L’automne 2025 apporte enfin un souffle d’optimisme au secteur du bâtiment : le neuf repart, les taux immobiliers se stabilisent et les carnets de commandes se remplissent. Mais derrière ces signaux encourageants, la reprise reste fragile. Les coûts de production grimpent, les marges se contractent et la rénovation énergétique s’essouffle. Le document « Tendances récentes du bâtiment – octobre 2025 » le résume : « la reprise semble se confirmer dans l’ensemble du neuf, mais elle part de très bas niveaux et demeure fragile. »
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Le neuf reprend des couleurs, mais reste dépendant des aides
Avec +17,5 % de mises en chantier et +28,7 % de permis de construire en glissement annuel à fin août 2025, la construction neuve signe un rebond solide après deux années de baisse. Les deux segments — individuel et collectif — participent au mouvement, mais pas de la même manière.
Le redressement de l’individuel s’explique d’abord par la réouverture du Prêt à Taux Zéro (PTZ) dans les zones B2 et C, qui soutient la demande des ménages et redonne de l’air aux constructeurs. Les ventes dans le diffus progressent ainsi de +41,1 %.
Cette embellie ne masque pas la vulnérabilité du collectif. Le contrecoup du plan de relance 2024 d’Action Logement et de CDC Habitat se fait sentir : les ventes aux investisseurs institutionnels chutent de 25,6 % en un an, sans relais du côté des particuliers (–8,6 %).
L’investissement locatif, divisé par deux, pèse lourdement sur le marché. En clair, la dynamique repose davantage sur des mesures conjoncturelles que sur un véritable redressement structurel. Si le PTZ venait à se refermer, la reprise risquerait d’être de courte durée.
Non résidentiel : un réveil timide mais réel
Du côté du non résidentiel, la situation se redresse doucement. Les surfaces commencées progressent de 7,8 % entre juin et août 2025, mais les autorisations stagnent à +0,1 %. La reprise, bien que timide, reste notable dans un contexte de contraintes budgétaires des collectivités.
Les bâtiments administratifs reculent, mais les programmes liés à la logistique et aux activités tertiaires regagnent du terrain. Cette configuration traduit un retour progressif de l’investissement privé, plus réactif que la commande publique.
Le secteur reprend donc, mais sans véritable élan, une forme de reprise « sans excès », où chaque projet reste finement calibré.
Pour autant, le climat général change. Les chefs d’entreprise évoquent une stabilisation de la demande et une visibilité accrue sur les carnets, évalués à 6,4 mois à fin septembre 2025. Un signe encourageant, même s’il ne suffit pas encore à compenser les pertes accumulées depuis 2023.
L’entretien et la rénovation énergétique décrochent
Le paradoxe du moment tient à la divergence entre neuf et rénovation. Alors que la construction redémarre, le secteur de l’amélioration-entretien reste en repli : –0,9 % en volume entre les deuxièmes trimestres 2024 et 2025.
Le recul est plus marqué dans le logement (–1,0 %) que dans le non résidentiel (–0,6 %). Et la situation est encore plus préoccupante pour la rénovation énergétique, dont l’activité chute de –1,6 %, emportée par le logement (–2,1 %).
Le document souligne que « la baisse d’activité en amélioration-entretien amorcée fin 2024 reste d’actualité », un constat amer dans un contexte où la transition écologique suppose au contraire un effort massif sur le parc existant.
Ce repli révèle un déséquilibre persistant : les aides et incitations fiscales profitent davantage à la construction neuve qu’à la rénovation. Les ménages arbitrent en faveur de l’achat plutôt que de l’amélioration, malgré les impératifs climatiques.
Un signal faible qui risque de se transformer en frein structurel si la rénovation énergétique ne retrouve pas rapidement un second souffle.
Un effet de ciseau qui pèse sur les marges
Sur le plan financier, les tensions demeurent fortes. Les coûts de production dans le bâtiment ont progressé de +1,5 % sur un an, tirés par la hausse des salaires (+2,6 %), alors que les prix ont reculé de –1,7 %. Cet effet de ciseau, durablement installé depuis 2023, érode la rentabilité du secteur.
Le taux de marge opérationnelle, à 23 %, perd encore 0,3 point sur un an. Les trésoreries restent stables, mais sans amélioration notable. Les entreprises parviennent à maintenir leur activité grâce à la modération des défaillances (–4,1 %), mais la faiblesse des prix compromet tout gain de productivité.
Ce déséquilibre entre coûts et prix illustre une tension plus large : celle d’un secteur qui absorbe l’inflation salariale et la hausse du coût des matériaux sans pouvoir les répercuter sur ses clients. L’appareil de production résiste, mais au prix d’une érosion silencieuse des marges.
Emploi et entreprises : un redressement encore différé
Malgré le rebond du neuf, le marché du travail reste sous pression. L’emploi salarié du bâtiment recule de 1,7 % sur un an, l’intérim de 5,6 %, soit environ 26 000 postes perdus entre les deuxièmes trimestres 2024 et 2025.
La tendance s’explique autant par la lenteur du redémarrage que par la prudence des entreprises. L’embauche reste limitée, faute de visibilité sur les carnets et sur la rentabilité.
Pourtant, la situation entrepreneuriale s’améliore légèrement. Les défaillances continuent de reculer (–4,1 %), tandis que les créations d’entreprises hors micro-entrepreneurs ne fléchissent que de –6,3 % à fin août.
Le tissu productif se maintient, mais sans expansion. Le rebond de l’activité ne s’accompagne donc pas encore d’une reconstruction de l’emploi, preuve que la reprise reste avant tout statistique.