En 2023, la Martinique a dû composer avec un contexte mondial marqué par l’inflation énergétique et la volatilité des marchés des matières premières. Ces pressions se sont directement répercutées sur l’économie locale et sur le pouvoir d’achat des ménages. Dans ce climat incertain, l’Observatoire Territorial de la Transition Écologique et Énergétique (OTTEE) a publié le sixième bilan énergétique du territoire, un document de référence qui dresse un état des lieux précis de la consommation, de la production et des émissions. Ce rapport confirme une dépendance encore écrasante aux énergies importées, tout en mettant en avant les premiers effets tangibles du développement des énergies renouvelables.
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Une dépendance énergétique parmi les plus fortes des DOM
La Martinique figure parmi les territoires français les plus dépendants aux énergies extérieures. En 2023, plus de 9 unités d’énergie sur 10 consommées provenaient de l’importation, et plus de 8 sur 10 étaient issues de ressources fossiles. Le taux d’indépendance énergétique reste extrêmement faible, autour de 8 %.
Ce constat place la Martinique derrière d’autres territoires non interconnectés : la Guyane, la Guadeloupe et La Réunion affichent toutes des niveaux de dépendance moindres, en raison de la présence de ressources locales plus diversifiées comme l’hydroélectricité ou la géothermie.
Consommation et production : une progression modérée
La consommation d’énergie primaire a atteint environ 8 400 gigawattheures, ce qui représente une hausse de près de 3% par rapport à 2022. Dans le même temps, la consommation finale est restée relativement stable, légèrement en dessous de 6 000 gigawattheures. La part des énergies renouvelables dans la consommation primaire a reculé, passant de 17 à 16,3 %, traduisant un ralentissement relatif dans leur progression.
La production électrique s’est établie à plus de 1 500 gigawattheures, soit une hausse d’environ 1,6 %. Les énergies renouvelables ont représenté 26,3 % de ce total, une proportion quasi identique à celle de 2022. Cette stabilité traduit les difficultés rencontrées pour franchir un palier significatif dans la transition énergétique.
Les filières renouvelables en ordre dispersé
Le photovoltaïque se confirme comme la filière la plus dynamique. Sa production a progressé de près de 18 gigawattheures en 1 an. L’autoconsommation solaire prend également de l’ampleur : la puissance installée a franchi le seuil des 10 mégawatts-crête et la production annuelle avoisine les 12 gigawattheures, en hausse de près de 1/4.
Le solaire thermique maintient également une trajectoire ascendante. Plus de 88 000 chauffe-eaux solaires étaient installés fin 2023, soit une augmentation de plus de sept pour cent en un an, correspondant à environ six mille nouvelles installations.
En revanche, d’autres filières reculent. La production éolienne a chuté de quinze pour cent, soit une perte d’environ six gigawattheures. La biomasse et le biogaz connaissent également un ralentissement, avec une baisse nette de leur contribution à la production électrique.
Cette évolution contrastée met en lumière un déséquilibre : les progrès solaires compensent partiellement les reculs des autres énergies locales, mais la diversité du mix renouvelable reste limitée.
Les usages de l’électricité : un poids croissant du résidentiel
La consommation électrique globale a atteint 1 373 gigawattheures. Cela correspond à une consommation moyenne de 3,88 mégawattheures par habitant, en légère hausse. Les ménages et petites entreprises, regroupés dans la catégorie des clients dits « Bleu », représentent désormais près de 68 % de la consommation totale, alors qu’ils n’en absorbaient que 59 % l’année précédente. Leur consommation a progressé de plus de cent vingt gigawattheures en un an.
À l’inverse, les entreprises, industries et collectivités, regroupés dans la catégorie des clients « Vert », ont vu leur consommation reculer de manière sensible, avec une baisse équivalente à environ cent vingt gigawattheures.
Par secteur d’activité, le tertiaire reste en tête avec 46,5 % de la consommation électrique totale, suivi de près par le résidentiel à 42,4 %, en nette hausse. L’industrie et l’agriculture enregistrent des reculs marqués. Quant à la mobilité électrique, elle reste encore marginale à l’échelle du territoire, mais elle progresse rapidement : la consommation liée aux véhicules électriques a bondi de plus de 50 %, atteignant plus de quatre gigawattheures.
Réseau et infrastructures : des progrès mais aussi des limites
Le réseau électrique martiniquais continue de s’étendre, avec un total de 5 460 kilomètres en 2023, soit près de 90 kilomètres supplémentaires par rapport à l’année précédente (2022). Cette progression résulte principalement du développement des réseaux de distribution moyenne et basse tension.
Néanmoins, les pertes en ligne, qui représentent l’électricité dissipée lors du transport et de la distribution, ont augmenté pour atteindre 8,5 %. Même si ce taux reste inférieur à la moyenne historique de 9,4 %, il marque une dégradation après le niveau particulièrement bas observé en 2022.
Côté infrastructures de mobilité électrique, le maillage continue de se renforcer. En 2023, on recensait 67 stations de recharge publiques offrant 151 points de charge. Ce nombre a encore progressé début 2024, atteignant 154 points répartis sur l’ensemble de l’île, pour une puissance totale de plus de 2 700 kilowatts.
Des émissions de CO₂ en hausse
La consommation énergétique de la Martinique a généré environ 2,1 millions de tonnes de dioxyde de carbone en 2023, contre 2,05 millions l’année précédente. Rapportées à la population, ces émissions atteignent près de six tonnes par habitant.
Le facteur d’émission de la production électrique, qui mesure la quantité de CO₂ rejetée par kilowattheure produit, reste toutefois en légère baisse, passant de 528 à 503 grammes, signe d’une amélioration marginale de l’efficacité du mix électrique.
Les défis de la décennie à venir
Ces résultats mettent en évidence un paradoxe. D’un côté, la Martinique connaît une dynamique encourageante dans le solaire, notamment l’autoconsommation et le solaire thermique, ainsi qu’un développement progressif des infrastructures liées à la mobilité électrique. De l’autre, la dépendance aux importations d’énergies fossiles demeure extrêmement élevée et les émissions de CO₂ continuent d’augmenter.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie, pilotée par l’État et la Collectivité Territoriale de Martinique, fixe l’objectif d’un mix électrique 100 % renouvelable à l’horizon 2030. Sa révision pour la période 2024-2033, préparée à travers une concertation publique, devra s’attaquer à ce double défi : consolider la montée en puissance des filières solaires et diversifier les sources locales d’énergie, tout en réduisant la vulnérabilité économique et sociale. Les contributions citoyennes et professionnelles ont souligné à la fois les obstacles – coûts élevés, acceptabilité sociale – et les opportunités, de la création d’emplois à la valorisation des ressources locales.
Consulter ici le Bilan Énergétique Martinique 2023
Le bilan 2023 révèle une Martinique à la croisée des chemins : encore captive des énergies fossiles, mais déjà portée par l’élan du solaire et de l’innovation locale. La décennie qui s’ouvre dira si ces signaux se transforment en véritable bascule vers l’autonomie énergétique.