilie performance environnementale et intérêt général. Face à une société civile toujours plus exigeante sur la finance verte, elle choisit de réaffirmer son cap tout en revendiquant une manière propre d’agir.









