Construction publique : le Sénat alerte sur une hausse des coûts devenue insoutenable pour les collectivités

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    Depuis plusieurs mois, les élus locaux alertent sur une réalité devenue difficile à ignorer : construire ou rénover un bâtiment public coûte aujourd’hui beaucoup plus cher qu’hier. Pour répondre à ces inquiétudes, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a conduit une mission transpartisane chargée d’objectiver ces surcoûts.

    Présenté le 12 novembre 2025, leur rapport d’information « Élus locaux : comment faire face aux surcoûts de la construction publique ? » confirme une progression des coûts bien supérieure à celle des recettes locales et formule six recommandations destinées à aider les collectivités à reprendre la main sur leurs projets.

    Une hausse des coûts beaucoup plus rapide que la progression des recettes locales

    L’analyse du pôle « science des données » du Sénat montre une évolution nette : les dépenses de construction supportées par les collectivités ont augmenté de 66,8 % entre 2005 et 2024. Cette progression dépasse largement celle des coûts de production du bâtiment, évaluée à +49,4 %, mais aussi celle de l’inflation générale (+42,6 %). Le décalage est d’autant plus marqué que les recettes locales ont crû de 19,2 % seulement entre 2020 et 2024, tandis que l’épargne brute n’a progressé que de 11,7 %.

    Dans ce contexte, de nombreuses communes se retrouvent dans l’incapacité de financer des équipements pourtant indispensables, et certaines vont jusqu’à renoncer à des projets devenus hors de portée.

    Normes et complexité administrative : un enchaînement qui renchérit les projets

    Pour comprendre ce dérapage des coûts, la mission sénatoriale pointe plusieurs facteurs. Elle souligne d’abord la difficulté à obtenir des données consolidées des administrations, chacune travaillant encore « en silo », sans vision globale des effets cumulatifs des règles qu’elle produit.

    L’inflation normative apparaît néanmoins comme un élément déterminant. Les normes d’accessibilité, de sécurité, de performance énergétique ou encore les exigences environnementales pèsent lourdement sur les dossiers. Le Code de l’environnement illustre bien cette dynamique : en 20 ans, il a vu son volume de textes bondir de 343 %.
    Cette accumulation se traduit par des coûts supplémentaires, parfois significatifs.

    L’étude « faune-flore 4 saisons », obligatoire dans certains cas, peut atteindre 60 000 euros. La RE2020, étendue à de nouveaux bâtiments publics, engendre quant à elle des surcoûts estimés entre 6 et 12 %. Ces exigences deviennent encore plus difficiles à absorber pour les petites communes, déjà fragilisées par des budgets contraints.

    Une commande publique jugée trop lourde et peu adaptée au terrain

    Au-delà des normes, la mission s’attarde sur la commande publique, objet d’une commission d’enquête distincte rendue en juillet 2025. Les élus rencontrés pointent la complexité des procédures, l’insécurité juridique et le manque de souplesse des outils actuels.

    La procédure adaptée, particularité française, est régulièrement perçue comme un frein plutôt qu’un levier. Les maires évoquent un ensemble de contraintes qui ralentissent la réalisation des chantiers et génèrent des coûts additionnels, parfois simplement en rallongeant les délais.

    6 recommandations pour redonner de l’air aux collectivités

    Pour répondre à ces difficultés, la mission avance six recommandations structurantes.

    1 – La première consiste à évaluer systématiquement l’impact financier des nouvelles normes, afin de s’assurer qu’elles restent soutenables pour les budgets locaux.

    2 – La seconde propose d’alléger certaines exigences jugées disproportionnées, notamment en assouplissant le déploiement de la RE2020, en révisant le zonage sismique ou encore en créant une sixième catégorie d’ERP destinée aux petits établissements de moins de 50 personnes.

    3 – La troisième recommandation vise à simplifier la commande publique, en supprimant la procédure adaptée, en généralisant le recours à la négociation et en autorisant les variantes par défaut. La mission suggère aussi un « passeport commande publique » pour sécuriser les acheteurs.

    4 – La quatrième propose de revoir la rémunération des maîtres d’œuvre, en cessant de l’indexer mécaniquement sur le montant des travaux et en adaptant le recours obligatoire à un architecte.

    5 – La cinquième recommande de confier à l’INSEE un suivi annuel des coûts de construction, afin de combler le manque de données consolidées.

    6 – Enfin, la mission appelle les collectivités à activer des leviers internes : définition précise des besoins, inscription du projet dans son contexte local, analyse en coût global et renforcement de l’expertise, notamment grâce à la mutualisation ou à l’appui des services départementaux.


    Consulter ici l’ESSENTIEL DU RAPPORT

     

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