Le groupe Citadelle a présenté, le 16 octobre 2025, son Livre blanc de la mobilité durable en Martinique, élaboré avec le concours du cabinet Tabga et de plusieurs réseaux économiques. Ce document identifie quinze leviers d’action pour réduire les émissions de CO₂ du secteur des transports, qui représentent plus de 50 % des rejets du territoire, tout en renforçant la compétitivité des entreprises. L’initiative s’inscrit dans une démarche collective réunissant entreprises et acteurs publics autour d’un même objectif : transformer la contrainte carbone en moteur de développement.
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La mobilité, un enjeu vital pour l’économie insulaire
Dans un territoire où la dépendance énergétique reste forte, la mobilité façonne la vie quotidienne autant qu’elle conditionne la vitalité économique. « La mobilité, c’est la vie », rappelait Matthieu Bergot (cabinet Tabga) lors de la conférence de présentation.
Chaque déplacement, qu’il soit personnel ou professionnel, repose encore majoritairement sur les énergies fossiles importées, sources de vulnérabilité et de surcoûts.
Selon Citadelle, la mobilité pèse désormais plus de 20 % du budget des ménages, un taux supérieur à la moyenne nationale. Et les perspectives sont préoccupantes : raréfaction du pétrole, hausse des coûts logistiques, prix élevé des véhicules électriques (environ 40 % plus chers sans subvention). Sans inflexion rapide, la Martinique risque de se retrouver enfermée dans une mobilité structurellement chère, où seuls les plus aisés pourront se déplacer aisément.
Cette situation, soulignent les intervenants, menace directement la compétitivité du tissu économique local. Le Livre blanc appelle donc à une mobilisation collective et à une refonte complète du modèle de déplacement.
Une démarche collective et pragmatique
Le Livre blanc est né d’une démarche de terrain. Dès 2022, Citadelle s’est engagée dans la réalisation d’un bilan carbone complet (Scopes 1, 2 et 3), révélant que 97 % des émissions provenaient de la chaîne de valeur indirecte — production, transport, usage des véhicules vendus, etc.
Ce constat a mené à la création du CERCLE Collège d’Entreprises Résilience Climat Énergie, un espace d’échanges réunissant des entreprises de secteurs variés autour des questions de mobilité et d’énergie.
Pendant plusieurs mois, ces acteurs ont travaillé ensemble, parfois entre concurrents, pour identifier les freins et les solutions concrètes. Le résultat : un document de référence, Feuille de routes, élaboré avec le concours de l’agence de communication Avast Publicis, qui propose des pistes d’action hiérarchisées, réalistes et adaptées au contexte insulaire.
L’objectif n’est pas de dicter une politique, mais d’offrir des outils de décision. « Rien n’est écrit d’avance », rappellent les auteurs, mais des actions urgentes doivent être décidées sans attendre.
15 leviers pour repenser la mobilité martiniquaise
Au cœur du Livre blanc, quinze propositions structurent la réflexion. Elles forment une feuille de route pragmatique et cohérente, mêlant innovation, gouvernance et transition énergétique.
- Encourager le covoiturage massif pour réduire la dépendance automobile individuelle.
- Créer un réseau de “taxis-co” nouvelle génération, flexibles et connectés.
- Former à l’éco-conduite pour améliorer la sécurité et diminuer les consommations.
- Lancer un choc de mobilité douce, avec un réseau sécurisé de pistes cyclables.
- Évaluer l’impact du TCSP avant toute extension, via un moratoire.
- Adapter la réglementation européenne Fit for 55 aux réalités insulaires.
- Revoir la PPE et suspendre le projet de biofuels à Bellefontaine.
- Développer massivement le solaire résidentiel et le stockage local.
- Anticiper le recyclage des batteries et encourager la recherche de solutions alternatives.
- Valoriser les ressources locales (déchets, sargasses, biomasse) pour produire de l’énergie.
- Activer l’ensemble des leviers énergétiques de décarbonation.
- Mettre en place une veille technologique sur le stockage et les innovations propres.
- Faire de l’autonomie énergétique un levier de développement économique.
- Réformer la fiscalité énergétique pour la rendre plus incitative et équitable.
- Créer un comité stratégique territorial réunissant État, CTM et entreprises autour d’une gouvernance partagée.
Ces 15 orientations traduisent une ambition claire : préparer la Martinique de 2030, où mobilité durable et performance économique avancent de concert.
Une feuille de route pour revitaliser l’économie martiniquaise
L’ambition du Livre blanc dépasse la seule question du transport. Il s’agit d’un projet de société, ancré dans une logique de résilience et d’autonomie. En créant de nouveaux modèles économiques autour de l’énergie et de la mobilité, la Martinique pourrait réduire son déficit commercial, créer des emplois durables et favoriser l’innovation locale.
« On s’est dit qu’il fallait mesurer pour comprendre, comprendre pour agir. C’est [] la devise », souligne Matthieu Bergot.
Les entreprises, assure-t-elle, sont prêtes à faire. Elles disposent des compétences, des solutions et d’une réelle volonté d’agir, mais appellent à une gouvernance ouverte et à des décisions rapides.