Dans les zones tropicales, les termites représentent un défi permanent pour le secteur du bâtiment. Leur capacité à s’attaquer discrètement aux structures fragilise durablement le patrimoine. À La Réunion, où la pression est particulièrement forte, les traitements chimiques classiques atteignent parfois leurs limites. C’est dans ce contexte qu’une étude menée par l’ORLAT, le CIRBAT et le Groupe Berkem a testé une solution originale : des extraits végétaux riches en polyphénols, capables de piéger les colonies sans perturber leur comportement alimentaire.
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Pourquoi chercher une alternative aux produits chimiques ?
Jusqu’ici, les solutions reposaient sur l’usage de molécules chimiques comme le fipronil ou l’hexaflumuron, largement utilisées dans les systèmes d’appâts et de barrières liquides. Pourtant, leur efficacité s’est révélée inégale. Certains sites traités avec ces produits ont vu les colonies persister, voire se renforcer, rendant les interventions coûteuses et répétitives.
À cela s’ajoutent des préoccupations environnementales : résidus dans les sols, risques pour la biodiversité et exposition pour les habitants. Autant de raisons qui poussent chercheurs et praticiens à explorer des alternatives durables, mieux adaptées aux réalités des zones tropicales.
Des essais en laboratoire concluants
Les premiers tests se sont déroulés en laboratoire, dans des conditions proches du climat tropical : 28 °C et 80 % d’humidité. L’espèce étudiée, Coptotermes gestroi, figure parmi les plus destructrices. Les termites ont été placés sur des supports cellulosiques imprégnés d’extraits polyphénoliques développés par le Groupe Berkem.
Deux types d’expériences ont été menés :
- un test sans choix, avec 100 termites exposés uniquement à l’extrait
- un test avec choix, impliquant 500 termites.
Dans les deux cas, les insectes ont consommé les substrats sans méfiance, signe que les extraits ne sont pas répulsifs. Les premiers décès sont apparus dès deux à trois jours autour des zones consommées. La mortalité devient significative en moyenne après 11 jours et atteint 100 % en 44 jours.
Par comparaison, l’hexaflumuron, utilisé comme référence, nécessite environ 22 jours pour marquer une différence et bien plus longtemps pour une éradication complète. Ces résultats placent les extraits végétaux au-dessus des solutions chimiques de référence, tout en offrant un mode d’action plus respectueux de l’environnement.
La validation sur le terrain à La Réunion
Après le succès en laboratoire, la recherche s’est déplacée sur le terrain. Trois sites ont servi de cadre d’expérimentation, chacun confronté à des infestations persistantes malgré des traitements classiques.
À Saint-Denis, un site précédemment traité avec du fipronil et des appâts à base d’hexaflumuron, les chercheurs ont installé 13 stations enterrées (IG) et une station hors-sol (AG). Deux mois après l’installation, les termites s’étaient connectés aux appâts. Dix-huit mois plus tard, la colonie était totalement éradiquée, un résultat confirmé trois mois après. Depuis 2020, aucun traitement supplémentaire n’a été nécessaire, signe de l’efficacité durable du dispositif.
À Saint-Paul, un autre site infesté par C. gestroi, 8 stations IG et 2 stations AG ont été mises en place. Les termites se sont connectés dès le premier mois, et la colonie a disparu en seulement deux mois. Un délai exceptionnellement court pour une infestation de cette ampleur, surtout après l’échec de méthodes conventionnelles.
À Sainte-Suzanne, l’espèce ciblée était différente : Prorhinotermes canalifrons, réputée difficile à éradiquer. Là encore, les chercheurs ont multiplié les dispositifs : 11 stations IG, 3 stations AG et 10 appâts répartis autour du bâtiment. Les termites ont commencé à consommer les appâts dans le premier mois pour les stations enterrées, mais il a fallu six mois pour que les stations hors-sol soient pleinement connectées. 18 mois après, la moitié des appâts avait été consommée. 3 mois plus tard, plus aucune trace de termites n’était détectée. L’élimination a été confirmée 6 mois après, soit une éradication complète en 19 mois.
Ces trois exemples démontrent la robustesse de la méthode. Non seulement les termites se nourrissent volontiers des appâts, mais les colonies disparaissent progressivement, même dans des contextes où les traitements chimiques avaient échoué.
Quels bénéfices pour le secteur du bâtiment ?
Pour les acteurs du BTP en Outre-mer, les implications sont majeures. D’abord sur le plan technique : disposer d’un outil capable d’éradiquer efficacement les termites là où les produits classiques échouent change radicalement la gestion des chantiers et du patrimoine existant. Cela représente un gain financier pour les propriétaires et bailleurs, qui ne sont plus contraints de multiplier les interventions.
Sur le plan écologique, l’intérêt est tout aussi marqué. Ces extraits végétaux, issus de ressources renouvelables, constituent une alternative biobasée aux molécules de synthèse. Ils réduisent l’impact sur les sols et la biodiversité, une dimension particulièrement essentielle dans des territoires insulaires fragiles.
Sur le plan stratégique, ces résultats confirment l’intérêt de développer des solutions spécifiquement adaptées aux environnements tropicaux. Là où les produits standards montrent leurs limites, la recherche locale ouvre la voie à de nouvelles approches, ancrées dans les besoins des territoires ultramarins.
Consulter ici l’affiche sur les extraits de végétaux pour le contrôle durable des termites en zone tropicale
Ces travaux menés à La Réunion démontrent que des extraits végétaux peuvent devenir une réponse crédible face à un fléau persistant du bâti tropical. Au-delà de l’efficacité prouvée, ils ouvrent la voie à un changement de paradigme : protéger durablement les constructions tout en réduisant la dépendance aux produits chimiques.