Bâtiment : rebond dans le neuf, alerte sur la rénovation

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Bâtiment

Porté par la reprise du neuf et la détente du crédit immobilier, le bâtiment affiche enfin des signes positifs après deux années moroses. Mais à y regarder de plus près, le rebond demeure fragile et inégal. Selon la « Tendances récentes du bâtiment – novembre 2025 » publié par la FFB, « la reprise se poursuit dans l’ensemble du neuf, partant d’un très bas niveau », tandis que les marges des entreprises continuent de s’éroder.

Un rebond venu de très bas

Les chiffres du troisième trimestre 2025 tracent la silhouette d’un redressement. Les mises en chantier de logements bondissent de +18,2 % sur un an, et les autorisations progressent encore plus fortement (+26,6 %).

L’individuel et le collectif participent tous deux au mouvement, mais pour des raisons bien différentes.

Le premier bénéficie de la réouverture du Prêt à taux zéro (PTZ), étendu aux zones B2 et C, et d’un rattrapage des ventes dans le diffus neuf, en hausse de +41,1 % à fin août. Le collectif, lui, accuse un ralentissement marqué.

Les ventes des promoteurs aux investisseurs institutionnels chutent de 25,6 % entre les deuxièmes trimestres 2024 et 2025, et celles aux particuliers reculent encore de 8,6 %, sur fond d’effondrement de l’investissement locatif.

Dans le non résidentiel, la tendance reste positive mais hésitante : les surfaces commencées gagnent +13,8 % sur un an, tandis que les surfaces autorisées ne progressent que de +3,5 %.

Les bureaux, les bâtiments industriels et les hébergements hôteliers sont particulièrement touchés, avec des reculs respectifs de –10,8 %, –13,7 % et –15,4 %. Le redressement existe donc, mais il part d’un socle très affaibli et reste exposé à la conjoncture du crédit et aux politiques publiques d’investissement.

L’entretien-rénovation décroche encore

C’est le maillon faible du secteur. Alors que la construction neuve remonte, l’entretien-rénovation poursuit son décrochage, amorcé fin 2024. Sur un an, l’activité recule de –1,2 % en volume et la rénovation énergétique de –1,1 %.

Le logement se contracte de –1,4 %, et le non résidentiel de –0,6 %. En cause : une conjoncture de ménages encore prudents, freinés par la hausse des prix et la difficulté à financer les travaux, malgré un marché du crédit légèrement plus fluide.

Cette tendance questionne la dynamique de la transition énergétique. Les dispositifs d’aide, comme MaPrimeRénov’ ou les CEE, peinent à compenser la baisse du pouvoir d’achat et les coûts élevés des matériaux.

Le document note sobrement que « la véritable sortie de crise reste lointaine », rappelant que la relance de la rénovation énergétique sera déterminante pour la croissance du secteur en 2026.

Emploi et production : un moteur sous régime

Le bâtiment redémarre, mais son appareil productif reste fragile. En glissement annuel, l’emploi salarié recule encore de 1,7 %, et l’intérim chute de 5,6 %, soit une perte nette de 26 000 postes entre les deuxièmes trimestres 2024 et 2025, dont plus de 20 000 salariés permanents.

Si les créations d’entreprises se stabilisent (+0,4 %), les défaillances diminuent légèrement (–1,6 %), traduisant une forme de résistance des acteurs du secteur.

Les carnets de commandes s’établissent à 6,5 mois à fin octobre, un niveau correct mais insuffisant pour envisager une relance durable.

En parallèle, la hausse du PIB national (+0,5 % au troisième trimestre) et la faible inflation (+1,0 % sur un an en octobre) offrent un contexte plus respirable, mais sans effet décisif sur l’emploi.

Le tissu entrepreneurial reste déséquilibré : les grandes entreprises tirent l’activité, tandis que les TPE, plus dépendantes du marché de la rénovation et de la commande privée, subissent de plein fouet le ralentissement.

Le marché de la main-d’œuvre qualifiée demeure tendu, accentuant la pression sur les coûts de production.

Marges et trésorerie : le nerf de la guerre

Sur le plan économique, la reprise s’accompagne d’un effet de ciseau particulièrement pénalisant.

Les coûts de production dans le bâtiment augmentent de +1,5 % sur un an, principalement en raison des salaires (+2,6 %), tandis que les prix reculent de –1,7 %. Résultat : le taux de marge opérationnelle du secteur tombe à 23,0 %, en baisse de 0,3 point sur un an.

L’opinion des chefs d’entreprise sur leur trésorerie se dégrade également : elle « bascule en territoire légèrement négatif » au troisième trimestre, selon le document.

Ce recul témoigne d’un affaiblissement structurel, alors que les entreprises peinent à répercuter leurs hausses de coûts sur leurs prix de vente.

La légère détente du crédit immobilier – taux moyen à 3,09 %, durée à 250 mois – ne suffit pas à restaurer la confiance, d’autant que la hausse du taux de l’OAT à dix ans laisse présager un durcissement à venir des conditions de financement.

Cette fragilité financière limite les marges de manœuvre pour l’investissement, notamment dans les chantiers de décarbonation, la formation et la montée en compétence des équipes.


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