GUADELOUPE. Logements en hausse, locaux en berne – un BTP sous tension au 1er trimestre 2025

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BTP Guadeloupe

Le premier trimestre 2025 offre un tableau contrasté pour la construction guadeloupéenne. Alors que les logements recommencent timidement à sortir de terre, les locaux professionnels plongent à leur plus bas niveau depuis deux ans. Cette évolution, relevée par le tableau de bord conjoncturel de la CCI des Îles de Guadeloupe, illustre la fragilité d’un secteur qui oscille entre reprise partielle et essoufflement économique.

Une reprise du logement tirée par les projets en attente

Les chiffres du trimestre confirment un léger redémarrage du logement. 1 900 unités ont été commencées, soit une hausse de 5,6 % par rapport à la fin 2024.

Cette progression contraste avec la stabilité des 2 200 logements autorisés, un volume inchangé depuis décembre. Sur un an, les autorisations reculent de 18,5 %, signe que les nouvelles initiatives demeurent rares.

Ce sursaut s’explique surtout par la mise en œuvre de projets déjà validés, plus que par un regain d’investissement. Le rapport de la CCI-IG souligne que « la hausse des logements commencés suggère un redémarrage progressif de l’activité sur la base de projets déjà validés ».

En d’autres termes, la dynamique actuelle repose sur des opérations amorcées fin 2024, dans un climat où la prudence reste de mise.

Pour les acteurs du logement, cette reprise technique masque une réalité plus complexe : des coûts de construction élevés, une demande persistante, mais freinée par le foncier et un accès au financement de plus en plus contraint.

Si le secteur social et les dispositifs publics continuent de jouer un rôle d’amortisseur, les opérateurs privés avancent à pas comptés, redoutant un retournement du marché.

Les locaux en chute libre : la crise de l’investissement productif

Le contraste est saisissant. Les surfaces de locaux commencés s’effondrent de 28,7 % en trois mois et de près de 40 % sur un an, à seulement 34 147 m². Dans le même temps, les autorisations progressent de 10,5 %, à 126 134 m². Ce décalage entre volonté de construire et capacité réelle à lancer les chantiers témoigne d’une crise de confiance.

Selon la CCI-IG, « depuis le trimestre dernier, une évolution inverse s’opère entre les autorisations et les chantiers commencés ». Ce constat traduit un désalignement entre l’intention et la réalisation. Les projets existent, mais les conditions financières et techniques ne suivent plus.

Plusieurs facteurs expliquent ce blocage : le renchérissement des crédits de trésorerie, la montée des impayés sociaux, la baisse de la demande des entreprises, et la fin progressive des aides publiques mises en place après la crise sanitaire.

La conjonction de ces éléments gèle l’investissement productif, surtout dans les zones d’activités et le petit tertiaire. Les entreprises du bâtiment, déjà fragilisées par la hausse des charges et la baisse des marges, voient leur carnet de commandes se contracter.

Un secteur sous tension : trésorerie fragile et emploi en recul

Le ralentissement des chantiers s’accompagne d’un essoufflement de l’emploi. Le secteur de la construction perd 103 emplois sur le trimestre, soit 373 sur un an. Ce recul pèse sur l’ensemble du marché du travail, dans un contexte où le taux de chômage reste élevé à 15,7 %.

Parallèlement, la situation de trésorerie se dégrade. Le taux d’impayés URSSAF atteint 5,1 %, en hausse de 0,8 point sur le trimestre. Le rapport note que « cette augmentation du taux d’impayés traduit une fragilisation du tissu entrepreneurial, qui caractérise des tensions de trésorerie au sein des entreprises ».

Les banques, elles, se montrent plus prudentes. Les crédits de trésorerie à échéance grimpent à 8,0 % (+3,7 pts), tandis que les découverts atteignent 8,5 % (+2,1 pts). Les crédits à l’investissement évoluent en ordre dispersé : 3,9 % pour l’immobilier (–0,8 pt) et 4,3 % pour les équipements (+1,1 pt).

Ces fluctuations traduisent une incertitude durable. Les entreprises se financent plus cher, et celles qui misaient sur la relance publique ou sur les grands chantiers privés attendent des signaux de reprise.

La conséquence est immédiate : un ralentissement du tissu entrepreneurial. Les créations nettes d’établissements chutent de 6,3 %, alors que les défaillances progressent de 19 %, atteignant 408 entreprises.

Inflation, carburants et coûts importés : la triple pression

À ces difficultés s’ajoute une pression inflationniste persistante. L’indice des prix à la consommation augmente de 0,9 point sur le trimestre et de 5,6 points sur un an. Les carburants repartent nettement à la hausse : 1,81 €/L pour le sans-plomb (+1,7 %) et 1,74 €/L pour le gazole (+5,5 %).

Dans un territoire où les matériaux, le matériel et l’énergie sont presque entièrement importés, chaque hausse mondiale a un effet démultiplié. Les coûts de fret, la dépendance au pétrole et la faiblesse de la concurrence logistique font grimper la facture finale des chantiers.

La CCI-IG rappelle que « ce retour de la pression sur les prix pourrait accentuer les tensions sur le pouvoir d’achat des ménages, diminuant leur consommation et détériorant l’activité économique ».

Cette spirale touche aussi les entreprises du BTP : le transport des matériaux devient plus coûteux, les marges se resserrent, et les délais d’exécution s’allongent. Dans un marché déjà contraint, chaque point d’inflation supplémentaire réduit la capacité à investir.

Entre prudence et attente : un secteur suspendu à la relance

Le climat des affaires, mesuré à 101,8 points (–0,8 pt), illustre la perte de confiance progressive des chefs d’entreprise. La fin des aides publiques et le durcissement des conditions de financement entretiennent un climat d’attentisme. Les investisseurs hésitent, les promoteurs temporisent, les collectivités réévaluent leurs plans.

Le BTP guadeloupéen reste pourtant un pilier de l’économie locale : chaque ralentissement se répercute sur l’emploi, la consommation et la commande publique.

Le redémarrage du logement, bien que modeste, prouve qu’une dynamique existe encore — mais elle repose sur un équilibre fragile entre volonté et moyens.

Les prochains mois seront décisifs. Si la commande publique — notamment via le logement social, les opérations d’aménagement et le Fonds vert — reprend le relais, la filière pourrait retrouver de l’élan. À défaut, la baisse des chantiers de locaux et la fragilité des trésoreries pourraient durablement freiner la relance.


BTP Guadeloupe

Source : CCI des Îles de Guadeloupe – Tableau de bord conjoncturel de la Guadeloupe au 1er trimestre 2025


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