Le dernier Panorama des financements climat de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) confirme une tendance préoccupante. En 2024, les investissements dédiés à la transition écologique ont reculé à 102 milliards d’euros, soit une baisse de 5 % par rapport à 2023. Et selon les estimations provisoires, l’année 2025 devrait à peine dépasser ce niveau, avec 103 milliards d’euros investis. Une stagnation inquiétante, alors même que la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) exige un quasi-doublement des efforts d’ici 2030. En parallèle, les investissements fossiles ont progressé, atteignant 71 milliards d’euros en 2024. L’écart entre trajectoire réelle et objectifs climatiques se creuse.
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Les Travaux Publics au cœur de la transformation
Pour combler cet écart, I4CE chiffre à +87 milliards d’euros par an les besoins d’investissements supplémentaires d’ici 2030.
Les Travaux Publics se situent au cœur de cet effort. Les montants à mobiliser sont colossaux : 6,5 milliards d’euros de plus pour le ferroviaire, 3 milliards pour l’extension des réseaux électriques, 1,4 milliard pour la modernisation des infrastructures existantes et pas moins de 100 000 kilomètres de pistes cyclables à déployer.
En 2024, les TP ont bénéficié d’un coup de pouce conjoncturel grâce aux Jeux Olympiques et Paralympiques, qui ont stimulé les investissements ferroviaires et urbains. Mais cet effet d’entraînement risque de s’essouffler : la baisse annoncée des aides publiques dès 2025, notamment pour les mobilités, menace directement la dynamique engagée.
Des collectivités locales en première ligne
Si l’État et les acteurs privés pèsent lourd dans les équilibres financiers, les collectivités territoriales restent des pivots essentiels. Elles financent la rénovation énergétique des bâtiments publics, modernisent l’éclairage et les flottes de véhicules, et construisent des infrastructures locales, qu’il s’agisse de tramways, de lignes ferroviaires secondaires ou de pistes cyclables.
À l’horizon 2026, la fin du mandat municipal pourrait d’ailleurs stimuler de grands projets, période traditionnellement propice aux investissements d’envergure.
Dans les Outre-mer, les enjeux sont encore plus criants : retard d’infrastructures, vulnérabilité accrue aux aléas climatiques, dépendance énergétique. Le développement des réseaux électriques résilients, des transports collectifs et des mobilités douces y devient une nécessité vitale, bien plus qu’un choix stratégique.
Une équation financière difficile à résoudre
Le financement de la transition reste le nerf de la guerre. En 2024, 74 % des investissements climat provenaient du privé, et seulement 16 % du public, via notamment la Caisse des Dépôts et la Banque Européenne d’Investissement.
Mais ces moyennes cachent des fragilités structurelles. D’après I4CE, sans mesures correctives, les besoins de dépenses publiques supplémentaires atteindraient 52 milliards d’euros en 2030. Avec des mesures ciblées (recentrage des aides, suppression de niches fiscales fossiles, renforcement des Certificats d’économies d’énergie), ce besoin pourrait être ramené à 18 milliards.
Mais cela suppose de transférer une partie du poids financier vers les ménages et les entreprises, au risque d’accentuer les inégalités.
Le rapport met aussi en lumière une évolution méthodologique lourde de conséquences : chaudières gaz à condensation et véhicules hybrides rechargeables sont désormais reclassés dans les investissements fossiles.
Ce choix accentue mécaniquement le contraste entre les trajectoires bas-carbone et fossiles.
Anticiper, coordonner, financer autrement
Face à ces défis, I4CE formule plusieurs pistes. Anticiper la montée en charge des chantiers ferroviaires et cyclables. Assurer une coordination efficace entre État, collectivités, bailleurs et entreprises. Répartir équitablement les charges financières pour préserver la soutenabilité du modèle.
Mais au-delà des recommandations, la question centrale demeure : les Travaux Publics ont-ils la capacité de mobiliser les compétences, les matériaux et les financements nécessaires pour absorber ce choc d’investissement ?
Les Travaux Publics ne sont plus seulement un rouage de l’économie nationale. Ils sont désormais le pivot de la transition climatique. Si les financements ne suivent pas, c’est l’ensemble des objectifs climatiques français qui seront compromis. Investir massivement et rapidement devient une obligation : chaque année perdue creuse un peu plus l’équation impossible à résoudre.