Lors de son passage dans l’émission 18/19 de BFM Business, Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), a dressé un constat préoccupant pour la profession. Conjoncture morose, réformes instables et récession persistante : autant de signaux qui fragilisent les entreprises du secteur. Mais au-delà du diagnostic, ses propos soulignent un problème plus profond : la crise du logement se transforme en fracture sociale, et les politiques publiques ne semblent pas répondre à l’urgence.
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Une conjoncture sous pression, des faillites en série
Le bâtiment traverse une deuxième année consécutive de récession. Après une chute de –5,5 % de l’activité en 2024, une nouvelle baisse de –3,5 % est attendue en 2025, soit une perte de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires en deux ans. Le choc social est considérable : 22 000 emplois ont déjà disparu et 30 000 salariés supplémentaires sont menacés.
Les plus touchées sont les très petites entreprises, celles de 1 à 10 salariés, qui constituent pourtant l’ossature du tissu professionnel. Les faillites atteignent des niveaux comparables aux années les plus sombres de la crise, révélant une fragilité structurelle amplifiée par les incertitudes politiques et budgétaires.
PLF 2026 : des mesures clés, mais un horizon flou
Le débat sur le projet de loi de finances 2026 occupe une place centrale. Olivier Salleron insiste sur la nécessité d’instaurer rapidement le statut du bailleur privé, conçu pour stimuler l’investissement locatif. Mais si ce dispositif entre en vigueur dès le 1er janvier prochain, ses effets réels ne se feront sentir qu’à partir de 2027 ou 2028.
Le Prêt à Taux Zéro (PTZ), prolongé d’un an, a prouvé son efficacité, mais les professionnels réclament une visibilité de long terme. Ce manque de stabilité, couplé à l’incertitude politique – avec un gouvernement encore en suspens et des arbitrages différés – bloque les décisions d’investissement et retarde la relance.
MaPrimeRénov’ : instabilité et fracture sociale
Au cœur des critiques figure MaPrimeRénov’, dont les règles ont changé 14 fois en 5 ans et demi. Cette instabilité brouille le message, décourage les ménages et perturbe les entreprises. Les dernières coupes – fin des aides pour l’isolation des murs, marginalisation des chaudières bois – sont dénoncées comme un « scandale absolu ».
Le résultat est inquiétant : seuls les ménages les plus aisés peuvent encore s’engager dans une rénovation énergétique. Les artisans et TPE, déjà affaiblis, se retrouvent à « deux genoux » face à ces stop-and-go. L’outil qui devait accélérer la transition écologique risque de creuser une fracture sociale et territoriale.
Logement et pouvoir d’achat : une urgence nationale
Le logement absorbe 30 à 35 % du budget des ménages. D’après un sondage IFOP, 58 % des Français le classent comme leur première préoccupation, devant la santé et la sécurité. Pourtant, l’offre reste bloquée : ni construction neuve, ni logement social suffisant, ni véritable soutien à l’accession.
Pour Olivier Salleron, la situation devient explosive : sans relance massive de la construction, le logement restera un facteur de colère sociale, aggravant la crise économique et l’injustice ressentie par les ménages modestes.
Emploi et attractivité : un secteur en mutation
Paradoxalement, malgré les destructions d’emplois, le bâtiment continue de chercher 60 000 recrutements par an. Le secteur offre des salaires supérieurs de 5 à 10 % aux grilles habituelles, avec une rémunération moyenne dépassant les 2 000 euros brut mensuels pour un ouvrier après quelques années.
Les métiers évoluent aussi rapidement : l’usage du numérique et de l’intelligence artificielle s’impose, y compris dans de très petites structures. Cette modernisation contraste avec l’image poussiéreuse encore associée au secteur et témoigne de son potentiel d’attractivité.
Retrouver l’intervention du président de la FFB, Olivier Salleron ici.









