En 2024, les énergies renouvelables ont atteint un jalon symbolique : elles deviennent la troisième source d’énergie primaire consommée en France, derrière le nucléaire et les produits pétroliers, mais désormais devant le gaz naturel. Le ministère de la Transition écologique, à travers son Service des données et études statistiques (SDES), a publié le 29 septembre 2025 les chiffres-clés de cette évolution, révélant une décennie de transformation rapide… mais encore inachevée.
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Dix ans de mutation énergétique
Entre 2012 et 2024, la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique français est passée de 9,6 % à 15,8 %. En 2007, la production primaire s’élevait à 196 TWh ; dix-sept ans plus tard, elle atteint 381 TWh. Autrement dit, la production a presque doublé en moins de deux décennies.
Cette progression n’est pas le fruit du hasard : elle découle du déploiement intensif des filières émergentes – éolien, photovoltaïque, biogaz, pompes à chaleur – qui représentent aujourd’hui 38 % de la production primaire d’énergies renouvelables, contre seulement 8 % en 2007.
Le paysage énergétique s’est donc profondément recomposé. Les deux piliers historiques, le bois-énergie et l’hydraulique, dominaient autrefois 77 % de la production renouvelable (en 2005). En 2024, leur part est tombée à 49 %.
Le mouvement est clair : la France entre dans une phase de diversification technologique où la production d’énergie propre ne se résume plus à ses filières traditionnelles.
Un mix en recomposition : gagnants et perdants de 2024
L’année 2024 illustre bien la volatilité du mix renouvelable. La production globale a progressé de 3,5 % sur un an, soutenue par des conditions météorologiques favorables – pluviométrie abondante, fort ensoleillement – et par la dynamique des filières électriques.
L’hydraulique affiche une hausse spectaculaire de +26,8 %, retrouvant son rôle de pilier du système électrique en période humide. Le biogaz poursuit sa montée avec +10,3 %, tandis que le photovoltaïque progresse de +8,3 %, porté par la massification des installations et la baisse des coûts de production.
En revanche, l’éolien subit une contre-performance notable (–8,3 %), conséquence directe d’une année moins ventée que 2023. Au-delà de la météo, cette baisse interroge sur la capacité à stabiliser la production dans un contexte d’acceptabilité sociale et de contraintes de raccordement.
Le message du SDES est limpide : les filières montent en puissance, mais la cohérence du système reste fragile.
23 % d’énergies renouvelables : un cap intermédiaire, pas une arrivée
En 2024, la consommation finale brute d’énergie (CFBE) issue des renouvelables atteint 23 %. C’est un seuil symbolique, mais encore loin des ambitions fixées pour la fin de la décennie.
Ce taux inclut non seulement l’énergie consommée par les ménages, les industries et l’agriculture, mais aussi les pertes de réseau et l’énergie utilisée pour produire électricité ou chaleur.
Avec cette part, la France se classe 15e sur 27 au sein de l’Union européenne – juste devant l’Allemagne – tout en demeurant le deuxième producteur primaire d’énergies renouvelables en Europe, derrière son voisin.
Elle occupe le premier rang pour les pompes à chaleur et le second pour l’hydroélectricité, la biomasse solide, la géothermie et les déchets renouvelables. Ces résultats traduisent un savoir-faire industriel solide, mais une consommation finale encore trop dépendante des énergies fossiles.
Objectifs 2030 : la marche reste haute
Les ambitions sont connues, mais leur concrétisation tarde. La loi Énergie-Climat de 2019 fixe l’objectif de 33 % d’énergies renouvelables dans la CFBE d’ici 2030. À l’échelle européenne, la directive RED III, entrée en vigueur en novembre 2023, a relevé la barre à 42,5 % pour l’ensemble des États membres.
Autrement dit, il faudra gagner 10 points en six ans pour respecter la cible française, et près de 20 points pour s’aligner sur l’ambition européenne.
Ce décalage ne tient pas qu’à la lenteur administrative : il résulte aussi de la complexité du système énergétique français. Malgré la croissance rapide des filières électriques, la France reste marquée par un poids élevé du nucléaire et des retards dans les secteurs de la chaleur et du transport.
Le SDES le rappelle en creux : la dynamique actuelle est réelle, mais le rythme d’accélération devra être sans précédent.
Planifier pour agir : la future PPE au centre du jeu
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en cours d’actualisation, sera la pierre angulaire de cette accélération. Elle devra établir des trajectoires concrètes par filière et résoudre plusieurs verrous : saturation des réseaux, financement des infrastructures, gestion du stockage, formation des compétences.
Pour la filière BTP, ces choix se traduiront directement en chantiers d’adaptation, qu’il s’agisse d’intégrer davantage de solaire dans le bâti, de développer la géothermie ou d’optimiser la production de chaleur renouvelable dans les réseaux urbains.
Les territoires ultramarins, souvent pionniers dans ces transitions, pourraient d’ailleurs servir de laboratoires d’innovation énergétique.
Source : Service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique