La Guadeloupe connaît un trimestre de contrastes. D’après le Tableau de bord conjoncturel de la CCI des Îles de Guadeloupe, le deuxième trimestre 2025 signe « des signaux de reprise, mais aussi des fragilités persistantes ». L’activité reprend, le moral des entreprises s’améliore, et la création d’établissements bondit. Mais sous cette dynamique se dessine une économie encore vulnérable : chômage en hausse, défaillances d’entreprises en progression et prudence dans la construction.
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Une reprise portée par l’esprit d’entreprise
Après un premier trimestre en demi-teinte, le territoire retrouve de l’élan. La dynamique entrepreneuriale affiche une hausse spectaculaire de 41 % : 1 775 créations nettes d’établissements ont été enregistrées fin juin, contre 1 265 trois mois plus tôt.
Sur un an, la progression atteint 54 %. Ce rebond confirme la vitalité du tissu local et traduit une réelle confiance retrouvée des acteurs économiques.
Le climat des affaires suit la même trajectoire. L’indice, mesuré par l’IEDOM, grimpe à 105,1 points, soit +3,3 points sur un trimestre.
Ce niveau met fin à la baisse observée au début de l’année et reflète « une amélioration du moral des chefs d’entreprise, soutenu par une meilleure trésorerie et une réduction des délais de paiement ».
Les chefs d’entreprise recommencent à investir, encouragés par une politique monétaire plus souple.
Les taux des crédits à l’investissement continuent en effet de baisser : 3,5 % pour l’immobilier (–0,4 point) et 4,0 % pour l’équipement (–0,3 point). Cette détente, favorisée par la concurrence bancaire locale, redonne de l’air aux porteurs de projets.
Dans un environnement encore incertain, ces indicateurs traduisent une volonté de relancer l’activité productive, notamment dans les secteurs du commerce et des services.
Sous la surface, des fragilités économiques persistantes
Pourtant, derrière ces signaux positifs, la situation reste fragile. Le taux de défaillances d’entreprises repart à la hausse : 416 procédures recensées fin juin, soit +2 % sur le trimestre et +29 % sur un an.
Ce niveau reste élevé pour une économie insulaire, particulièrement exposée aux fluctuations de trésorerie. Le taux d’impayés moyen grimpe à 7,4 %, contre 5,1 % trois mois plus tôt — une hausse qui « souligne des problèmes de trésorerie majeurs au sein des entreprises, mais aussi une dégradation du tissu économique ».
Le marché du travail, lui, reste sous tension. Le taux de chômage atteint 16,6 %, en hausse de près d’un point sur le trimestre.
En parallèle, le nombre de demandeurs d’emploi baisse légèrement (–3,7 %), une évolution en partie liée à de nouvelles méthodes de calcul et à l’application du décret France Travail n°2025-478 entré en vigueur le 1er juin 2025.
Le nombre de postes salariés privés recule encore (–0,3 %), notamment dans la construction, qui perd 107 emplois en trois mois.
Cette dissymétrie entre dynamisme entrepreneurial et fragilité de l’emploi révèle un paradoxe : la création d’entreprises ne suffit pas à créer de la stabilité. L’économie guadeloupéenne reste dépendante de secteurs sensibles — commerce, hôtellerie, services — où les marges demeurent étroites et la trésorerie précaire.
Le bâtiment marque le pas
Le secteur de la construction, traditionnel moteur de l’économie locale, confirme sa fragilité.
Les surfaces de locaux commencés progressent légèrement à 34 857 m² (+2,1 %), mais les autorisations chutent à 97 479 m² (–22,7 %). Le contraste est encore plus net sur le logement : 1 800 unités commencées (–5,3 %) et 2 000 autorisées (–9,1 %).
Cette baisse traduit une prudence des promoteurs, confrontés à un environnement financier serré et à des coûts de production toujours élevés. Depuis fin 2024, l’écart s’est creusé entre les projets autorisés et les chantiers effectivement lancés.
Autrement dit, la volonté de construire ne manque pas, mais les conditions pour agir — financement, main-d’œuvre, délais — restent contraignantes.
Ce ralentissement du BTP est un signal à ne pas sous-estimer. Il agit comme un baromètre de la confiance économique locale : quand les grues se font rares, c’est souvent que les investisseurs attendent d’y voir plus clair.
Crédits, prix et conjoncture : un équilibre fragile
Les signes de détente monétaire sont réels, mais ils ne garantissent pas un redémarrage durable. Si les taux à l’investissement baissent, les crédits de trésorerie restent volatils : le taux moyen des découverts grimpe à 9,6 % (+1,1 point), tandis que celui des crédits échéancés chute à 4,8 % (–3,2 points).
Ce contraste illustre la dualité du moment : une liquidité accrue pour l’investissement à long terme, mais des tensions de court terme qui persistent.
Côté prix, la Guadeloupe bénéficie d’une inflation quasi stable : l’indice des prix à la consommation progresse de 0,1 % sur le trimestre et de 1,1 point sur un an. Le recul du coût de l’énergie (–2,3 %) compense la légère hausse de l’alimentation (+0,6 %).
Cependant, les carburants évoluent de manière opposée : sans-plomb +1,1 % (1,83 €/l) et gazole –1,8 % (1,71 €/l).
Ces fluctuations, explique la Préfecture, restent « fortement liées à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine », qui pèse sur la demande mondiale de pétrole brut.
L’ensemble dessine un paysage ambivalent : la stabilité des prix et la baisse des taux soutiennent la reprise, mais la fragilité du crédit court terme et le ralentissement du bâtiment montrent que la relance reste précaire.

Le deuxième trimestre 2025 marque une étape charnière. La Guadeloupe entrevoit les effets d’une relance, mais sur un socle encore fragile. L’entrepreneuriat progresse, la confiance revient, tandis que l’emploi et la construction peinent à suivre. Comme le résume la CCI, la conjoncture « présente des tendances contrastées, marquée par des signaux de reprise, mais aussi par des fragilités persistantes ». Le troisième trimestre dira si cette reprise peut s’enraciner ou si elle butera, une fois encore, sur les limites structurelles d’une économie insulaire.









