Derrière l’objectif du « Zéro Artificialisation Nette », une question s’impose : où construire sans consommer davantage d’espace ? Le Cerema y répond avec son inventaire national des friches 2025, réalisé pour le ministère de la Transition écologique. Ce bilan recense 15 000 sites, soit 60 000 hectares, auxquels s’ajoutent 13 000 terrains supplémentaires encore à qualifier. Rapporté à la consommation foncière moyenne de 20 000 hectares par an, ce gisement révèle un potentiel majeur encore sous-exploité. Consolidées grâce à 20 observatoires locaux, ces données offrent une vision inédite du foncier délaissé. Comme le souligne le Cerema, « la transformation des friches permet de répondre aux besoins du territoire tout en effaçant des stigmates urbains ».
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Des espaces délaissés aux potentiels multiples
La friche n’est plus une cicatrice urbaine, mais un espace d’opportunités. L’inventaire du Cerema recense 33 % de friches d’habitat, 22 % industrielles et 10 % commerciales, les friches industrielles représentant à elles seules près de la moitié des surfaces totales.
Ces terrains se concentrent pour deux tiers en zone urbanisable, un atout essentiel : leur réutilisation ne nécessite aucun changement de zonage dans les documents d’urbanisme.
Autre donnée significative : un tiers des friches se situe dans des zones tendues (A-B), où la pression immobilière est forte et la disponibilité du foncier limitée. Dans ces espaces, chaque parcelle réhabilitée peut contribuer à desserrer le marché du logement.
Le Cerema note d’ailleurs que 28 % des friches déjà recensées font aujourd’hui l’objet d’un projet de reconversion, soit 2 400 sites couvrant environ 8 000 hectares. Une dynamique prometteuse, encore perfectible mais bien réelle.
Du repérage à l’action : des outils pour passer à l’échelle
Identifier, qualifier, reconvertir : tel est le triptyque d’action que le Cerema a mis en place pour transformer la connaissance en opérationnel.
- Cartofriches : centralise les informations sur plus de 15 000 sites validés et offre une cartographie accessible à tous les acteurs publics et privés.
- UrbanSIMUL : aide les collectivités à cartographier les espaces constructibles et à développer leurs propres observatoires locaux. Gratuit, il croise les données foncières et les besoins locaux pour anticiper les projets et repérer les marges de densification.
- France Foncier + : en partenariat avec la Banque des Territoires, met en relation les communes disposant de terrains économiques et les entreprises en quête d’implantation.
- UrbanVitaliz : service public gratuit, oriente les collectivités dans leurs projets de réhabilitation de sites à l’abandon, en simplifiant l’accès aux financements et expertises nécessaires.
Ces outils, interconnectés, traduisent la volonté du Cerema de transformer la donnée en décision, en accélérant le recyclage foncier sur l’ensemble du territoire.
Outre-mer : un potentiel encore sous-exploité
Dans les territoires ultramarins, la question foncière dépasse le cadre technique : elle conditionne le développement économique et social.
Les contraintes sont connues — relief accidenté, pression démographique, risques naturels, manque de foncier aménageable — et rendent la reconversion des friches particulièrement stratégique.
Ports désaffectés, zones industrielles obsolètes, bâtiments administratifs vacants : ces gisements, souvent situés en cœur d’agglomération, pourraient accueillir logements, équipements publics ou activités économiques, tout en limitant l’artificialisation des sols.
L’enjeu réside désormais dans l’adaptation des observatoires locaux aux spécificités de ces territoires insulaires. Les outils du Cerema – Cartofriches, UrbanSIMUL, UrbanVitaliz – peuvent y jouer un rôle structurant, à condition de s’appuyer sur des données locales fines.
Dans le contexte de rareté foncière chronique qui touche la Réunion, la Martinique ou la Guadeloupe, chaque friche réhabilitée représente une victoire sur le déséquilibre spatial.
Une reconversion coûteuse mais à fort impact
Recycler coûte cher, mais construire sur du neuf coûte plus à la planète. Le Cerema évalue à 540 000 € par hectare le coût moyen de remise en état d’une friche pour y implanter des logements, des activités ou des espaces publics.
Ce chiffre, tiré des dossiers du Fonds vert 2023, illustre la complexité technique et financière de ces opérations.
Pourtant, la dynamique s’accélère. Entre 2021 et 2024, 5 800 hectares de friches ont bénéficié du Fonds vert et du plan de relance, générant 13,6 millions de m² de logements et 10,3 millions de m² de surfaces économiques.
Des chiffres qui montrent que la reconversion foncière n’est pas une utopie, mais une réalité en marche.
Comme le rappelle le Cerema, « les friches constituent bien une réponse aux besoins en logement, notamment en zones tendues, compatible avec la maîtrise de la consommation foncière ».
En d’autres termes, elles traduisent concrètement la promesse du ZAN : bâtir sans détruire, réindustrialiser sans étendre.

Consulter l’inventaire national des friches : état des lieux et enjeux ici.









