Selon le livrable final publié en janvier 2025 par le bureau d’études Équinoxe pour le CAUE de Guadeloupe, dans le cadre du programme interrégional OMBREE – Écoles Durables Tropicales, la totalité des écoles sondées en Guadeloupe et en Martinique affirment souffrir d’un inconfort thermique persistant. Ce constat chiffré met en lumière un enjeu structurel pour le bâti scolaire tropical.
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Des écoles en première ligne face au climat tropical
Dans un contexte de hausse des températures et d’épisodes climatiques plus extrêmes, les établissements d’enseignement des Antilles figurent parmi les plus exposés.
L’étude commandée par le CAUE de Guadeloupe, associée aux CAUE de La Réunion, Mayotte, Martinique et à l’association AQUAA en Guyane, prolonge l’expérience réunionnaise des « Écoles Durables ». Elle dresse un état des lieux précis : 285 écoles publiques en Guadeloupe et 207 en Martinique forment un parc vieillissant, souvent inadapté aux conditions tropicales.
Sur les 450 établissements sollicités, 66 réponses ont été recueillies (15 % du total). Ce panel, complété par la visite d’une quinzaine d’écoles, révèle une réalité homogène : 100 % des participants signalent un inconfort thermique, dont plus de la moitié « en permanence ».
Des bâtiments peu adaptés aux réalités du climat
Les équipes d’Équinoxe ont identifié 3 grandes typologies de bâti :
- les bâtiments anciens de plain-pied,
- les structures béton en R+1 ou R+2,
- les constructions récentes (après 2000).
Dans les faits, les différences sont minces : absence d’isolation, toitures en tôle surchauffées, façades sombres et cours bétonnées caractérisent la majorité des sites.
Près de deux tiers des apports de chaleur proviennent des toitures non isolées, directement exposées au rayonnement solaire. Dans la plupart des écoles, la température intérieure dépasse largement les seuils de confort ; certaines directions constatent des variations allant jusqu’à +4 °C selon l’exposition ou la présence d’arbres.
La ventilation naturelle, pourtant adaptée au climat tropical, est freinée par la vétusté des jalousies, souvent bloquées ou inutilisables. Ce manque de porosité accentue la chaleur intérieure. L’étude souligne aussi un effet d’îlot de chaleur urbain marqué dans les écoles de centre-ville, où les surfaces minérales dominent et où la circulation d’air est obstruée par les immeubles alentour.
Des usages aggravant l’inconfort
Au-delà du bâti, les pratiques contribuent au déséquilibre thermique. Les ventilateurs muraux, trop bruyants ou mal positionnés, sont peu utilisés. Les vidéoprojecteurs chauffent les classes fermées pour l’obscurité. Et, dans certains cas, des climatiseurs individuels ont été installés sans adaptation du bâti : menuiseries non étanches, absence de renouvellement d’air, entretien aléatoire.
Résultat ? Un système énergivore et inefficace, source de coûts élevés pour les communes et de dégradation sanitaire (moisissures, air confiné). Comme le rappelle l’étude, la climatisation massive irait à l’encontre des objectifs d’adaptation et alourdirait l’empreinte carbone d’un secteur déjà sous tension énergétique.
Deux leviers prioritaires pour un impact rapide
Face à ce diagnostic, le rapport met en avant deux leviers majeurs à court terme :
- Généraliser les brasseurs d’air plafonniers – Une alternative sobre et efficace aux ventilateurs muraux. Leur diffusion homogène de l’air crée une sensation de fraîcheur sans bruit ni turbulence excessive. Les aides du programme EDF AGIR PLUS financent leur installation à hauteur de 120 € par équipement.
- Végétaliser les cours et abords – Un moyen de réduire la température de 2 à 4 °C localement, tout en améliorant le cadre de vie. L’étude liste des essences adaptées : Ravenala madagascariensis (arbre du voyageur), Albizia lebbeck (acacia langue de femme), Delonix regia (flamboyant rouge) ou Vetiver zizanioides. Ces plantations agissent comme des écrans solaires naturels et favorisent la biodiversité.
Ces mesures, simples à déployer, pourraient améliorer rapidement le confort de près de 100 000 usagers (élèves, enseignants et agents) répartis dans 66 communes des Antilles.
Des financements mobilisables pour les communes
Trois dispositifs majeurs soutiennent la mise en œuvre de ces actions :
- Le cadre de compensation EDF AGIR PLUS, qui prend en charge isolation, protections solaires et brasseurs d’air.
- Le Fonds Vert, doté d’une enveloppe de 500 millions d’euros pour la rénovation de 10 000 écoles d’ici 2027, désormais ouvert aux travaux d’amélioration du confort d’été.
- Le FEDER, qui peut couvrir jusqu’à 85 % des dépenses éligibles dans les régions ultrapériphériques comme la Guadeloupe et la Martinique.
Ces leviers, combinables sous conditions, offrent un cadre financier robuste pour des rénovations rapides et ciblées.
Vers une approche coordonnée du confort scolaire
L’étude conclut que la réussite de cette transformation dépendra avant tout d’une coordination entre les 66 communes maîtres d’ouvrage et d’une planification concertée. Le potentiel d’amélioration est immense : chaque action, même modeste, contribue à réduire la température ressentie et à rendre les écoles plus résilientes face au climat tropical.
Les conclusions rejoignent un message clair : refroidir sans climatiser n’est pas une utopie, mais une stratégie réaliste fondée sur l’intelligence bioclimatique et la gestion végétale. En Guadeloupe comme en Martinique, les cours d’école peuvent devenir les premières vitrines d’une adaptation durable, au service du confort et de l’apprentissage.

Consulter le livrable final de l’étude « Confort thermique dans les écoles de Guadeloupe et de Martinique »









